Il était évident que l’exercice ne sera pas aisé pour le Maroc de normaliser ses relations avec Israël et de continuer à se présenter comme un soutien indéfectible de la cause palestinienne.
Dans le royaume, les divisions se font de plus en plus vives sur la question, jusqu’à susciter une intervention ferme du palais royal.
La posture est intenable autant pour le roi, officiellement président du comité Al Qods, que pour les islamistes, chantres de la défense des Palestiniens.
L’accord de normalisation a été signé le 22 décembre 2020 par Saad Dine El Othmani, alors Premier ministre marocain (2017-2021) issu du Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste), sous l’égide du roi Mohammed VI dont relève la politique étrangère du royaume.
Devant les critiques et les appréhensions suscitées par l’accord au sein de l’opinion publique marocaine, la communication du palais royal a axé sur la poursuite du soutien à la cause palestinienne, tandis que le PJD a invité au Maroc le chef du Hamas palestinien, Ismaël Hania.
Les développements de la situation en Israël et dans les territoires occupés ont mis fin à l’illusion et à l’unité de façade et accéléré les divisions sur la question au Maroc.
En novembre dernier, Benyamin Netanyahou est revenu au pouvoir à la tête d’un gouvernement qualifié de « plus à droite de l’histoire » d’Israël, accentuant la répression contre les Palestiniens et éloignant un peu plus la solution à deux États.
En septembre 2021, El Othmani a quitté son poste après une défaite cuisante du PJD aux élections législatives. Pour les observateurs, c’est une conséquence directe de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël.
Alors qu’il n’avait pas contesté les accords au moment de leur signature, Abdelilah Benkirane, prédécesseur d’El Othmani au poste de Premier ministre (2011-2017) et actuel secrétaire général du PJD, se fait de plus en plus critique sur cette question qui ne fait pas l’unanimité au Maroc.
Tout récemment, il s’en est pris au ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, qu’il a accusé de défendre Israël sur la scène internationale, alors que se poursuivent les « agressions criminelles » contre les Palestiniens, notamment à Naplouse.
Maroc : le roi recadre Benkirane sur Israël, mais pas sur l’Algérie
Au cours d’une réunion la semaine dernière avec Oliver Varhelyi, commissaire européen chargé du voisinage et de l’élargissement, Nasser Bourita a évoqué les opportunités pour « le développement entre le Maroc, la Commission européenne et Israël » qu’offre la coopération régionale tripartite.
Pour le palais royal, l’attitude de Benkirane relève de la « surenchère politicienne » et d’une « campagne électorale étriquée ».
Un communiqué du palais publié ce lundi 13 mars a rappelé que la cause palestinienne demeure une « priorité » pour le roi Mohammed VI qui la place au même rang que « l’intégrité territoriale du royaume », et elle ne peut « être soumise aux surenchères politiciennes et aux campagnes électorales étriquées ».
Le communiqué du palais qualifie de « précédent dangereux et inacceptable » l’instrumentalisation de la politique extérieure du pays pour servir « un agenda partisan ».
Surtout, il rappelle à Benkirane que la politique étrangère relève exclusivement du roi et que du reste, la décision de normalisation avait été acceptée par les principales composantes de la classe politique.
Le PJD ne peut pas s’extraire à sa responsabilité dans ce qui s’est passé. Pour l’histoire, c’est un de ses membres qui a apposé sa signature au bas de l’accord de normalisation avec Israël, Saad Eddine El Othmani en l’occurrence.
Interrogé en novembre dernier par la chaîne de télévision Al Arabi, El Othmani a reconnu que la signature a été « un moment douloureux » pour lui, ajoutant que c’était toutefois une décision de l’État et qu’il n’avait pas d’autre choix que de l’accepter.
Sur un autre registre, la mise au point du palais royal à Abdelilah Benkirane rappelle aux observateurs que l’ancien Premier ministre n’a pas fait l’objet du même rappel à l’ordre quand il s’est rendu coupable d’un grave dérapage à l’égard de l’Algérie.
En janvier dernier, Benkirane avait appelé le peuple marocain à la « mobilisation » contre l’Algérie. Aussi grave soit-il, ce dérapage n’en était pas un pour le palais royal tant qu’il cadre avec sa stratégie de tension permanente avec son voisin.