Saad Hariri, premier ministre libanais, a partagé un selfie pris à Paris en compagnie du roi Mohammed VI et le prince héritier d’Arabie, Mohammed Ben Salman (MBS) ce soir sur son compte Twitter avec pour seule mention « sans commentaire ». Et pour cause, leur réunion était pour ainsi dire jugée improbable à la lecture de l’actualité récente…
La photographie fait le buzz sur les réseaux sociaux ce soir. Elle montre le roi Mohammed VI (au centre), Mohammed Ben Salman (MBS), prince héritier d’Arabie Saoudite, actuellement en visite officielle en France, en arrière plan, et l’auteur du selfie, Saad Hariri, Premier ministre du Liban, au premier plan, tous trois souriants, lors d’un dîner à trois dans un restaurant parisien.
Hariri l’a partagée ce soir sur son compte Twitter avec pour seule mention « Sans commentaire ». Et pour cause, la réunion était pour ainsi dire jugée improbable à la lecture de l’actualité récente.
Le Premier ministre libanais apparaissait jusqu’ici complètement« grillé », ayant déçu à la fois les attentes de ses parrains saoudiens et de ses partisans libanais. S’il était tombé en disgrâce aux yeux des premiers, c’est pour deux raisons. La première est qu’il a été jugé trop faible, trop timoré, mais aussi trop conciliant face à un Hezbollah, dont, pourtant, tout son entourage et, au-delà, la communauté sunnite dans son ensemble, sont convaincus qu’il a participé directement à l’assassinat de son père. Cette attitude était jugée d’autant plus inadmissible que Riyad a aidé à coups de milliards de dollars le Liban depuis le départ des troupes syriennes en 2005.
La seconde raison est sa proximité en affaires avec des membres des autres clans saoudiens, celui du défunt roi Abdallah en particulier, et des hommes d’affaires qui leur sont liés – soit ceux que Mohammed ben Salman avait fait arrêter, le 4 novembre, jour de la démission forcée de Hariri – et dont il a gelé les comptes bancaires alors qu’il s’était retrouvé piégé en Arabie saoudite – dans le cadre de sa campagne anticorruption. « L’affaire Hariri est, d’abord, une affaire intérieure saoudienne », reconnaissait dernièrement une source diplomatique française.
Hariri était devenu premier ministre avec le soutien, politique et aussi financier, de Riyad afin qu’il fasse contrepoids au Hezbollah. À la place, Riyad l’accusait, d’avoir fait des affaires, certaines douteuses, avec des partisans de Michel Aoun, les alliés chrétiens du parti de Dieu, notamment dans ce que l’opposition parlementaire chrétienne appelle « le scandale de l’électricité », qui, à ses yeux, aurait dû « faire tomber le gouvernement ».
L’Arabie saoudite disposait de deux armes pour accompagner ce « droit de veto » : elle jouit de quelque 13 à 14 milliards de dollars dans les banques libanaises susceptibles d’être retirés.
L’avenir de Saad Hariri semblait tout aussi compromis même si sa détention dans le Royaume wahhabite lui a valu de retrouver une popularité certaine dans sa communauté et au-delà. Son retour orchestré aussi par Paris et ses retrouvailles avec MBS semblent donc indiquer qu’il est revenu en grâce.
Quant aux relations entre Mohammed VI et MBS, la plupart des observateurs analysaient une certaine distance depuis quelques temps entre le Maroc et l’Arabie saoudite qui critiquait mezzo voce le rapprochement manifeste de Rabat avec Doha. Un coup de froid dans les relations maroco-saoudiennes avait été ressenti depuis les sorties de Turki bin Abdul Mohsen Al-Sheikh, ponte du sport en Arabie saoudite et proche conseiller du prince Mohammed Ben Salman. Ses deux tweets, où il insinuait que son pays ne votera pas pour le dossier de candidature du Maroc au Mondial 2026 avait fait couler beaucoup d’encre…