Alors que la législation française interdit formellement les statistiques et les sondages ethniques et religieux, deux enquêtes d’opinion viennent d’être réalisées auprès de la population musulmane en France à quelques jours d’intervalle et par le même institut de sondage.
La Grande Mosquée de Paris, par la plume de son recteur Chems-Eddine Hafiz, dénonce des « mécanismes subtils de stigmatisation » et des pratiques qui tendent à marginaliser les musulmans de France.
Les sondages en question ont été réalisés par l’institut IFOP. Le premier, publié le 8 décembre dernier, a été commandé par Alelanita.tv, une chaîne Web qui se présente comme un média laïc franco-arabe. Il porte sur la perception par les musulmans des questions comme la laïcité, l’abaya, la place de la religion à l’école et dans la société…
Le second, sur l’avis des musulmans français par rapport à la guerre Israël-Gaza, a été diffusé le 18 décembre. Les résultats de ces deux enquêtes ont été exploités par des médias d’extrême-droite pour conforter leur discours antimusulman.
Dans un billet publié sur le site de la Grande Mosquée de Paris mardi 16 janvier, Chems-Eddine Hafiz estime que de tels sondages n’ont pas lieu d’être, en vertu de la loi qui, depuis 1872, « prohibe toute incursion dans la sphère religieuse lors des recensements ».
Un principe a réaffirmé par la loi de 1978, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, qui interdit « la collecte de données personnelles révélant des origines raciales, ethniques, des opinions politiques, philosophiques ou religieuses ».
Sondages auprès des musulmans de France : l’avis du recteur de la Mosquée de Paris
Après « l’essentialisation » des musulmans de France, présentés comme « islamistes », avec des « inclinations antisémites et un rejet de la laïcité », les sondages d’opinion constituent un autre élément crucial de cette « mise en scène », écrit le recteur de la Grande Mosquée de Paris.
Ils participent « de manière déguisée à l’influence de l’opinion publique, plutôt que de chercher à la refléter objectivement », écrit le recteur de l’institution religieuse.
Chems-Eddine Hafiz s’interroge sur la pertinence et la responsabilité de traiter ainsi de telles questions « convoquant la religion sur un terrain quasi-politique », avec pour résultat potentiel « d’exacerber les tensions dans le contexte actuel ».
Aussi, il se demande quelles sont « les motivations sous-jacentes à de telles publications », d’autant plus que les deux sondages émanent du même groupe de presse, « évoquant ainsi une possible tentative d’influence ».
Le recteur de la Grande Mosquée de Paris remet en question la validité des échantillons qui ont servi aux deux sondages, qui « sont en réalité soumis à des biais de méthode et d’intention », et se demande si les personnes sondées avaient « l’entière connaissance des visées des enquêtes ».
« À l’évidence, écrit le recteur de la Grande Mosquée de Paris, ces sondages poursuivent un objectif politique clair ». Tout en réaffirmant l’engagement de l’Institution qu’il dirige à « s’opposer à toute tentative visant à exclure nos concitoyens musulmans de la communauté nationale », Chems-Eddine Hafiz conclut en recommandant aux musulmans de France de « faire preuve d’une prudence éclairée avant de consentir à répondre à de tels sondages ».
SUR LE MÊME SUJET :