Politique

« Nous avons vécu un sale temps en matière de respect des droits de l’Homme »

DOSSIER SPÉCIAL. Quel bilan de l’état des droits l’homme faites-vous, une année après le soulèvement populaire ?

Me Nourredine Benissad, avocat et président de la Ligue des droits de l’homme. On peut dire que nous avons vécu un sale temps en matière de respect des droits de l’Homme pour une année d’un soulèvement populaire, il faut le dire pacifique.

Déjà qu’avant le 22 février, la situation des droits de l’Homme n’était pas reluisante, autrement on n’aurait pas eu cette révolution.

Des arrestations, souvent sans contrôle judiciaire, des poursuites judiciaires sans rapport avec les faits, des interdictions de réunions d’acteurs politiques, associatifs, syndicaux, universitaires, estudiantins, ou plus généralement de citoyens sans motif légal alors que la situation exigeait d’encourager ces espaces de libre expression pour contribuer à une issue heureuse de la crise. Les décideurs ont ramé à contre-courant des libertés.

Les libertés de manifester, de circuler et d’expression ont été entravées. Ce qui constitue des atteintes à ces libertés fondamentales mais au droit des Algériens à participer aux affaires publiques.

Les espaces d’expression sont complètement fermés notamment les médias lourds.

L’indépendance de la justice en termes de présomption d’innocence, de détention provisoire, de procès équitable a été malmenée et à juste titre mise en avant par les revendications populaires et les professionnels du droit notamment les avocats et d’une partie des juges.

Le respect des droits de l’Homme, c’est aussi le respect de la volonté populaire par des élections libres et du principe de l’alternance au pouvoir. Ce qui n’est pas encore le cas dans notre pays.

Comment expliquez-vous qu’aujourd’hui on en est encore à interdire des réunions et des conférences d’acteurs du Hirak ?

Je crois que c’est la nature même du système autoritaire d’être dans le déni de la réalité politique. Le système autoritaire, par essence, refuse les contre-pouvoirs, voire le débat contradictoire et donc toute voie démocratique pouvant aboutir à une alternance au pouvoir.

Ne pas identifier les causes de la crise, c’est reproduire les mêmes effets.

Sinon comment expliquer qu’on nous parle de “L’Algérie nouvelle” et en même temps, on verrouille ou on tente de verrouiller tous les canaux d’expression plurielle et pacifique.

La question de détenus d’opinion se pose encore malgré les relaxes dont ont bénéficié certains manifestants et militants. Comment interprétez-vous cette tendance à libérer d’un côté des détenus d’opinion et en maintenir d’autres en détention ?

Vous faites bien de parler de détenus d’opinion car au départ le discours officiel relayé par certains médias niaient le statut de détenus d’opinion à toutes les personnes arrêtées, poursuivies ou condamnées pour avoir seulement exercé leurs droits fondamentaux garantis par la Constitution et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par notre pays.

À partir de là, aucune personne ne devrait être inquiétée pour avoir manifesté ou exprimé de manière pacifique une opinion.

Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’on s’est réjoui de la libération de certains détenus d’opinion et on continuera à le demander pour le reste des détenus sans exception y compris pour beaucoup d’entre eux qui sont des hirakistes anonymes.

Le mouvement populaire a tenu à son caractère pacifique malgré les intimidations et les violences qui se sont exercées sur lui tout au long de cette année de lutte. Comment vous l’expliquez ?

Je crois que le caractère pacifique du mouvement populaire a déjoué tous les plans concoctés ici et là pour réprimer toute velléité de changement. Rappelez-vous les chants de sirènes de tout acabit qui ont surfé sur la peur et le chaos dont les conséquences pourraient mener le pays vers l’inconnu.

Les Algériens ont fait preuve d’une maturité inégalée par le caractère pacifique et l’intelligence des revendications et éminemment la question du respect des droits de l’Homme. Quoi qu’on dise, je crois que plus jamais les Algériens n’accepteront qu’on attente à leur dignité et à leurs libertés.

L’évolution des droits de l’Homme est intimement liée à la démocratisation de notre société. Plus la démocratie avancera, plus les droits de l’homme seront respectés. La méconnaissance, l’ignorance, voire le mépris des droits de l’Homme et de la dignité de la personne humaine sont les sources des malheurs des pays.

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