Mohcine Belabbas est formel. Si la présidence de la République décide éventuellement d’inviter le président du RCD pour une rencontre avec Abdelmadjid Tebboune, dans le cadre des concertations qu’il a engagées avec des personnalités nationale, la réponse sera « non ».
« On ne peut pas qualifier cela de dialogue ou de concertation. Ce que nous voyons, c’est le retour de certaines pratiques du passé. Lors de la dernière décennie de Bouteflika, une mission a été confiée à une personnalité pour le rencontrer afin de prouver à l’opinion qu’il est en bonne santé, qu’il dirige le pays et pour démentir les rumeurs sur son prétendu décès (allusion à Lakhdar Brahimi, ndlr). La même mission est confiée aujourd’hui à d’autres personnalités, la différence étant les causes. On veut accréditer l’idée qu’il y a dialogue. Or, il s’agit juste d’un échange protocolaire, dans des salles fermées, loin des médias. Nous estimons que le véritable dialogue, dans la foulée de la révolution, est celui qui sera transmis dans les télés, qui n’exclut personne, avec un objectif, un ordre du jour et un écho dans l’opinion. Ce que nous voyons est tout le contraire. Les médias sont toujours fermés devant les acteurs du hirak qui ont une vision de sortie de crise », soutient le président du RCD dans un entretien paru dans l’édition de ce mardi 21 janvier du quotidien el Khabar.
Mohcine Belabbas exclut donc toute rencontre avec le président Tebboune. « Nous n’avons pas la même conception du dialogue. Eux, ils recherchent une légitimité à travers des rencontres bilatérales, ce qui apparait comme une manœuvre claire. Le dialogue, de notre point de vue, doit être public. Il y a des exemples dont nous pouvons tirer profit, comme la rencontre de Mazafran en 2014 qui a vu la présence d’acteurs politiques de diverses sensibilités idéologiques. Je n’ai rien à évoquer en secret avec Tebboune. Nous sommes un parti qui propose des solutions à tous les problèmes. Nous avons été les précurseurs du débat politique depuis 2012. Tout ce qu’on a dit est écrit et documenté. Que vais-je dire à Tebboune ? Nous disons au peuple nos points de vue et nous disons que nous ne détenons pas la vérité absolue. Nous demandons des rencontres en présence de toutes les forces politiques pour rapprocher les avis et pour sortir avec une feuille de route consensuelle », explique-t-il.
Dans ce contexte, s’appuyant sur l’expérience des pays qui ont vécu des circonstances similaires à celle de l’Algérie, Mohcine Belabbas préconise l’organisation d’une conférence nationale, sans exclusive, avec la participation du pouvoir. « Mais que ça soit public », insiste-t-il.
Pour lui, cette conférence doit avoir un « ordre du jour », « traiter toutes les questions », fixer sa durée et éviter qu’elle reproduise l’expérience de 1994 ». « Au cœur de cette conférence, la manière de sortir de la crise qui sévit depuis 1962, c’est-à dire résoudre la question de la légitimité à la base. Et nous pensons que ses recommandations doivent être adoptées par référendum », détaille-t-il.
Mohcine Belabbas, qui ne perçoit pas encore des « signes d’une volonté » de la part du pouvoir d’aller vers une « nouvelle ère », ni une « évolution au regard de la répression et des arrestations » qui se poursuivent, réitère son attachement à une période de transition pour un processus constituant. « Peu importe l’identité de celui qui va conduire cette transition », dit-il.
Qualifiant Abdelmadjid Tebboune de président « désigné » et de président du « fait accompli », le leader du RCD, à l’inverse de certaines voix, soutient que le hirak n’a pas échoué : « C’est une vision injuste car dès le début, le hirak ne voyait pas dans l’élection présidentielle une étape importante. Tous savaient que le pouvoir allait désigner un président dans une prétendue élection, à la manière de toutes les mascarades auxquelles il nous avait habitués depuis 1962 pour se donner une façade politique et une espèce de légitimité institutionnelle ».