En Algérie, les Commissions d’enquête sont souvent synonymes d’annonce sans lendemain. Aucune des commissions installées dans le passé (assassinat de Boudiaf, printemps noir en Kabylie…) n’a donné de résultats satisfaisants.
Dernière commission d’enquête, celle qui vient d’être chargée de faire la lumière sur la mort du militant Kamel Eddine Fekhar, décédé en détention. La commission a été chargée par le ministère de la Justice d’enquêter de manière « approfondie » sur les circonstances de ce décès constaté à l’hôpital Frantz Fanon de Blida où le défunt a été transporté après avoir épuisé toutes ses forces. Selon son avocat et sa famille, la mort du militant aurait pu être évitée parce que ses proches la voyaient se rapprocher et n’ont pas manqué d’alerter les autorités.
L’épouse a bien fait observer que le détenu avait perdu réflexes et sens mais n’a pas été entendue. Manifestement, il y a au mieux « non-assistance à personne en danger », au pire, « préméditation » comme n’hésitent pas à le dire les proches du défunt arrêté le 31 mars pour des raisons sur lesquelles le procureur général Mohamed Bensalem devra s’expliquer pour la première fois. Une arrestation suivie d’une détention préventive dans des conditions dégradantes avec un codétenu. Le récit qui en fait par l’avocat Salah Dabbouz en est glaçant. La cellule est un cabinet de toilettes de 2M2, a-t-il décrit, où les pieds des deux prisonniers tombent dans la cuvette turque.
Ces conditions de détention de militants innocents de tout crime hors celui de revendiquer le respect de leur liberté et de leur identité dans leur propre pays les ont conduits à protester. Ils ont donné à cette protestation la forme d’une grève de la faim, pensant naïvement que le procureur général allait avoir un comportement plus humain. À défaut, de l’amener à respecter la propre loi du système qu’il sert.
Trop puissant pour condescendre à écouter les plaintes de deux humains, le haut magistrat n’a rien entendu jusqu’au moment où un cri d’épouvante a jailli du fonds de la société diffusant son écho au-delà des frontières où la mort de Fekhar couvre le pays d’opprobre. Même le régime n’avait pas besoin d’une telle tragédie qui donne du carburant au mouvement populaire et ternit un peu plus l’image d’une « démocratie imparfaite » qu’il cherche à se donner auprès des partenaires étrangers.
C’est peut-être sur cette peur qu’il faut bâtir quelque espoir de vérité. En tout cas, la commission d’enquête est déjà à pied d’œuvre dans la vallée du M’zab, a assuré à TSA une source proche du dossier. Composée de représentants de la présidence, du ministère de la Défense et du ministère de la Justice, elle a déjà entendu le procureur général, considéré comme le principal responsable de la tragédie. En revanche, le wali Azzedine Mechri ne semble pas s’être impliqué dans l’affaire. Pour sa défense, il assure même avoir permis à M. Fekhar de rouvrir son Cabinet médical après sa première incarcération, ajoutent nos sources.
Preuve que le pourvoir du procureur Mohamed Bensalem est déjà entamé, il n’a pas empêché la libération de Hadj Brahim Aouf, qui a partagé la cellule de M. Fekhar. Cette libération, intervenue hier, constitue à elle seule la démonstration que leur arrestation était un abus de pouvoir impossible à justifier du point de vue de la loi. À l’heure où le respect de la Constitution est érigé au rang de dogme, le magistrat et ses complices doivent partir comme le demande la population locale qui les accuse de maints dépassements.