International

Mondial 2026 – Maroc : un échec qui va au-delà du football

La candidature du Maroc, dont c’était la 5ème tentative, pour l’organisation du Mondial 2026 a échoué à récolter le nombre de voix nécessaire des fédérations de football affiliées à la FIFA qui ont opté, par 134 voix contre 65, pour le dossier United 2026, la candidature commune des États-Unis, du Canada et du Mexique.

Au-delà de l’aspect technique du dossier marocain, auquel la task-force de la FIFA avait attribué une note de 2,7 sur 5, bien inférieure au 4 sur 5 de la United 2026, il n’est pas exclu que les jeux d’influence politique internationaux aient joué leur rôle dans la victoire du trio américain.

Cela est d’autant plus probable que le président américain, Donald Trump, avait ouvertement menacé de représailles les pays recevant un soutien des États-Unis et qui auraient voté contre la candidature commune du trio américain.

Alors que les ingérences politiques sont en principe interdites pendant les campagnes pour l’organisation du Mondial, la Fifa a évité de réagir aux propos du président américain. Cela n’est pas vraiment surprenant lorsque l’on sait que l’actuel président de la Fifa, Gianno Infantino, doit en grande partie son élection en 2016, à la tête de l’instance footballistique internationale, au soutien des trois futurs organisateurs du Mondial 2026.

Malheureusement pour la candidature marocaine, la real-politik est implacable. Alors qu’il s’attendait à des soutiens francs au sein des espaces naturels auxquels il appartient, à savoir l’Afrique, la région arabe et le monde musulman, le Maroc a enregistré des défections auxquelles il ne s’attendait pas.

Il a aussi reçu des soutiens plus surprenants venus d’Europe alors que certaines fédérations ont préféré s’abstenir de voter.

Petit tour d’horizon planétaire du vote pour l’organisation du Mondial 2026 à l’aune de la real-politik internationale.

Une candidature africaine mal-aimée en Afrique

Pour une candidature qui se voulait africaine, et pour laquelle d’anciennes gloires du football africaines, comme Daniel Amokachi (Nigeria), Khalilou Fadiga (Sénégal) et Patrick M’boma (Cameroun), avaient appelé à voter, il s’agit d’un ratage assez significatif.

Le Maroc pensait récolter l’ensemble des votes des fédérations africaines de football soit 53 – sans celle du Ghana qui vient d’être dissoute pour corruption de ses dirigeants – mais il n’en a récolté que 42.

Ce sont 11 fédérations africaines qui ont voté pour le dossier United 2026 :, Afrique du Sud, Bénin, Botswana, Cap Vert, Guinée, Lesotho, Liberia, Mozambique, Namibie, Sierra Leone et Zimbabwe.

Concernant les fédérations d’Afrique australe, celles d’Afrique du sud et de Namibie, avaient ouvertement déclaré à une semaine du vote « qu’elles ne donneraient pas leur vote à un pays colonialiste fussent-il africain » en référence au Sahara occidental. Il se pourrait que les fédérations botswanaise, mozambicaine, zimbabwéenne et lésothienne, dont les gouvernements sont tous pro-sahraouis, sans forcément être pro-américains, aient voté pour United 2026 par solidarité à la cause sahraouie.

Les votes des fédérations sierra-leonaise et libérienne dont les pays, assez proches des Américains, bénéficient d’un fort soutien financier international, ne sont pas vraiment étonnants.

Par contre les votes des fédérations béninoise et guinéenne sont une véritable surprise tant les investissements marocains que reçoivent les économies de ces deux pays sont importants. Le président de la fédération guinéenne a assuré que son vote pour la candidature américaine était due à un « problème technique ».

La défection des pays du Golfe

Toutes les fédérations des pays du Golfe, à l’exception de celles d’Oman et du Qatar, ont voté pour la candidature des États-Unis, du Canada et du Mexique, ce qui a été vécu comme une trahison au Maroc.

Le vote des pays du Golfe n’est en fait pas une surprise tant les gouvernements de ces pays sont dépendants des États-Unis pour leur sécurité. Tellement dépendants que l’Arabie saoudite, grand allié des États-Unis, aurait exercé un très fort lobbying pour le compte de son protecteur américain.

C’est ainsi que des pays comme le Liban et l’Irak ont tourné le dos à la solidarité arabe, alors que l’Indonésie, la Malaisie et l’Afghanistan ont laissé tomber la solidarité islamique sous la pression saoudienne.

Des soutiens « surprise » venus d’Europe

La candidature marocaine a récolté le vote de fédérations de grands pays européens de football comme ceux de la France, de l’Italie et des Pays-Bas. Les fédérations belge et luxembourgeoise ont aussi voté en faveur du dossier marocain.

Mis à part les critères de proximité géographique, ce vote pourrait aussi s’expliquer par le fait que ces pays de l’Union européenne soit en pleine crise ouverte avec les États-Unis sur leurs relations commerciales et sur le nucléaire iranien. L’hypothèse d’un vote contestataire contre les États-Unis et la politique d’intimidation de leur président n’est pas à exclure.

Outre ses pays en Europe, la candidature marocaine a reçu les votes des fédérations turque, serbe, albanaise, slovaque, kazakhstanaise et biélorusse. La fédération allemande a pour sa part voté pour United 2026.

Les cas atypiques

Il y a eu trois abstentions lors de ce vote puisque les fédérations cubaine, espagnol et slovène n’ont pas voté.

L’abstention cubaine peut s’expliquer par le fait que ce pays ait de mauvaises relations aussi bien avec les États-Unis qu’avec le Maroc. Les États-Unis maintiennent Cuba sous blocus économique depuis près de 60 ans, et le Maroc est considéré par La Havane comme un pays colonialiste. Cuba a d’ailleurs toujours soutenu le Front Polisario logistiquement et diplomatiquement.

L’abstention de la fédération espagnole peut à l’inverse trouver son explication dans les bonnes relations que l’Espagne entretient aussi bien avec les trois pays américains, dont un, le Mexique est hispanophone, qu’avec le Maroc qui est son voisin direct.

Ou peut-être que les Espagnols sont aussi bien mécontents des États-Unis que du Maroc en raison du chantage, l’un commercial et l’autre à l’immigration, qu’ils exercent sur l’Europe. En tout cas, les Espagnols semblent n’avoir voulu ni contenter ni froisser personne.

L’Iran, dans une position analogue à celle de Cuba, n’a pas opté pour l’abstention, mais n’a voté pour aucun des deux dossiers, comme indiqué sur le tableau des résultats du vote. Les relations de l’Iran sont notoirement tendues avec les États-Unis qui viennent de se retirer de l’accord sur le nucléaire, alors que Rabat a très récemment rompu ses relations diplomatiques avec Téhéran. L’Iran a donc voté blanc.

Les plus lus