Ça n’aurait dû être qu’un match du Mondial-2018, mais entre des célébrations de buts pro-Kosovo et une référence au tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie dans la bouche d’un coach en colère, Suisse-Serbie (2-1) a sérieusement dérapé.
La presse serbe a dénoncé samedi, au lendemain du match, une “provocation honteuse” dans les démonstrations de joie des buteurs suisses Granit Xhaka, né en Suisse de famille kosovare, et Xherdan Shaqiri, né au Kosovo, une ancienne province serbe majoritairement albanaise.
Les deux joueurs ont mimé vendredi soir des deux mains l’aigle du drapeau albanais, un geste considéré en Serbie comme un symbole de défiance. Ils ont “célébré leur succès avec le signe de l’aigle noir effectué par ceux qui croient en la prétendue idée d’une +Grande Albanie+”, a commenté le journal Blic en Serbie.
La “Grande Albanie” fait référence à une doctrine nationaliste visant à regrouper au sein d’un même pays tous les Albanais des Balkans.
Xhaka “a provoqué nos supporters de manière honteuse. Après avoir mimé un aigle faisant clairement allusion à ses origines albanaises, il a couru sur le terrain pour se montrer aux caméras”, a regretté le journal.
Les médias, évoquant des “gesticulations albanaises”, ont aussi remarqué la présence des drapeaux suisse et kosovar sur les crampons de Shaqiri.
– “l’hystérie” –
La Fédération serbe s’était également plainte des crampons de Shaqiri avant le match, sans succès, selon la RTS.
Le président serbe Aleksandar Vucic, interrogé sur les célébrations, a estimé que cela “en dit long sur notre grandeur et la leur”, dans des propos rapportés par la chaîne N1.
Du côté de Pristina en revanche, la presse a salué une “prestation extraordinaire” des deux joueurs, raillant “l’hystérie” déclenchée par les gestes de Xhaka et Shaqiri.
Le président du Kosovo Hashim Thaci a félicité sur Twitter les deux buteurs et toute l’équipe suisse pour sa “victoire bien méritée. Fier de vous! Le Kosovo vous aime!”
Les Suisses, de leur côté, ont appelé à ne “pas en faire une affaire d’État” par la voix du délégué aux équipes nationales de la Fédération (ASF), Claudio Sulser, évoquant “une réaction spontanée des joueurs”, mais sans “message politique derrière”.
“Il ne faut pas oublier qu’on jouait un match très intense. Déjà au début l’hymne suisse a été sifflé, ce n’était pas très positif”, a-t-il ajouté.
Claudio Sulser a affirmé qu’il ne redoutait pas de sanction de la Fifa: “Non, je ne pense pas, cette situation, ce n’est pas noir ou blanc, c’est gris. La Fifa est apolitique et aconfessionnelle, mais si quelqu’un veut l’interpréter comme un message politique, il est libre, mais pour éviter tout spéculation: il n’y a pas de message politique derrière, c’était une façon d’exprimer leur joie, mais sans vouloir naturellement offenser”.
– “Je l’enverrais à La Haye” –
“Je pense que les intéressés vont en tirer leurs conclusions et apprendre, et se dire que peut-être la prochaine fois c’est mieux de ne pas le faire”, a conclu le dirigeant suisse.
Mais la Serbie ne s’est toujours pas remise non plus du penalty non sifflé lors de ce match. Son sélectionneur Mladen Krstajic a lâché, furieux : “Nous avons été volés. “Je ne donnerais pas (à l’arbitre allemand Felix Brych) un carton jaune ou un carton rouge, je l’enverrais à La Haye. Là-bas, ils pourront le juger, comme ils l’ont fait avec nous”.
Le technicien avait également publié sur Instagram une série de photos du match avec la légende suivante: “Malheureusement, il semble que seuls les Serbes sont condamnés à une justice sélective, avant à La Haye et aujourd’hui dans le football avec l’assistance vidéo à l’arbitrage (VAR)”.
Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), prédécesseur de l’actuel Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI), était un organe de l’ONU destiné à juger les personnes accusés de crimes de guerre en ex-Yougoslavie à partir de 1991.