Société

Mouvement des Gilets jaunes en France : des similitudes avec les arouch de Kabylie

La France est un des États au monde qui sait le mieux lever l’impôt. Mais les Français ont une longue tradition de contester les prélèvements. Le mouvement qui agite aujourd’hui le pays avec des implications politiques encore imprévisibles est né d’une réaction à une hausse des taxes sur les carburants, dont une nouvelle salve doit intervenir le 1er janvier.

Après sa première journée d’action le 17 novembre, les revendications du mouvement qui s’organise sur les réseaux sociaux et qui se veut apolitique, asyndical et sans leader ont muté. En fait, le mouvement a rapidement agrégé toutes les colères qui secouent le tissu social,  nourries par la haine d’un président à qui est reproché d’avoir la morve d’un “premier de la classe” arrogant.

En portant au cœur du débat la question du pouvoir d’achat, les “gilets jaunes” ont le cœur de 80% des Français, selon les sondages, soutenus par l’ensemble de l’éventail politique.

Faibles, les premières réponses d’Emmanuel Macron qualifiées par eux de “poudre de perlimpinpin” ont accru la vigueur de leur contestation. Le succès de leur action ainsi grandissant, ils se sont dotés d’une plateforme de revendications en une quarantaine de points, un patchwork de demandes hétéroclites où tout le monde peut puiser et où la “fin des taxes sur le carburant” arrive en 10e position.

Revendications des gilets jaunes

En tête de ces revendications, la mise à l’abri de toutes les personnes privées de domicile (zéro SDF), la limitation du montant des loyers, la hausse du Smic à 1.300 euros nets contre 1.185 actuellement, la sécurité de l’emploi, la baisse du prix du gaz et de l’électricité, l’abaissement de l’âge légal de la retraite à 60 ans contre 62 (55 ans pour les métiers pénibles) avec une pension minimale de 1.200 euros.

À l’autre bout de l’échelle sociale, on demande que les salaires soient plafonnés à 15.000 euros, et qu’il soit mis fin aux indemnités présidentielles à vie. De Valéry Giscard d’Estaing à François Hollande, quatre anciens chefs d’État perçoivent des indemnités et des avantages qui coûtent cher au contribuable.

Certaines demandes plaident pour le bien être des catégories fragiles de la population comme les enfants, les handicapés et les personnes âgées. Ou encore les demandeurs d’asile qu’il faut loger, nourrir, intégrer mais expulser en cas de rejet de leur demande. Pour la police, la gendarmerie, l’armée et la justice, on demande plus de moyens, augmentés du paiement des heures supplémentaires.

Plus généralement, on veut la “fin de la politique d’austérité’ et que l’on “cesse de rembourser les intérêts de la dette qui sont déclarés illégitimes”, puis on commence à rembourser la dette sans prendre l’argent des pauvres et des moins pauvres mais en allant chercher les 80 milliards de fraude fiscale”.

Sur le plan politique, les “gilets jaunes” demandent le rétablissement du septennat, suivi deux ans après la tenue d’élections législatives et l’introduction dans la Constitution du référendum d’initiative. Il permettra à n’importe quel projet ayant récolté 700.000 signatures d’être transformé en loi.

“Députés, faites entendre notre voix à l’Assemblée. Obéissez à la volonté du peuple. Faites appliquer ces Directives”, conclut le livret de doléances, au contenu paradoxal pour ratisser très large. Toutes proportions gardées, ça fait penser à la plateforme d’El-Kseur, élaborée par les archs de Kabylie en 2001. Ce mouvement était aussi horizontal, sans chef, avec des revendications hétéroclites.

Précarité française 

À l’étranger, notamment dans les pays du Maghreb et d’Afrique, pourvoyeurs d’émigration, le mouvement a révélé une précarité française que l’on ne pouvait pas soupçonner de ce côté de la méditerranée. La pauvreté a connu un retour spectaculaire ces dix dernières années. Le nombre de pauvres est passée de 4,4 millions en 2006 à 5 millions en 2016.  Pourtant, la France est l’un des pays d’Europe où il y a le moins de pauvreté. Sur l’ensemble du continent, le chiffre est de 87 millions. En France, 4,8 millions de personnes ont recours au service d’aide alimentaire. Il y a 140.000 SDF et quatre millions de personnes sont mal logées. Cela se traduit par le retour des bidonvilles dans le paysage. Le seuil de pauvreté est situé à 1.026 euros de revenus bruts (855 euros après impôts et prestations sociales) pour une personne seule. Il est évalué à 2.550 euros pour un couple avec deux enfants de plus de 14 ans, le salaire médian des ouvriers est à 1.700 euros, et le salaire moyen de l’ensemble des salariés est à 2.25O euros.

À partir de 3.200 euros pour une personne seule on est dans les 10% les plus riches. Par comparaison et proportionnellement au Smic, un Algérien qui gagnerait 50.000 dinars serait classé “riche”.

Au total, sept millions de personnes sont couvertes par les minima sociaux, comme le RSA qui a remplacé le RMI. Un gilet jaune payé au Smic a calculé qu’il lui fallait le double pour faire face à ses dépenses incompressibles : loyer, électricité, gaz, téléphone, assurances auto et habitation, carburant…

Parmi ces légions de précaires, une proportion peut profiter du climat créé par la contestation pour se livrer à des exactions. Mais la violence est aussi le fait de groupes d’extrême gauche qui l’ont toujours assumée. Ou encore de personnes infiltrées avec l’idée de décrédibiliser le mouvement. Un classique.

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