Alors que l’hiver est plus que doux cette année en Algérie, les décès dus au monoxyde de carbone se comptent par dizaines. Des familles entières sont décimées par ce « tueur en série silencieux » qui agit de nuit.
Des vagues de froid ne sont pas exclues dans ce qui reste de l’hiver et au printemps et les autorités sont appelées à prendre leurs devants pour éviter des bilans encore plus dramatiques.
Depuis le début du mois de janvier, soit en seulement deux semaines, 28 personnes ont perdu la vie asphyxiées par les gaz brûlés, selon la Protection civile.
En moins d’une semaine, trois drames retentissants ont été enregistrés dans différentes régions du pays.
A Ain Oulmene (Sétif), une famille composée de six personnes a été anéantie mardi 10 janvier. Le même jour, 9 personnes, 7 d’une même famille et 2 invités, sont morts à Boussaâda (M’sila). Dimanche 15 janvier, le « tueur silencieux » a frappé à Alger, dans un quartier de Cherarba aux Eucalyptus, emportant un couple de quadragénaires et leurs quatre enfants, un garçon et trois fille.
Cet énième drame a d’autant choqué l’opinion que les corps des victimes n’ont été découverts que plusieurs jours après avoir perdu la vie. Ils étaient en état de décomposition avancé.
Ce ne sont là que les cas médiatisés, pour le grand nombre de victimes déplorées. Chaque jour, des gens perdent la vie par la même cause aux quatre coins du pays. Et cela fait des années que ça dure.
Les campagnes de sensibilisation menées à l’approche de chaque saison hivernale n’ont pas permis de juguler le phénomène. Au contraire, le nombre d’incidents et de victimes va crescendo d’année en année, à mesure qu’avancent l’urbanisation anarchique et la généralisation du raccordement au gaz de ville.
Ce n’est pas cette énergie en elle-même qui est en cause, surtout que même le gaz butane fait sa part de victimes, mais le non-respect des normes d’installation et d’utilisation.
L’urgence de mettre en place des normes strictes
La communication de la Protection civile impute souvent les drames à l’inhalation du monoxyde de carbone, autrement dit les gaz brûlés émanant des appareils de chauffage et même des chauffe-eaux.
Parfois, c’est une fuite dans l’installation interne ou externe du gaz de ville qui tue. Dans d’autres cas encore, des explosions sont enregistrées, emportant des étages entiers et leurs occupants.
Les règles de prévention sont pourtant d’une grande simplicité : bouches d’aération systématiques dans tous les logements, vérification régulière des installations, installation du chauffe-eau dans un autre endroit que la salle de bain et éventuellement dotation du domicile d’appareils de détection du gaz naturel ou des gaz brûlés.
On ne peut pas reprocher aux autorités un déficit de communication et de sensibilisation. Mais il est indéniable que les campagnes menées n’ont pas produit l’effet escompté et les bilans macabres sont plus lourds d’année en année. L’efficacité de ces campagnes de sensibilisation est remise en cause.
Il est vrai que certains citoyens ne prennent pas trop au sérieux les consignes données, mais le problème ne se limite pas seulement à l’inefficacité de la sensibilisation.
Il y a aussi un travail qui doit se faire en amont sur la qualité des installations, des conduites de gaz de ville aux appareils de chauffage domestique et de chauffe-eaux.
Là aussi, on ne peut pas dire que rien n’a été fait. Mais qu’autant de drames se produisent à une telle cadence, il est évident que des appareils défectueux, contrefaits, en tous cas pas conformes aux normes, passent encore et en grandes quantités entre les mailles du filet.
Le nombre de morts causés chaque année doit inciter à prendre le problème avec plus de détermination dans tous ses aspects, de la sensibilisation au contrôle et aux sanctions, quitte à donner aux autorités compétentes un droit de regard sur ce qui se fait à l’intérieur des habitations en matière d’installations énergétiques.
Ce qui n’est pas le cas jusqu’à présent. Dans les appartements et les maisons, les gens font appel à des plombiers parfois peu qualifiés et parfois procèdent eux-mêmes à l’installation des appareils de chauffage et des conduites de fumée.
En l’absence de normes et de contrôles, chacun fait ce qu’il veut et met du coup sa vie, celles des membres de sa famille et même de ses voisins (en cas d’explosion) en danger de mort. Ce qui est inacceptable.
La Sonelgaz a la responsabilité de contrôler les conduites de gaz jusqu’à la maison, mais elle n’intervient pas à l’intérieur des domiciles pour vérifier que les installations de gaz et d’électricité sont conformes. Ce qui est une grande anomalie.
L’installation d’appareils de chauffage ainsi que les interventions sur les conduites de gaz doivent obéir à des règles strictes.
Il est temps pour le gouvernement de mettre en place des normes et des règles strictes concernant l’installation des appareils et des conduites de gaz à l’intérieur des appartements et des maisons.
Le tueur silencieux fait des ravages, il est temps de lui déclarer la guerre. Et cette guerre ne peut être menée avec seulement de la sensibilisation sur les réseaux sociaux.