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Mutinerie de Wagner : Russie, le jour d’après

La Russie a vécu des heures d’incertitude, samedi 24 juin, lorsque la force de frappe dans sa guerre en Ukraine, les paramilitaires du groupe Wagner, sont entrés ouvertement en rébellion.

Le mouvement, entamé vendredi, a pris fin samedi soir après l’ordre donné par Evguenie Prigojine à ses troupes de faire demi-tour alors qu’elles étaient à seulement 200 kilomètres de Moscou. Le monde a retenu son souffle pendant 24 heures.

Ce dimanche, il n’y a presque plus de traces physiques de ce qui s’est passé la veille, hormis quelques barrages et restrictions de la circulation dans la capitale russe.

Les mutins ont quitté la ville de Rostov qu’ils avaient occupée pendant une journée, ainsi que les régions de Voronej et de Lipetsk, et ont regagné leurs cantonnements. Les tranchées sur l’autoroute de Moscou ont disparu et la circulation a été rétablie. Mais il reste des stigmates psychologiques et des interrogations.

Si, officiellement, la mutinerie était destinée contre le commandement militaire, pour les observateurs, c’est l’autorité du président Vladimir Poutine qui a été défiée par un de ses fidèles, ébranlant les certitudes à propos de l’unité et la puissance de son pouvoir.

C’est la lecture qui est faite en Occident au lendemain de cette journée pas comme les autres.

Sans surprise, la première grosse appréciation dans ce sens est venue d’Ukraine où le président Volodymyr Zelensky n’a pas attendu la fin de la mutinerie pour pointer la faiblesse « évidente » de la Russie.

Un constat partagé aux États-Unis où le secrétaire d’État, Antony Blinken a estimé que ce qui s’est passé samedi a révélé les « fissures réelles » qui atteignent le sommet du pouvoir en Russie.

Le coup de force de Wagner « est à la fois un symptôme et une nouvelle étape de l’évolution rapide du régime politique russe », a estimé, dans le journal Le Monde, la spécialiste des sociétés post-soviétiques, Anna Colin Lebedev.

Des analyses similaires ont été faites par de nombreux éditorialistes de la presse occidentale qui se sont, en outre, interrogés sur les retombées immédiates et à terme de la mutinerie, sur le devenir de la guerre en Ukraine, du pouvoir de Vladimir Poutine et de l’influence russe en Afrique qui repose essentiellement sur le déploiement de milices de Wagner.

Les interrogations tournent tout aussi sur ce qui s’est réellement passé samedi en fin de journée, autrement dit sur l’arrangement obtenu par le président biélorusse Alexandre Loukachenko.

Rébellion de Wagner en Russie : plus de questions que de réponses

Officiellement, Evguenie Prigojine a reculé pour « éviter un bain de sang ». Il ira se réfugier en Biélorussie, ses troupes regagneront leurs campements et les autorités russes ne poursuivront pas les mutins ni leurs chefs.

Les interrogations concernent d’abord le devenir de Prigojine dans un pays allié de Poutine. Y sera-t-il en sécurité, alors que le président russe lui a promis publiquement le pire châtiment ? Ensuite, celui de ses hommes. Reprendront-ils le combat en Ukraine, seront-ils intégrés dans l’armée régulière et que deviendront ceux qui sont en piste en Afrique ?

Poutine a toujours dit que les ennemis, il faut les combattre, mais les traîtres, il faut les éliminer. Et Poutine a traité samedi Prigojine de traître.

Le maître du Kremlin va-t-il rester les bras croisés ou se séparer du ministre de la Défense et du chef d’état-major de l’armée, les deux personnages controversés que le patron de Wagner n’a pas cessé de dénoncer ces derniers mois ?

Des questions auxquelles nul n’est en mesure de répondre 24 heures seulement après la fin de la rébellion.

Ce qui a motivé l’attitude de l’une et de l’autre partie demeure aussi un mystère. Comment Poutine a pu accepter que son autorité soit défiée de la sorte ? Le compromis pour éviter « un bain de sang » vient-il de lui ou de son état-major ? Son autorité est-elle aussi indiscutable qu’elle ne l’était avant le 24 juin ?

Il y a tout de même une certitude. L’image d’un Poutine froid qui n’hésiterait pas à appuyer sur le bouton nucléaire a pris un coup.

Le fait que les troupes de Wagner aient pu pénétrer aussi facilement sur le territoire russe, occuper des villes et s’emparer du quartier général des forces russes à Rostov pose de nombreuses questions sur la solidité des défenses russes, alors que la Russie qui est engagée dans une guerre en Ukraine depuis février 2022, possède la deuxième armée au monde.

L’autre point sur lequel le monde commence à voir un peu plus clair est la suite de la guerre en Ukraine, les deux parties ayant fait savoir que le coup de folie de Prigojine ne changera rien à leurs plans respectifs.

Samedi à la mi-journée, alors que le monde ignorait encore ce que serait la suite de la rébellion, le ministère russe des Affaires étrangères a mis en garde les Occidentaux contre toute tentative de tirer profit de la situation et a réitéré que « l’opération spéciale en Ukraine atteindra tous ses objectifs ».

Sur le terrain, l’affirmation n’a pas été démentie ce dimanche matin, avec la poursuite des tirs de missiles russes dans l’Est et le Sud de l’Ukraine.

Les Ukrainiens ont, à leur tour, exprimé la même détermination ce dimanche.

La mutinerie « ne change rien à nos objectifs militaires », a fait savoir Yuriy Sak, conseiller du ministre ukrainien de la Défense, qui a même laissé entendre que ce qui s’est passé pourrait relever de la parodie.

« Ça ne fait aucun sens. Ils ont bougé des dizaines de milliers de militaires, des tanks, ils étaient à deux heures de Moscou et rien ne s’est passé. C’est très bizarre, étrange », a estimé Yuriy Sak.

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