Ramtane Lamamra ne sera pas le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour la Libye. C’est désormais officiel puisque c’est le concerné lui-même qui l’annonce dans une déclaration rendue publique ce jeudi 16 avril.
« Je compte, au cours d’un entretien téléphonique dans les prochaines heures avec le Secrétaire général des Nations Unies, réitérer mes remerciements à M. Guterres pour le choix qu’il a porté sur ma personne et lui exprimer mon regret de devoir lui notifier le retrait de mon acceptation de principe de sa proposition que je lui avais donnée le 7 mars dernier. »
En annonçant son retrait, l’ancien ministre algérien des Affaires étrangères et vice-Premier ministre n’a pas manqué de le motiver : « Les consultations d’usage auxquelles procède M. Guterres depuis lors ne semblent pas susceptibles d’aboutir à l’unanimité du Conseil de Sécurité et d’autres acteurs qui est indispensable à l’accomplissement de la mission de paix et de réconciliation nationale en Libye. »
La raison, c’est donc bien celle qui a été rapportée depuis plusieurs jours par les médias : le véto des États-Unis à sa nomination. Le diplomate algérien avait pourtant le profil idoine, ce qui a fait que 14 des 15 membres du Conseil de sécurité donnent leur quitus pour sa désignation.
Ministre algérien des Affaires étrangères entre 2013 et 2017, ambassadeur d’Algérie auprès des Nations unies de 1993 à 1996 puis à Washington (1996-1999), il avait aussi multiplié les missions au sein de l’Union africaine, dont la médiation dans le conflit libérien en 2003, et récemment aux Comores.
Le secrétaire général de l’ONU n’a pas pensé à lui pour le simple fait qu’il le connait bien depuis son passage au Portugal comme ambassadeur en 2003-2004, mais parce que, outre sa longue expérience, il incarne la prise en main par l’Afrique d’un conflit qui se joue sur son territoire mais sur lequel des États géographiquement éloignés se sont arrogés un droit de regard et même d’intervention directe.
Selon une source diplomatique algérienne, le président congolais Denis Sassou N’guessou, qui préside le comité de haut niveau de l’Union africaine sur la Libye, fait partie de ceux qui ont encouragé Lamamra à accepter la mission.
Toute la complexité du dossier libyen est dans l’interférence de puissances étrangères et seule une intervention de parties intéressées peut expliquer le véto des États-Unis, un pays jusque-là pas trop impliqué dans le conflit.
C’est plus la candidature de l’Algérie –même si formellement elle n’en n’est pas une- que celle de Lamamra qui a été entravée. Difficile en effet de ne pas y voir la main des alliés régionaux de Washington, l’Égypte et surtout les Émirats arabes unis, deux pays qui comptent, avec l’Arabie Saoudite et la Jordanie, parmi les plus fervents soutiens du maréchal Khalifa Haftar.
Des sources au fait du dossier sont même formelles : ce sont les Émirats qui ont soufflé aux États-Unis l’idée de désigner un représentant hors région.
Ses rapports avec Haftar, qui tient l’Est de la Libye, n’ont pas souvent été au beau fixe, pour ne pas dire jamais, mais l’Algérie a su garder une certaine équidistance entre les deux parties en conflits.
Le soutien qu’on lui prête à Faïz Saradj se limite en fait à sa reconnaissance, comme le reste de la communauté internationale, du gouvernement d’union nationale (GNA).
Il ne s’agit pas de la première tentative d’écarter l’Algérie, voisin immédiat de la Libye, du règlement du conflit. La conférence de Berlin, en janvier dernier, allait se tenir sans elle.
Néanmoins, le barrage fait à la nomination de Lamamra ne peut être perçu comme un revers pour la diplomatie algérienne : la proposition est venue du SG de l’ONU et le diplomate l’a accepté après, certes, concertation avec les autorités de son pays.
Il ne s’agit donc pas de candidature de l’Algérie dont les efforts se limitaient à rapprocher les points de vue des parties en conflit, sans chercher réellement à peser sur le cours des événements. Elle sait maintenant à quoi s’en tenir et sera plus vigilante sur le dossier. Ce n’est pas un échec pour le diplomate car, lui non plus, n’a pas demandé le poste.
L’aura de Ramtane Lamamra et de la diplomatie algérienne sera l’élément qui manquera pour rapprocher la Libye de la fin du conflit.
Une chance de moins pour la paix, au moment où la crise s’aggrave avec les événements de cette semaine et la pluie de roquettes tirées sur Tripoli par les forces de Haftar après avoir perdu des villes stratégiques le long du littoral. La mauvaise nouvelle pour l’Algérie, c’est le risque, maintenant plus pesant, d’une grave dégradation de la situation dans ce pays voisin.