Mais qu’était-il venu faire dans cette galère ? Il y a un an, lors du remaniement ministériel, l’arrivée au gouvernement de Mokhtar Hasbellaoui, un professeur en médecine sans passé politique ni de militant, avait suscité beaucoup de réactions d’étonnement.
Le ministère dont il a hérité est difficile. Hormis ses connaissances de médecin, Hasbellaoui n’avait rien à offrir à un secteur réputé ingérable du fait de la complexité et de l’importance de l’enjeu : faire fonctionner des hôpitaux, en piteux état, presque avec les seules subventions publiques.
Un an après sa nomination, Mokhtar Hasbellaoui n’a pas apaisé les craintes de ceux qui doutaient de lui. Au contraire. Le ministre a multiplié les maladresses, donnant de lui l’image d’un ministre sans stratégie pour son secteur et sans convictions dans l’action. Il a ainsi repris en chemin et défendu un Projet de loi santé incohérent et sans ambitions. Mais c’est sur sa gestion de la grève des médecins résidents qu’il a fourni la preuve qu’un bon médecin ne fait pas forcément un bon ministre de la Santé.
Depuis maintenant six mois, les résidents sont en grève pour faire aboutir leurs revendications, notamment la fin du service civil obligatoire et de meilleures conditions de travail. Fin avril, ils ont franchi une étape inédite, avec leur décision d’arrêter les gardes d’urgences. Depuis, de nombreux hôpitaux, notamment les CHU qui accueillent de nombreux résidents, fonctionnent au ralenti. Même si la tutelle refuse de le reconnaître, l’impact de la grève est sérieux. Il fragilise un secteur déjà en proie à de nombreuses difficultés.
Hier, à l’issue d’une réunion de plusieurs heures, le Collectif autonome des médecins résidents algériens (Camra) a dévoilé sa nouvelle proposition de sortie de crise : la reprise des gardes à partir du 3 juin prochain « conditionnée par des négociations fructueuses avant cette date ».
Comprendre : les médecins grévistes attendent des gestes de la part du ministère de la Santé et du gouvernement pour pouvoir enfin avancer et sortir d’une impasse qui n’a que trop duré.
Ce dimanche, Mokhtar Hasbellaoui, ministre de la Santé, a apporté une réponse étonnante. « Je ne suis au courant de rien. Je suis coupé du monde », a-t-il répondu aux journalistes à l’issue de la séance plénière consacrée à la présentation du projet de loi sur la Santé devant les membres du Conseil de la Nation. On ne comprend pas trop le sens de cette réponse. Un ministre qui n’est pas officiellement en congé a-t-il le droit d’être « coupé du monde » surtout que le sujet dont il est question le concerne directement ? Ou cette réponse cache-t-elle une lassitude de la part du ministre qui doit lui-même se demander ce qu’il fait dans cette galère ?
Après six mois de grève et dans un contexte pré-électoral, l’offre du Camra méritait sans doute un meilleur accueil de la part du ministre de la Santé. Une offre de dialogue est toujours bonne à prendre, au moins pour montrer à l’opinion publique que le gouvernement n’est pas forcément la source du blocage. Or, dans les propos du ministre de la Santé, il y a un mélange de mépris pour le partenaire social et d’incapacité à saisir la gravité de la situation. Une preuve que ce ministre n’est définitivement plus à sa place.