Dans le grand sud algérien, la récolte des céréales sous pivot approche. Pour éviter toute perte de grain, l’Office algérien des céréales renforce les moyens matériels alloués à ces nouvelles régions céréalières. Moissonner et transporter des dizaines de milliers de quintaux de grains nécessite des moyens logistiques exceptionnels sur des distances qui se comptent le plus souvent en centaines de kilomètres.
La Télévision algérienne (ex-ENTV) a diffusé ce mercredi 24 avril les images impressionnantes d’un convoi de camions se dirigeant vers Adrar et Timimoun, dans le grand sud algérien.
Abondamment partagée sur les réseaux sociaux, cette séquence fait l’admiration des internautes. À l’image des camions en convoi se dirigeant vers les pays limitrophes dans le cadre du développement des exportations hors hydrocarbures, ceux se dirigeant vers le Sud arborent sur leur calandre l’emblème national ou le logo de l’Office algérien interprofessionnel des céréales.
Il s’agit de camions à benne de grand tonnage munis de bâche en toile indiquant une utilisation pour le transport de grains. Quelques-uns tirent des remorques à plateau sur lesquels sont disposés des rétro-chargeurs à godet et des moissonneuses-batteuses flambant neuves Sampo.
Céréales en Algérie : impressionnant convoi d’engins pour la moisson des céréales dans le Sahara
Le convoi comporte près d’une centaine de camions dont beaucoup de même marque. Ils traversent des zones sableuses comme en témoignent les remblais au bord des routes et des zones de culture de blé dont les champs circulaires sont visibles depuis la route.
Filmés en vue aérienne par un drone à proximité de leur destination finale, les camions avancent parfois en longue file sur une seule voie ou sur deux voies bordées de palmiers. Quelques véhicules privés tentent de doubler l’imposant convoi en se faufilant péniblement entre deux camions.
Le fait que dans le sud de l’Algérie la récolte de céréales soit plus précoce qu’au nord justifie le déplacement de moyens matériels entre ces régions.
Adrar, un million de quintaux et 130 camions
En 2021, les services agricoles de la wilaya d’Adrar prévoyaient de récolter près d’un million de quintaux de blé.
Le directeur de la coopérative des céréales et légumes secs (CCLS) d’Adrar, Mokhtar Hamdani, confiait à l’époque au quotidien El Moudjahid que : « Pour les besoins de la campagne de moisson de cette saison, 81 moissonneuses ont été mobilisées, en plus de 130 camions pour le transport de la récolte vers les points de collecte ».
Ce responsable ajoutait que les communes de Zaouiet-Kounta, Aoulef et Amguiden avaient bénéficié d’un point de collecte. Une décision salutaire sachant que la distance entre ces communes et Adrar sont respectivement de 77 km, 246 et jusqu’à 330 km pour Amguiden.
Quant au point de stockage principal d’Adrar, l’installation d’un deuxième pont bascule devait permettre « d’atténuer la pression et d’accélérer les procédures d’emmagasinage » selon le responsable de la CCLS.
À l’improvisation des premières années alors que le blé fraîchement récolté était stocké provisoirement à même le sol et recouvert de simples bâches succède progressivement une chaîne de points de collecte avec ponts bascules et dans le meilleur des cas silos en dur ou hangars pour un stockage à plat.
Au même titre que les engins de récolte, il est apparu que les camions étaient une pièce centrale du dispositif logistique.
Ainsi, rien ne sert de disposer de moissonneuses batteuses si les camions chargés de l’acheminement des récoltes depuis les champs vers les points de collecte puis vers les centres de consommation des grandes villes ne sont pas disponibles. Jusqu’à présent au nord du pays, ce sont les agriculteurs eux-mêmes qui se chargeaient de ce type d’acheminement vers les CCLS.
Les faibles distances permettaient d’utiliser tracteurs et remorques à un essieu des exploitations. Dans certains cas, avant l’apparition des nouveaux engins de récolte en vrac de marque Sampo, les agriculteurs louaient des camions afin d’éviter de multiplier les opérations de transbordement de grains et les pertes de charge qui en découlent.
Mais dans le sud de l’Algérie, les distances considérables ne permettent plus d’utiliser tracteurs et remorques agricoles à un seul essieu. À la démesure des distances et des volumes permis par l’irrigation, seuls des camions de gros tonnage peuvent permettre d’évacuer les récoltes.
Des trajets en camion de 16 heures
Au Sud, le personnel des CCLS s’affairent à assurer une parfaite coordination entre engins de récolte, camions destinés à l’acheminement des grains vers les points de collecte et camions destinés à l’enlèvement des grains depuis ces points de collectes vers les silos régionaux voire vers les villes du Nord.
Or, Alger se situe à 1.400 km d’Adrar et à 1.200 km de Timimoun. La durée des voyages entre ces villes et la capitale nécessitent jusqu’à 16 heures de route voire plus lorsque sur certains tronçons le revêtement de la route est endommagé par un surcroît de trafic.
Pour la manipulation des grains et leur pesée, les CCLS utilisent des engins à godets, suceuses à grains et ponts bascules. Il suffit qu’un de ces ponts bascules soit défaillant ou que le nombre d’engins à godets soit insuffisant pour que cette chaîne logistique complexe se grippe.
À plusieurs reprises, des investisseurs au Sud ont signalé le manque de disponibilité en matériel de récolte et les risques de perte de grains encourus en cas de tempête de sable.
En 2023 le ministère de l’Agriculture et du Développement rural a évoqué la demande faite à la société Sampo afin que la capacité des moissonneuses-batteuses fabriquées localement soit augmentée en les dotant d’une barre de coupe de plus grande dimension.
En mai 2023, l’Office de développement de l’agriculture industrielle en terres sahariennes (ODAS) a lancé un troisième appel à projets d’investissement dans l’agriculture saharienne sur laquelle mise l’Algérie pour assurer sa sécurité alimentaire.
À cette occasion, le ministère de l’Agriculture et du Développement rural avait annoncé l’ouverture de la plate-forme numérique destinée au dépôt des candidatures venant des investisseurs potentiels.
L’objectif de l’Algérie est d’arriver à terme à la mise en valeur d’un million d’hectares au Sud permettant le développement des cultures stratégiques dont les céréales. Un développement que la publication spécialisée La France Agricole estimait récemment à 1.000 dollars la tonne concernant le blé, soit trois fois plus que pour le blé d’importation.