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Noureddine Melikechi, professeur affilié à la NASA : « Le Hirak offre une opportunité unique dans les annales de l’histoire de notre pays »

Noureddine Melikechi, professeur affilié à la NASA : « Le Hirak offre une opportunité unique dans les annales de l’histoire de notre pays »

Noureddine Melikechi, professeur de physique atomique à l'Université du Massachusetts (UMass, États-Unis) et affilié à la Nasa.

Noureddine Melikechi est professeur de physique atomique à l’Université du Massachusetts (UMass, États-Unis) et affilié à l’agence spatiale américaine (Nasa). Il revient dans cet entretien accordé à TSA sur le Hirak, la liberté d’expression, l’usage de l’anglais à l’université…

Vous avez participé au 47e vendredi de manifestations à Alger. Quelles ont été vos impressions de cette expérience sur le terrain ?

Effectivement, j’ai eu la chance de participer au Hirak à Alger lors du 47e vendredi. Je l’ai fait car j’adhère totalement à l’approche pacifique et inclusive du Hirak et ses aspirations pour un État de droit et une nouvelle république démocratique indivisible, inclusive et unie dans sa diversité. Par conséquent, en ce qui me concerne, du moment que j’étais en Algérie, participer au Hirak devient une obligation morale. En prenant part à cette marche aux côtés de milliers d’autres personnes, j’ai ressenti la grandeur de notre peuple. C’était très émouvant.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué durant votre expérience aux côtés des manifestants ?

J’étais particulièrement marqué par le fait qu’il se dégageait une dignité et un pacifisme extraordinaires, qui à ma connaissance, vu sa longévité n’a pas d’égal dans l’histoire moderne des peuples. De plus, j’ai été émerveillé, mais pas surpris, par le haut degré de patriotisme et de civisme des manifestants et manifestantes. Même sous la pluie fine qui s’abattait sur Alger cet après-midi-là, l’organisation de la marche était quasi parfaite.

Les gens étaient unis et bienveillants. Je sentais dans tous les coins de rues, une grande détermination à marcher dignement et pacifiquement vers une nouvelle république. J’ai ressenti que les manifestants et les manifestantes voulaient vivre pleinement leur citoyenneté algérienne et contribuer à écrire le futur de notre pays. Il régnait un haut sens civique, un respect exemplaire des uns envers les autres, hommes, femmes, adultes et enfants, et une belle solidarité et créativité collectives.

Vous vivez aux États-Unis où le 1er amendement de la Constitution entérine le caractère sacré des libertés individuelles dans la démocratie américaine. Quel constat faites-vous de la situation des libertés d’expression, de la presse et de réunion en Algérie ?

Je ne peux pas faire de constat vu que je ne suis pas de la profession. Ceci dit, en tant que citoyen qui suit autant que possible la situation de son pays, je peux donner un avis personnel : je trouve malheureux que des journalistes ou des citoyens, exprimant des opinions soient privés de leur liberté, ou obligés de quitter leur emploi, que des médias audio-visuels publics proposent parfois des programmes d’information sur la situation du pays en occultant la réalité du terrain et où le débat politique contradictoire est quasiment absent.

Ce déphasage entre l’offre des médias publics et les attentes des citoyens est non seulement contre-productif, immoral et injustifié mais il complique d’avantage la situation du pays. Ce sont les personnes avec lesquelles nous avons le plus de divergence d’opinion que nous devons écouter et dialoguer. Si on ne peut pas critiquer, proposer des alternatives et poser librement des questions, le pays ne peut pas progresser.

À mon humble avis, pour le bien du pays, Il est urgent et nécessaire de créer un environnement où chacun et chacune peut exprimer son opinion librement de manière honnête et sans être censuré ou se sentir obligé de s’auto-censurer, aussi bien au sein de la presse que dans les forums et regroupements publics. On ne peut pas avancer sereinement et efficacement sans une presse et un débat public libres !

