Mouloud Hamrouche sort enfin de son silence. L’ancien chef du gouvernement a qualifié, ce lundi 15 avril, de « révolte pacifique et austère contre le système » la contestation populaire qui a démarré le 22 février 2019 en Algérie.
Le Hirak qui, par son ampleur unitaire, a évité à l’armée d’intervenir et de garder sa cohésion intacte, estime-t-il.
« Ensuite avec l’évolution de la situation au sein du sérail, l’armée a pris naturellement et formellement position avec le peuple. Ce qui lui permet de ne pas être en contradiction avec son statut d’armée nationale et de ne pas être une cible fragile à détruire par d’autres puissances étatiques étrangères, particulièrement méditerranéennes ou de l’Otan, à l’instar de celles de l’Irak, de la Libye et de la Syrie », écrit-il dans une contribution publiée, ce lundi 15 avril, par El Watan et El Khabar.
En rejoignant le peuple « dans ses revendications légitimes », le commandement de l’ANP a, selon M. Hamrouche, su sauvegarder le statut national de l’armée. « Il lui reste à contribuer au parachèvement de l’édification de l’État national par la mise en place d’une vraie Constitution et d’institutions de vrais pouvoirs, de régulations, d’habilitations et de contrôles. Cela mettra l’armée définitivement à l’abri des conflits politiques partisans, permettra de servir de base politique au gouvernement ou d’être un outil entre les mains d’un omnipotent », propose-t-il.
« Des pouvoirs faits de brutalités et de violations des lois »
« Des décennie de blocages, de manque flagrant de progrès politique et social et de refus d’accès au statut de citoyen par une gouvernance des plus absurdes et des plus figées. Une gouvernance qui a fabriqué et installé des réseaux d’obédience et d’allégeance qui disputent aux Algériens leur sécurité, leurs droits et leurs libertés au quotidien et empêche l’édification de l’État national de droit. Des gouvernements successifs se sont contentés de se maintenir au sommet de la pyramide et exercer des pouvoirs faits de brutalités, de violations des lois et des droits, et la transgression des règles élémentaires de l’éthique. Ils ont laissé s’ériger la prépende, le passe-droit et la répression comme seuls instruments de gestion du pays et de contrôle de la société… », constate-t-il.
Par le Hirak, les Algériens ont exprimé, selon Mouloud Hamrouche, un refus sans ambiguïté de ce système de « cooptation, de non-droit, de corruption et de brutalité ». Il estime que la mobilisation populaire offre à l’armée et aux partis des possibilités certaines.
« Ce mouvement du peuple attend d’eux des perspectives prometteuses avant qu’il ne s’estompe ou sombre dans des violences primaires. Une mobilisation populaire, quelles que soient sa dimension et sa profondeur, ne donnera pas facilement de prolongements humains, politiques et institutionnels, même à travers des instances transitoires ou des conférences nationales. Cela reste de la responsabilité et du devoir de l’armée et de toutes les élites nationales ! », souligne Mouloud Hamrouche.
Il critique « le multipartisme de façade » qui « ne permet pas de gouverner » et reproche aux élites gouvernantes leur incapacité de « maîtriser et de faire aboutir un processus d’édification de l’État national » et de mettre en place de « mécanismes légaux d’une gouvernance résiliente et légitime ».
Ces échecs sont, selon lui, à l’origine de beaucoup de revers, gâchis et retards. Les différentes suggestions et contributions politiques, faites pour régler la crise actuelle, restent sans effet. « Elles calent toutes, par-delà les avantages et les limites intrinsèques de chacune, par l’absence cruelle de cette puissante mécanique qui gouvernerait l’élaboration d’une solution (…) elles calent aussi par l’absence de détermination au préalable d’un schéma final (…) Le Hirak du 22 février a déjà disqualifié les fausses réalités d’un pluralisme fictif et fait découvrir d’incroyables handicaps et de grands vides politiques. Il a en même temps provoqué de vraies opportunités et de réelles chances pour notre pays », analyse-t-il.
La démission de Bouteflika, la désignation de Bensalah comme chef d’État intérimaire et l’annonce de l’organisation de la présidentielle ne vont pas, selon lui, colmater les failles et faire disparaître les griefs.