« Je mets le Kun Agüero? » L’image du sélectionneur argentin Jorge Sampaoli demandant à Lionel Messi son assentiment avant un changement, mardi face au Nigeria (2-1), dit sa perte d’influence dans le vestiaire après les rumeurs de fronde et la correction reçue contre la Croatie.
Le foot a une expression pour ce genre de situation: la république des joueurs, quand ces derniers, mécontents des décisions ou des orientations de leur entraîneur, prennent les choses en main.
C’est un peu ce qui semble s’être passé en sélection argentine après la déroute subie contre la Croatie (3-0). Rapidement après cette humiliation, qui laissait l’Argentine au bord de l’élimination, des rumeurs ont percé un peu partout: les joueurs réclamaient le débarquement de ‘Sampa’ et son remplacement par le manager de la sélection, le champion du monde Jorge Burruchaga.
– « Nous en parlons » –
Vigoureusement démentie par la fédération – « c’est absolument faux », dit-elle le lendemain du match -, cette rumeur aboutit à la confirmation de Sampaoli dans ses fonctions samedi soir. Fin de l’histoire?
Car si le lendemain le président de l’AFA Claudio Tapia en appelle à l’union sacrée et demande aux supporters « de soutenir ce groupe, ce staff technique et ce rêve », le « Jefecito » (petit chef) Javier Mascherano va donner une explication de texte un peu différente.
Il dit certes que la « relation avec le sélectionneur est totalement normale » mais indique aussi que « quand nous sentons un certain malaise, nous en parlons » avec le sélectionneur « parce que sinon, nous serions des hypocrites ». « Nous devons nous unir, exprimer nos opinions », dit encore ce proche de Lionel Messi, longtemps influent milieu du grand FC Barcelone.
– Pas comme Lopetegui –
Selon Clarin, grand quotidien argentin, les relations entre ‘Sampa’ et ses cadres, au premier rang desquels la ‘Pulga’, sont dégradées depuis le stage d’avant-Coupe du monde à Barcelone. Des tensions sont alors apparues, notamment au sujet des charges d’entraînement, jugées trop lourdes par les joueurs.
Sampaoli ressort ensuite fragilisé de la défaite contre la Croatie. Ses choix tactiques ont privé Messi de ballons et sa défense à trois n’a vraiment pas brillé par sa solidité.
Et s’il est toujours en poste, contrairement au sélectionneur espagnol Julen Lopetegui débarqué à deux jours du Mondial pour avoir négocié en douce son départ au Real Madrid, c’est peut-être un peu pour des raisons financières. Il a un contrat encore long de quatre ans et un licenciement coûterait très cher à l’AFA (entre 15 et 20 millions d’euros selon les sources) alors que l’instance est depuis plusieurs années en proie à des difficultés financières.
Mais « quand on est faible, les autres le ressentent et les joueurs de foot encore plus, parce qu’ils sont entraînés, depuis tout jeune, à sentir la faiblesse de leurs adversaires », observe alors auprès de l’AFP François Manardo, qui a connu une autre forme de fronde des joueurs, à Knysna avec l’équipe de France.
– « On ne sait pas ce qu’ils veulent faire » –
Déjà, en 2006, les Bleus avaient « demandé avec insistance » après un premier tour difficile « et obtenu le droit, après chaque match, de s’isoler pour faire un barbecue entre eux », explique celui qui est aujourd’hui consultant pour BFM/RMC Sports. Une façon de faire le point entre eux mais la presse avait aussi parlé à l’époque de ces barbecues autour de « Zizou » comme les moments-clés pour la prise de décision.
En Argentine, l’image de Sampaoli demandant à Messi son assentiment pour faire entrer Sergio Agüero, en fin de match contre le Nigeria, semble acter cette prise de pouvoir des joueurs. Il avait d’ailleurs déjà dû faire une croix sur les principes qui ont fait sa marque de fabrique chez le voisin chilien, notamment un pressing agressif.
« Visiblement, il n’a pas réussi à les mettre en place en Argentine », observe l’ancien entraîneur de la Real Sociedad Raynald Denoueix. « Le Chili, quand on les voyait jouer, on savait ce qu’ils voulait faire. L’Argentine on ne sait pas ce qu’ils veulent faire, ni avec qui, ni comment. » Avant d’affronter la France en huitièmes de finale samedi à Kazan, peut-être ont-ils au moins décidé de faire désormais un peu sans Sampaoli.