Le pouvoir veut éliminer la langue française et la remplacer par l’Anglais dans l’enseignement universitaire en Algérie. Quelle est votre opinion d’universitaire sur le sujet ?

Le quasi-monopole de la langue anglaise sur l’accès aux nouvelles connaissances scientifiques et les nouvelles technologies est un état de fait avec lequel beaucoup de pays, et pas des moindres, doivent composer et pour certains ont et continuent de composer. Toutefois, comme je l’ai exprimé auparavant dans le journal El Watan, je pense que la question de langue ou langues à utiliser doit être traitée avec une très grande attention, et une sérénité et un professionnalisme exemplaires.

C’est aux professionnels de l’éducation, parents d’élèves, étudiants, linguistes, sociologues, scientifiques, artistes, économistes, etc. de se pencher sur ce sujet le moment adéquat. Il serait dangereux de prendre des raccourcis ou des décisions à la hâte ou superficielles qui ne soient pas le résultat d’études sérieuses qui intègrent notre vision du, et nos aspirations pour le futur.

Pour ma part, je pense que cette question devrait être abordée non pas en termes exclusifs d’enseignement supérieur ou de productivité de la recherche mais comme un constituant essentiel d’un « continuum » complexe qui toucherait plusieurs segments de la société, de l’économie et certainement tous les niveaux de l’éducation.

Elle ne peut pas être traitée sans analyser la qualité des programmes scolaires et universitaires et en particulier la qualité du produit des écoles et universités algériennes, l’environnement dans lequel grandit l’enfant et étudie l’étudiant, les ressources humaines et autres moyens disponibles et sans tenir compte de notre histoire millénaire et riche culture.

Il serait néfaste, et peut-être même dangereux, pour notre pays d’appauvrir la diversité linguistique acquise au cours de notre longue et riche histoire. On devrait plutôt être capable de l’enrichir.

Vous aviez déclaré le 11 décembre dernier que « la liberté ne peut être verrouillée indéfiniment ». Quel avenir voyez-vous pour le pays depuis le passage du scrutin du 12 décembre ?

Le Hirak offre une opportunité unique dans les annales de l’histoire de notre pays, de notre région et peut-être même dans le monde pour passer pacifiquement vers une nouvelle république véritablement démocratique basée sur un État de droit. De mon point de vue, le peuple algérien, par le Hirak, est en train d’écrire une des plus belles pages de son histoire et ce d’une manière digne, pacifique, inclusive, persistante et ordonnée et qui, en conséquence, surprend certains. Il est le cri souriant d’une jeunesse et d’un peuple qu’on a à tort et injustement ignoré. Il est un océan d’espoir pour le futur du pays.

Répondre positivement et sereinement aux revendications légitimes exprimées par le Hirak ne peut être que bénéfique pour le pays, tout le pays : à toutes ses composantes et à toutes ses institutions. De plus, au-delà de ses revendications, le Hirak montre à quel point notre peuple est prêt et déterminé à penser lui-même son avenir et à vivre pleinement sa citoyenneté algérienne. Quand le peuple a décidé un certain 22 février de prendre pacifiquement ses destinés en main, il a réussi à changer le cours de l’histoire. Pacifiquement, Il est en train de libérer la marche pour la liberté. C’est là une des plus belles preuves, s’il en fallait une, de patriotisme et de changement.

À mon avis, les acquis du Hirak sont déjà palpables bien qu’il faille attendre que l’histoire mesure à sa juste valeur son impact. Malgré les difficultés auxquels fait face notre pays, je reste confiant en sa jeunesse et par conséquent en son avenir. Le Hirak présente une opportunité extraordinaire pour que le pays évolue pacifiquement vers une nouvelle république prête à progresser dans tous les domaines de façon réfléchie, résolue et inclusive, en phase aussi bien avec nos valeurs et les récentes avancées scientifiques, technologiques et managériales. Il n’est pas trop tard pour bien faire mais il est temps de bien faire.

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