Lamine Lezghad alias Naïm est la preuve que l’on peut constamment se réinventer dans le milieu de l’humour. D’origine algérienne, le comédien français a su générer un engouement sur ses réseaux sociaux grâce à ses vidéos où il analyse l’actualité française à l’issue de ses spectacles à Paris.
Chaque semaine, l’artiste livre en ligne des lectures décalées, empreintes d’humour très cynique, de l’actualité française et européenne. Flingueur verbal de la politique française, Naïm ose toucher à tout et n’épargne personne.
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Ses cibles préférées restent Emmanuel Macron et son gouvernement. Son sens de la formule, ses mimes et sa gestuelle font hurler de rire un public très diversifié. Un drôle d’animal humoristique qui revient sur le devant de la scène.
Déviation professionnelle
Naïm est presque un nouvel avatar de celui que l’on a d’abord connu sous le nom de Lamine Lezghad. Ingénieur, le franco-algérien a préféré laisser de côté son côté scientifique pour jouer avec les mots et faire rire les Français, mais aussi les Algériens.
Lamine Lezghad est né en 1980 à Alger où il a grandi jusqu’à l’âge de 10 ans. Ce fils d’un commandant de bord de la marine marchande algérienne quitte l’Algérie avec sa famille pour rejoindre la France dans les années 90. Son enfance à Alger le marquera et le départ sera aussi un thème qui accompagnera sa vie personnelle.
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Puisque c’est d’abord à Nîmes qu’il s’installe avec ses parents et sa sœur. Puis se rend à Limoges pour suivre un cursus supérieur à l’École supérieure nationale des ingénieurs de Limoges qu’il réussit.
Pourtant une fois diplômé, Lamine Lezghad se rend à l’évidence. Son cœur balance davantage pour la comédie que pour l’ingéniorat. En parallèle de ses études, il intègre une troupe d’improvisation, dans laquelle il s’épanouit et découvre son amour pour la comédie.
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C’est décidé, il se lance vers cette voie et suit des cours de théâtre à Paris durant deux ans. Des années pour apprendre et se perfectionner avant de se lancer dans le monde de la comédie.
La rigueur suit Naïm à la trace, il travaille avec acharnement ses textes jusqu’à ce qu’il soit prêt à les présenter sur scène. Son premier one-man show voit le jour en 2012.
Intitulé Impeccable, le spectacle de Lamine Lezghad rencontre du succès dans la capitale française. Sur scène, on découvre un jeune homme de 31 ans très souriant, à l’aise avec son corps. Jouant des mots avec un humour français, mais dans lequel on sent des fragrances algériennes. Le début d’un talent naissant et d’un potentiel comique gigantesque.
Succès audiovisuel et nouveaux seuls en scène
Cette première scène et ses interventions dans l’émission Les Affranchis, sur la radio France Inter, permettent à Lamine Lezghad alias Naïm de se faire remarquer et d’intégrer le paysage audiovisuel français de manière détournée.
Le comédien intègre comme candidat, l’émission « On ne demande qu’à en rire », diffusée sur France 2. Ce programme, présenté par Laurent Ruquier, a réuni durant plusieurs saisons des humoristes qui devaient proposer un sketch original à chaque nouveau numéro.
Leurs prestations étaient notées par un jury qui évaluait leur proposition comique. Lamine Lezghad faisait partie des favoris de l’émission et était même parvenu à obtenir un maximum de points.
C’est son sketch qui parodiait le clip « Thriller » de Mickael Jackson, qui a surtout fait parler de lui. Dans cette proposition, Lamine Lezghad parodie un Mickael Jackson algérien qui a une relation amoureuse avec Marine Le Pen. Le jury hilare a fortement apprécié l’autodérision du jeune humoriste franco-algérien.
Un sketch qui a autant été apprécié que dénoncé. L’approche du franco-algérien avait également suscité une polémique sur la caricature de la population arabe en France. Toujours est-il que le comédien a fait parler de lui.
Lamine Lezghad enchaîne les projets sur les planches. Il joue dans la pièce « Couscous aux lardons » et écrit plusieurs one man show qu’il joue sur scène : « Le roi des enc » en 2014, puis en 2018 « Naïm ».
Le phénix de l’humour
C’est donc dès 2018 que Lamine Lezghad renaît sous le nom de Naïm. Encore une manière de se réinventer. D’abord ingénieur, puis Lamine Lezghad sur scène, ensuite star du petit écran, Naïm revient sous un nouvel emballage et avec un humour encore différent. Pas de réchauffé pour le comique franco-algérien.
Pas d’étiquette non plus, Naïm traite de tout. Il rit de sa vie de Parisien, de père de famille ou de mari. Il n’hésite pas à se mettre en danger en se moquant de ses propres névroses. Il évoque aussi sa famille, ses origines, l’Algérie, mais sans jamais en faire des tartines. Il rit de toutes les politiques sans distinction.
Naïm est un humoriste de son temps. Il a parfaitement su se réinventer au moment où le standup est soumis à de dures règles de concurrence. Les humoristes en France doivent surproduire, intervenir quotidiennement dans les médias et parfois se coller une étiquette générationnelle ou ethnique. Naïm est plutôt un ovni dans ce nouveau contexte.
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Même s’il utilise les nouveaux outils de communication que représentent les réseaux sociaux, Naïm a inventé ses propres règles. Il donne peu ou prou d’interviews. Il offre régulièrement des sketchs vidéos originaux à ses abonnés, mais reste mystérieux sur son dernier one-man-show.
Et ça fonctionne à merveille. Chaque vidéo postée récolte des centaines de milliers de vues, parfois même des millions lorsque l’on cumule YouTube, Instagram et Facebook.
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Depuis septembre, Naïm a retrouvé les planches avec son spectacle « Cauchy Schwarz ». Ce spectacle dont le titre évoque une inégalité mathématique et dont le contenu n’a pas été révélé, est l’un des seuls en scène de l’année en France.
Naïm joue au théâtre du Grand Point-Virgule à Paris, mais aussi dans tout le pays. Sa tournée est quasi complète.
Dans l’une des rares interviews qu’il a acceptées d’accorder, Naïm estime dans les colonnes du Courrier de l’Atlas que « la liberté, l’anti-conformisme, c’est une marche à suivre ». Il assure que la différence est son moteur et qu’il ne compte pas s’arrêter là. On a hâte de découvrir la suite…