« Nous avons en Algérie un problème, le pouvoir ne gouverne pas, parce que les mécanismes de fonctionnement du système tel qu’il est aujourd’hui empêchent la pratique du pouvoir », a déclaré Mouloud Hamrouche, ancien chef de gouvernement, dans une interview accordée à El Khabar, ce mardi 22 janvier.
« Si le pouvoir arrive à prouver qu’il gouverne en certains aspects, il ne rend pas compte et personne n’assume ses responsabilités », a-t-il ajouté. Il n’existe, selon lui, qu’un seul pouvoir en Algérie, le pouvoir Exécutif, constitué du président de la République et du gouvernement.
« Ce pouvoir n’a jamais eu la capacité à gérer la société et à gérer les projets avec efficacité. Il n’a jamais pu réaliser les objectifs qu’il a tracés. Cela concerne aussi mon passage au gouvernement (entre 1989 et 1991). J’ai rencontré beaucoup de difficultés qui m’ont empêché de concrétiser mon programme et d’avoir les instruments pour réaliser les objectifs et les politiques, y compris les instruments de contrôle », a-t-il noté.
L’ancien candidat à la présidentielle de 1999 parle d’un échec généralisé qui est également partagé par les partis de l’opposition. « Il est reproché à l’opposition de n’avoir pas de programme ni de capacité de l’appliquer si elle en a alors que le gouvernement lui-même n’a pas de programme », a-t-il appuyé.
« Les élections ne donnent pas la légitimité »
Mouloud Hamrouche cite l’exemple du rapport de la commission Missoum Sbih sur « les réformes des missions de l’État », crée par le président Bouteflika lors de son premier mandat. « Où sont les résultats de cette commission ? Le président Bouteflika n’a pas informé les Algériens sur les difficultés qu’il a rencontrées pour organiser l’État (…) Les gouvernements successifs reproduisent les mêmes faiblesses, les mêmes pannes et les mêmes échecs », a-t-il accusé.
Les élections, selon M. Hamrouche, ne permettent pas de changer les choses en Algérie. « Les consultations électorales et politiques ont perdu la plupart de leur contenu et de leur influence et ont perdu leur finalité aussi. Elles ne donnent pas la légitimité, n’adoptent pas des programmes et ne donnent pas de pouvoir aux élus. (…) Cela concerne le président de la République aussi », a-t-il dit.
Mouloud Hamrouche est-il candidat à l’élection présidentielle d’avril 2019 ? « Vous m’avez posé la question sur les élections et je vous ai répondu », a-t-il répliqué à la question du journaliste. Autrement dit, Mouloud Hamrouche ne compte pas se porter candidat à la magistrature suprême. Du moins, dans le contexte actuel.
Il rappelle son appel lancé, en 2014, au président Abdelaziz Bouteflika, au général Ahmed Gaid Salah et au chef du DRS à l’époque, le général Mohamed Mediene pour qu’ils retiennent les leçons de l’échec et de préparer les conditions pour que l’Algérie aille vers une nouvelle phase politique.
« Nous avons échoué »
« Nous avons la difficulté de comprendre l’État et le pouvoir. Nous mélangeons tout le temps entre l’État et le pouvoir ou le gouvernement. Ce n’est pas une spécificité algérienne. Tous les pays du Sud souffrent de cela. Le problème chez nous est que nous n’avons pas construit l’État porté par le projet national et nous n’avons pas institué les instruments du pouvoir (…) Quand l’État est absent, les institutions le sont aussi. Autant que le contrôle et l’obligation de rendre compte. Le résultat final est l’absence de la loi. La situation ressemble à celle du marché parallèle qui envahit l’action de l’État et domine le gouvernement, l’économie et la culture (…) Quand j’ai rappelé tout cela, je ne voulais pas porter des jugements sur les personnes mais poser une question : est-ce qu’à l’intérieur du pouvoir et des appareils, un contrôle est fait pour chacun de ses membres sur les résultats de son travail ? Je n’en sais rien », a-t-il dit à propos de sa récente contribution publiée par El Watan.
Mouloud Hamrouche regrette que l’Algérie soit perçue par ses partenaires étrangers plus comme un régime qu’un État. « Ceci est un danger pour nous (…) Il ne s’agit pas d’une illusion ni d’une accusation. Il n’y a qu’à lire les articles de presse (étrangère) où l’on évoque plus la relation avec le régime en Algérie qu’avec l’État en Algérie. L’Etat a des caractéristiques dans le système international dont les fondements, les règles, les devoirs et les obligations n’existent pas en Algérie. Ces failles sont visibles dans toute la région arabe. L’une les fonctions de l’État est la protection de la société, la sécurité et la protection de chaque étranger vivant sur son territoire », a-t-il relevé.