Depuis le début de l’année, soit en à peine trois semaines, le monoxyde de carbone a tué 46 personnes à travers le pays, à en croire les comptes-rendus de la presse.
Le tueur silencieux, comme il plait aux médias de le désigner, est aussi un tueur en lâche qui ne laisse aucune chance à ses victimes qu’il surprend toujours dans leur sommeil par les nuits de grand froid.
La corrélation entre la survenue de ce genre d’accident domestique et la baisse sensible des températures est maintenant établie. Ces deux derniers jours, marqués par une vague de froid et de neige sur le pays, deux familles ont été décimées à Djelfa et Laghouat, deux villes des Hauts-Plateaux connues pour leurs nuits très froides en pareille période.
Beaucoup de cas furent également déplorés lors de la dernière vague de froid survenue dans la deuxième semaine du mois. La précision qu’il faut faire, c’est qu’il ne s’agit pas d’explosions ou de fuites de gaz de ville ou butane, mais bien d’émanation de monoxyde de carbone, c’est-à-dire de gaz brûlés dans des appareils de chauffage.
Inhaler pendant toute la nuit un tel gaz toxique ne laisse aucune chance. Aucun membre de la famille n’est épargné pour pouvoir donner l’alerte et les voisins n’ont aucun moyen de se rendre compte du drame, ce genre de gaz étant inodore.
Les services de la Protection civile pointent du doigt deux défaillances qui seraient à l’origine de ces drames à répétition : l’absence d’aération des habitations et la non-conformité des appareils de chauffage. Mais il y a aussi l’absence d’obligation d’installer des détecteurs de fumée dans les appartements et les maisons.
La responsabilité de l’Etat est donc pleinement engagée. D’abord à travers les directions de l’énergie ainsi que Sonelgaz et ses sociétés de sous-traitance qui procèdent au raccordement au réseau de gaz de ville d’habitations non conformes. Les directions de l’habitat et de l’urbanisme qui délivrent des certificats de conformité à des habitations qui ne disposent pas de conduit de fumée, qui répondent aux normes.
Il est vrai que la pression exercée par les populations pour bénéficier de cette énergie est énorme dans toutes les localités qui en sont dépourvues, mais cela ne doit pas justifier le bâclage et le non-respect des normes de sécurité, d’autant plus qu’il ne s’agit pas d’installations onéreuses à acquérir ou de travaux compliqués à réaliser.
La deuxième anomalie est de ne pas rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans les appartements, afin de réduire le risque d’exposition au monoxyde de carbone.
L’autre défaillance des autorités relève carrément de l’incurie : l’existence sur le marché d’appareils de chauffage défaillants ou non conformes aux normes de sécurité. Là, l’incivisme du citoyen ne peut être pointé du doigt. A moins d’être un expert, le consommateur n’a aucune possibilité de savoir si l’appareil qu’il s’apprête à acquérir est conforme ou pas. Et cela est valable pour tout produit sensible, de l’alimentation au médicament en passant par l’électroménager. La responsabilité du consommateur se limite à ne pas acheter sous le manteau, au marché noir. L’étiquette d’identification de tout produit acheté dans un magasin dûment autorisé vaut en principe garantie du quitus de l’Etat.
Car ce dernier a le devoir de faire en sorte que des produits qui mettent en danger la santé, voire la vie des citoyens ne soient pas mis en vente et dispose de tous les moyens juridiques et techniques pour agir. Comment des appareils de chauffage défaillants peuvent-ils échapper aux mailles du dispositif de contrôle des services concernés ? Difficile d’expliquer une telle faille, sinon par le laisser-aller.
Une négligence d’autant plus inacceptable qu’il suffit de redoubler de vigilance aux ports pour les appareils importés et dans les usines pour ceux produits localement, ainsi que dans les points de vente qui se comptent sur les doigts d’une seule main dans chaque ville, du moins beaucoup moins nombreux que les magasins d’alimentation. Le ministère du Commerce est interpellé. Il doit agir, et vite.
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