Le chanteur franco-algérien Rachid Taha est décédé, dans la nuit de mardi à mercredi, d’une crise cardiaque, à Paris, selon Le Parisien.
« Son fils Lyes, sa famille, ses proches, tous ses amis et son label Naïve, ont le regret et l’immense tristesse d’annoncer le décès de l’artiste Rachid Taha, survenu cette nuit suite à un arrêt cardiaque à son domicile des Lilas », annonce un communiqué transmis à l’AFP par sa famille.
Figure emblématique du Rock franco-maghrébin des années 1980/1990, Rachid Taha est mort à l’âge de 59 ans. Il s’est distingué, à partir de 1982, avec Carte de Séjour, groupe formé avec les frères Amini puis Jérôme Savy, à Lyon. Le nom du groupe suggérait que la musique était un moyen efficace de plaider la cause des migrants en appuyant le discours de tolérance vis-à-vis de l’autre.
Rachid Taha, qui est natif d’Oran, n’a pas hésité à faire un peu de provocation en reprenant la célèbre chanson « Douce France » de Charles Trenet. Chantée en 1943, « Douce France » était destinée aux prisonniers français de l’armée nazie. Donc, une chanson qui a une histoire en France et dont la reprise a attiré l’attention des médias et du public sur Rachid Taha et son groupe.
Un melting pot de styles
« Rhorhomanie », titre du premier album, sorti en 1984, démontrait clairement que Rachid Taha et son groupe puisait dans leurs racines culturelles pour parler au monde. La musique était un véritable melting pot de styles, entre rock, rai, diwane et chaâbi. L’oud côtoyait la basse, la derbouka et la batterie. Sans aucun complexe.
Dans « Rhorhomanie », Rachid Taha rendait un hommage à Oum Kalthoum, à Bellemou et à Cheba Fadéla. « Deux et demi », deuxième et dernier album de « Carte de Séjour », confirmait les choix musicaux de Rachid Taha d’aller vers la fusion et le dialogue des instruments avec une incroyable liberté. Au début des années 1990, Rachid Taha se séparait du groupe « Carte de Séjour ». « Barbès », du nom du célèbre quartier parisien, était le premier album de sa carrière solo. Les titres de cet opus, écrit à Oran, allaient tous dans le sens d’une certaine fierté identitaire et artistique que Rachid Taha n’hésitait pas à exhiber avec des chansons mêlant l’arabe au français comme : « Gazelle », « Bled », « Arab dub » ou « Enti wa ana ».
« J’habite à Barbès » !
« Nesken fi Barbès, ichti fi Barbès » (« J’habite à Barbès, ma vie est à Barbès ») répétait l’artiste dans le titre-phare de l’album. Une manière d’assumer ses origines, Barbès étant un quartier habité surtout par les maghrébins.
Allant vers plus d’engagement, Rachid Taha sortait un album au titre éponyme pour critiquer les tendances politiques de l’époque (1993). « Voilà voilà que ça recommence, partout partout la douce France, partout partout les discours sont les mêmes : étranger tu es la cause de nos problèmes. Moi, je pensais que c’était fini, mais non, mais non ce n’était qu’un répit», chantait Rachid Taha pour dénoncer le racisme sur une musique électro-rock. Dans le même album, le chanteur plaidait la cause des « hitistes » en Algérie, se permettait des sonorités indiennes avec des extraits de la poésie arabe dans « Indie » et faisait une première reprise de « Ya Rayah » de Dahmane El Harrachi. La deuxième reprise est devenue un succès planétaire.
« 1,2,3 Soleil », le succès
En septembre 1998, Rachid Taha a participé à un concert événement avec Khaled et Faudel, « 1,2,3 Soleil ». Le concert a été traduit en album-livre portant le même titre qui a eu un grand retentissement auprès du public et des critiques. Rachid Taha, amateur du punk rock anglais, continuait, après ce succès, à faire découvrir à ses fans certains secrets du patrimoine musical maghrébin et algérien en particulier en redonnant vie à des anciens tubes du rai ou en revisitant des morceaux traditionnels du diwan (gnawi) dans des albums tels que « Olé Olé « ( 1995), « Made in Medina » (2000), « Diwan 2 » (2006) ou « Zoom » (2013). Le tout est enrobé dans une musique actuelle, fraîche et revigorante. Dans « Zoom », Rachid Taha a admirablement repris le savoureux « Now or Never » d’Elvis Presley (comme il a repris auparavant le mémorable « Rock the Casbah » du groupe anglais The Clash). Prochainement, un album sortira à titre posthume en France. Rachid Taha n’a pas dit son dernier mot.