La télévision publique ne couvre pas le Hirak et ne donne pas la parole à ceux qui rejettent les élections présidentielles. Qu’est ce que cela signifie ?
Nacer Djabi, sociologue. Ces élections diffèrent des présidentielles que l’Algérie a connues par le passé. Mais elles se rencontrent sur certains aspects. L’Algérie a connu des élections sans candidats comme cela s’est passé en juillet dernier. Même si le système politique s’est habitué à truquer les résultats des élections y compris les taux de participation, il reste que cette fois-ci les choses sont différentes du fait que de la mobilisation populaire contre les élections qu’un nombre très important de citoyens boudent. C’est ce qui va d’ailleurs se manifester rapidement lors de la campagne électorale qu’il sera difficile de tenir dans les conditions actuelles. C’est pourquoi, je considère que l’accent sera mis sur les interventions sur les plateaux de télévisions et les cercles fermés ainsi que les réseaux sociaux. Même si je doute de la capacité des candidats et de leurs soutiens à le faire. La conclusion : nous serons devant des élections- si elles se tiennent vraiment- sans une campagne électorale, sans débat social et politique. Des élections qui accentueront le marasme politique en Algérie. Cela ressemblera à ce qui s’est passé dans certains pays africains, ces dernières années, où les élections sont le début d’une crise politique et non pas un dénouement à celle-ci.
Comment faire en sorte que le Hirak réussisse et aboutisse ?
Le Hirak n’a d’autre choix que de continuer avec la même force, sa forme populaire et avec son caractère pacifique qu’il a préservé jusque-là après 9 mois de son lancement. Le Hirak est une grande occasion pour l’Algérie et les Algériens pour bâtir leur État national nouveau dont ont rêvé des générations entières depuis le Mouvement national. Bien entendu, il faut diversifier les modes d’expression par lesquels le Hirak imposera sa présence ; je crois que cela se vérifiera à l’occasion de l’épisode des élections présidentielles que la majorité des Algériens rejettent, non pas que le Hirak est contre le principe des élections, mais les Algériens croient fermement que ce genre d’élections, dans les conditions actuelles, ne sera pas une solution mais aggravera davantage la crise que vit le pays. Le Hirak populaire se doit de résister et de continuer à réclamer les mêmes revendications, car il n’y a pas d’autres choix aux Algériens. L’avenir du pays l’exige.
Une initiative pour libérer la presse a été lancée par des journalistes de différents médias, publics et privés. Restreindre la liberté de la presse ne revient-il à pas restreindre l’accès du citoyen à une information fiable et objective ?
Le système politique algérien a de tout temps fait en sorte de dompter les médias et les utiliser pour faire la propagande de ses politiques quelles qu’elles soient. Il n’est pas envisageable que le système se maintienne tel quel sans réprimer la liberté d’expression. Le système sait qu’il sera déstabilisé et disparaîtra s’il autorise la liberté d’expression et la liberté des médias. Une politique inopérante au temps d’Internet, Facebook et Twitter que les Algériens ont adoptés grâce à l’amélioration de leur niveau d’instruction. Ce qui leur a permis de ne plus se fier aux canaux de communication traditionnels à l’instar de la télévision. Je reste persuadé que le Hirak et les citoyens de manière générale doivent soutenir ce genre d’initiatives qu’entreprennent les hommes et les femmes des médias pour leur libération. C’est une affaire nationale de premier ordre afin de ne pas permettre que l’opinion nationale soit à la merci des médias étrangers. La solution est dans l’édification d’un secteur médiatique national libre. L’Algérie comme le reste des pays a besoin de médias publics et privés malheureusement absents jusqu’ici pour porter sa voix. On ne peut envisager un débat politique et constructif, de même qu’on ne peut bâtir des institutions politiques nationales légitimes, sans que les médias jouent un rôle.