Les manifestants du 29e vendredi ont rejeté la présidentielle dans les conditions actuelles. Pensez-vous que le scrutin peut avoir lieu ?
Mokhtar Saïd Mediouni, officier de l’ANP à la retraite : On assiste à des prémices d’un blocage économique du pays. Connaissez-vous un responsable qui peut prendre ou signer une décision ? Tout est bloqué même au niveau local. Je pense que l’enjeu sécuritaire et les dangers qui pèsent sur la sécurité de la nation dictent aussi cet impératif d’aller vers des élections le plus rapidement possible. Vous savez, nos frontières sont en ébullition.
Le Hirak, il faut le dire, est lui aussi devenu dictateur. Est-ce que quelqu’un peut brandir une pancarte pour dire « Oui aux élections » ? Je pense que l’extrémisme est chez l’autre partie, ce n’est pas chez l’armée. Heureusement que cette partie ne représente pas tout le Hirak. Il y a un noyau dur qui s’oppose systématiquement à tout ce qui émane comme sortie de crise. Les dérapages enregistrés ces toutes dernières semaines font qu’il y a une menace sur la sécurité de la nation qui est très importante et très grave en même temps.
Doit-on alors mettre en péril l’existence même de la nation algérienne en tergiversant et en élevant le niveau des revendications qui n’ont pas lieu d’être aujourd’hui ? Nous l’avons déjà dit, la seule solution pour ce pays ce sont les élections présidentielles. Élire un président c’est ouvrir toutes les portes et les chantiers. Il y a notamment la loi électorale à changer, d’ailleurs le chef d’état-major, dans le discours qu’il a prononcé à Ouargla, a demandé que certains articles de la loi électorale soient modifiés de façon à donner plus de crédibilité à ces élections. Le temps nous est comptés et chaque jour de plus met l’Algérie en danger. On doit aller vers les élections, ce sont elles qui vont régler tous les autres problèmes.
En cas de persistance du rejet des élections, le pouvoir pourrait-il être tenté par un passage en force ?
Vous savez, des occasions se sont présentées à plusieurs reprises, au vu de la situation sécuritaire et des menaces qui pèse sur l’Algérie, si le pouvoir avait l’intention de passer en force, la Constitution lui en donne le droit dès lors que la sécurité nationale qui prime, mais cela n’a pas été fait. Le peuple algérien peut être fier d’avoir aujourd’hui une armée comme la nôtre et d’avoir un chef d’état-major comme le nôtre. Dans certains pays, le premier qui saute sur l’occasion c’est bien l’armée pour prendre le pouvoir. L’armée algérienne est la seule au monde qui tient à rester dans le cadre de la Constitution et dans le respect de l’Etat de droit.
Il n’y a donc aucune tentative de passer en force. On essaie de sensibiliser l’opinion nationale sur le fait qu’il faut peser dans la balance ce qui est demandé aujourd’hui, mais qui ne peut être réalisé, avec la sécurité de la nation. Ceux qui, aujourd’hui, appellent à une période de transition ont, à un certain moment, fait partie du Conseil national de transition (CNT) dont Bensalah était le président et qui est aujourd’hui critiqué par ces mêmes personnes. Pourquoi ne pas rester dans la Constitution, élire un président et régler tous les problèmes ? Les chantiers sont énormes. Encore une fois l’élection est la seule issue.
Ne pensez-vous que le prochain scrutin pourrait subir le même sort que les deux précédents ?
La majorité du peuple algérien est en faveur des élections. Beaucoup de citoyens en ont marre de cette situation. L’économie est en situation de blocage. Demain on risque de ne pas trouver des médicaments pour nos enfants. La perpétuation de la crise va engendrer d’autres problématiques encore plus graves sur les plans économique et social. Il nous faudra encore vingt ans pour sortir de tout ça. Donc je suis optimiste quant au fait que la majorité des Algériens ira voter.