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Nabil Fekir, le grand perdant ?

Ce coup du sort-là, Nabil Fekir s’en serait bien passé. Le capitaine de l’Olympique lyonnais est à nouveau passé sur le billard le 13 mars dernier, après avoir ressenti des douleurs à son genou droit le 25 février lors du derby face à l’AS Saint-Étienne (1-1).

Initialement, l’absence du joueur ne devait être qu’une affaire de quelques jours selon le staff médical lyonnais. Mais depuis la rencontre face aux Stéphanois, le milieu offensif n’a plus rejoué avec son équipe, la phase de convalescence étant visiblement plus longue que prévu.

S’il devrait finalement être de retour début avril, cette nouvelle blessure l’a surtout privé d’une convocation avec l’équipe de France, qui effectuera un dernier tour de piste contre la Colombie, vendredi 23 mars au stade de France, puis quatre jours plus tard face à la Russie, avant que le sélectionneur des Bleus, Didier Deschamps, annonce la liste définitive des vingt-trois élus qui participeront à la Coupe du monde en juin prochain.

Dans un entretien accordé mardi 20 mars au Dauphiné Libéré, Jean-Pierre Bernès, l’agent de Nabil Fekir, n’a pas tenu à se montrer alarmiste sur la situation tout de même délicate de son protégé.

« Il a un bon moral. Cette arthroscopie n’est pas une bonne nouvelle, mais il ne faut pas dramatiser non plus.  Il n’y a pas de commune mesure avec ce qu’il a connu en septembre 2015 », a-t-il déclaré.

L’homme fait référence au genou droit – déjà – et à la rupture du ligament croisé dont avait été victime Nabil Fekir lors d’un match amical avec l’équipe de France au Portugal (victoire 1-0), après seulement treize minutes de jeu.

Le milieu de 24 ans, qui fêtait alors sa cinquième sélection, ne se doutait sûrement pas qu’il devrait endurer la plus lourde épreuve de sa jeune carrière : six mois d’infirmerie, la participation à l’Euro 2016 envolée et un come-back sur les pelouses de Ligue 1 très poussif.

Mais depuis l’été dernier, Fekir, délesté de quelques kilos superflus, a retrouvé le rendement qu’on lui connaissait. Les statistiques de sa saison parlent d’ailleurs en sa faveur : en 24 matchs disputés de championnat, le Lyonnais a inscrit 16 buts et délivré 5 passes décisives.

Souvenir d’un volte-face

Sauf qu’à bien y réfléchir, un constat s’impose. Nabil Fekir reste en délicatesse avec son genou droit depuis qu’il a refusé de jouer pour l’Algérie.

En août 2016, près d’un an après s’être gravement blessé, il subissait une deuxième opération de ce même genou pour y effectuer un lavage articulaire et expurger un débris du ménisque. Et, déjà, cela le privait d’une convocation avec les Bleus.

Face à ces obstacles répétitifs, les cartésiens y verront simplement la difficulté de retrouver un genou totalement solide après avoir subi une telle blessure, ou la traversée d’une mauvaise passe, quand les plus spirituels y décèleront peut-être les signes du destin.

Car en mars 2015, alors que le choix entre l’Algérie et la France lui était encore possible, Fekir était tout proche de revêtir le maillot des Fennecs.

Le joueur avait même donné son accord à Christian Gourcuff, alors sélectionneur de l’équipe nationale d’Algérie, avant de changer d’avis.

« Le jour où on doit donner les convocations pour le stage au Qatar, Nabil m’appelle pour me dire qu’il avait choisi l’Algérie. Il était 14 heures. Et à 16 heures, il me rappelle pour me dire qu’il avait choisi finalement la France, confiait Christian Gourcuff sur le plateau de L’Équipe du Soir.

Et de poursuivre : « Après, il faisait son choix, il n’y avait pas de problème. Mais entre 14 heures et 16 heures, ce n’est pas seulement l’avis de son père qui a fait changer sa décision. »

L’ancien sélectionneur des Verts faisait preuve de perspicacité, puisque depuis, Jean-Pierre Bernès a reconnu avoir conseillé à Fekir d’opter pour l’équipe de France.

« Je ne pense pas, avec du recul, que je lui ai donné un mauvais conseil. Tout le monde est unanime là-dessus, Nabil et ses parents. C’est un choix par rapport à une carrière. Il ne faut pas mélanger l’affectif avec des intérêts sportifs ou économiques », indique-t-il toujours dans le Dauphiné.

Avant de lancer : « Ce n’était pas un manque de respect vis-à-vis de qui que ce soit, pas un manque de respect vis-à-vis de l’équipe nationale d’Algérie. »

Mais de l’autre côté de la Méditerranée, le retournement du joueur a nourri de vives déceptions, se mêlant parfois à un sentiment de trahison.

« On ne s’attendait pas du tout à ce que Nabil choisisse la France. On avait vraiment espoir de le voir porter un jour les couleurs nationales, mais que voulez-vous… Bien sûr qu’on est énormément déçus. Pour notre famille ça aurait été une grande fierté de voir notre petit-fils défendre le maillot de l’Algérie », se désolait le grand-père de Fekir, cité par France Football, tandis que pour l’animateur radio Maamar Djebbour, le cas Fekir doit être clair : « Dans notre esprit, c’est : Tu as choisi, débrouille-toi maintenant » confiait-il au journal.

Fekir, sous pression ?

Si la Fédération algérienne de football ne tiendrait pas rancœur au joueur, elle aurait néanmoins peu goûté au comportement de Mohammed, le père de Fekir, qui a pointé du doigt l’institution après avoir déclaré aux médias algériens que son fils allait rejoindre El-Khedra.

« Ce n’est pas à moi de le prendre par la main, de l’emmener à Alger et de lui donner ce maillot ! Seul, je ne pourrai rien faire ! Il faudrait que le président de la FAF (ndlr : Mohamed Raouraoua à l’époque) m’aide et fasse sa part du boulot. On s’est, certes, vus avant la CAN, mais après, il n’y a rien eu. Aucun signal d’Alger », déclarait-il à BeIN sports, cité par France Football.

Le clan Fekir a donc surtout déçu sur la manière dont les choses se sont déroulées.

« Moi, j’étais convaincu, et je le suis toujours, que c’était ce qu’il fallait faire [choisir l’équipe de France]. Après, c’était son choix. C’est toujours le choix du joueur. Je ne suis là que pour donner des conseils », continue d’expliquer Jean-Pierre Bernès à propos de cette affaire.

D’autres voix, en revanche, estiment que la frontière entre les conseils et de lourdes insistances, voire des pressions, sont bien minces. C’est d’ailleurs ce que disait à demi-mot Mohamed Raouraoua, laissant entendre que les dirigeants lyonnais avaient fait pression sur le joueur.

Supposer que la France a tout fait pour faire chavirer le talent Fekir de son côté, alors que l’Algérie avait ses faveurs… après tout, la théorie n’est pas si extravagante.

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