Après avoir rétabli ses relations diplomatiques avec l’Iran sous l’égide la Chine et ce après 9 ans de rupture, l’Arabie saoudite aurait posé ses conditions pour une normalisation avec Israël.
L’accord conclu entre l’Arabie Saoudite et l’Iran pour la reprise de leurs relations diplomatiques a été présenté comme un coup d’éclat diplomatique de la Chine et même d’un pied-de-nez aux États-Unis.
Néanmoins, ces derniers pourraient signer un coup encore plus retentissant en rapprochant la monarchie du Golfe d’Israël.
Vendredi 10 mars, l’Iran et l’Arabie Saoudite ont annoncé, à la surprise générale, la conclusion d’un accord négocié sous l’égide de la Chine, prévoyant notamment le rétablissement sous deux mois des relations diplomatiques entre les deux pays, rompues depuis 2016 suite à l’exécution en Arabie Saoudite d’un dignitaire chiite influent, Nimr Al Nimr.
Les analystes parlent à juste titre d’un bouleversement majeur pour la région suite à la conclusion de cet accord qui survient dans un contexte de froid entre l’Arabie Saoudite et les États-Unis depuis l’élection de Joe Biden.
Néanmoins, à en croire des révélations faites à Washington, si la Chine a joué un rôle de premier ordre dans la conclusion de l’accord, celui-ci ne traduit pas une rupture entre la monarchie et son protecteur américain.
Selon le New-York Times, simultanément aux négociations de Pékin, des contacts ont eu lieu entre Saoudiens et Israéliens sous l’égide de Washington. Ryad est désormais disposé à normaliser ses relations avec Israël, sous conditions.
Ce qui donne à l’accord avec Téhéran le cachet d’une stratégie plus globale aux contours difficiles pour le moment de cerner. Les velléités de rapprochement avec Israël prêtées à l’Arabie Saoudite ont toujours été présentées comme l’expression de la volonté de cette dernière de se protéger de l’ennemi commun, l’Iran.
Néanmoins, cette nouvelle orientation était dans l’air depuis la fameuse interview de Mohamed Ben Salmane au média américain The Atlantic en mars 2022. Le prince avait qualifié Israël d’ « allié potentiel » pour peu qu’il règle ses problèmes avec les Palestiniens, et parlé de l’Iran comme d’un « voisin pour toujours ».
Ce qu’exige l’Arabie Saoudite pour normaliser avec Israël
Du côté d’Israël, le premier ministre Benyamin Netanyahou n’a pas caché dès son retour au pouvoir en novembre dernier que sa priorité est d’arriver à la normalisation avec l’Arabie Saoudite après l’avoir fait en 2020 sous l’égide de Donald Trump avec les Emirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc.
« Si nous faisons la paix avec l’Arabie Saoudite, nous allons définitivement mettre fin au conflit israélo-arabe », a déclaré le Premier ministre israélien en décembre dernier.
Selon le New-York Times, citant des responsables proches du dossier, les discussions pour le rapprochement entre l’Arabie Saoudite et Israël ont été dirigées par Brett McGurk, coordinateur du Conseil de sécurité nationale des Etats-Unis pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, et Amos Hochstein, principal assistant du président Biden pour les questions énergétiques mondiales.
Le prince héritier saoudien Mohamed Ben Salmane aurait aussi joué « un rôle direct » dans les négociations, tandis l’interlocuteur direct est l’ambassadrice saoudienne à Washington, la princesse Reema bint Bandar Al Saoud.
Selon les mêmes sources, les Saoudiens ont fixé clairement leurs « exigences » pour s’engager dans la voie de la normalisation. L’Arabie saoudite exigerait des Américains un programme nucléaire civil, des garanties pour sa sécurité et la levée des restrictions sur les ventes d’armes.
Les analystes sont divisés quant à la faisabilité d’un tel accord, la disponibilité de l’administration Biden à accepter ces exigences et les répercussions d’une éventuelle normalisation sur la question palestinienne.
Cette dernière ne figure pas dans les nouvelles conditions posées par les Saoudiens, tandis que d’autres sources assurent que l’Arabie Saoudite maintient toujours la création d’un État palestinien comme préalable à toute normalisation avec Israël.
Si c’est bien le cas, cela réduirait les chances de voir un accord conclu sous le gouvernement israélien actuel, qualifié de « plus à droite » de l’histoire du pays, et qui a d’ailleurs repris les opérations de colonisation dans les territoires occupés.
Sans exclure l’éventualité d’une normalisation avec Israël, d’autres observateurs estiment que par pur calcul politicien, l’Arabie Saoudite pourrait temporiser pour ne pas donner à Joe Biden l’occasion de gagner des points auprès du puissant lobby juif en prévision de l’élection présidentielle.
A Ryad, on n’a pas oublié que l’actuel président américain a promis de faire de l’Arabie saoudite un « paria » sur la scène internationale et de lui faire payer ses atteintes aux droits de l’homme, notamment l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en 2018.