En Algérie, la célébration d’Octobre rose survient cette année dans un contexte difficile pour les femmes atteintes du cancer du sein, en raison des pannes des appareils de radiothérapie et des pénuries fréquentes de médicaments.
Chaque année, au mois d’octobre, des milliers de personnes se mobilisent en Algérie, et ailleurs dans le monde, pour la lutte contre le cancer du sein.
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C’est l’objectif de la campagne « Octobre Rose »qui est dédiée à la sensibilisation et au dépistage contre cette maladie.
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Dans le monde associatif algérien, l’une des associations les plus actives dans la lutte contre le cancer du sein est l’association d’aide aux malades cancéreux « El Amel ».
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Pour la secrétaire générale de cette association, Hamida Kettab, bien que ce mois soit « synonyme d’espoir », en Algérie, « la réalité du terrain est loin d’être rose ».
« Faire de la mammographie un examen gratuit »
Perpétuant son engagement contre le cancer du sein en Algérie, l’association El Amel a prévu d’organiser ce mois d’octobre plusieurs actions pour inciter les femmes à se faire le dépistage.
« La campagne Octobre Rose 2022 est une nouvelle occasion pour nous de parler du cancer du sein, de sensibiliser la population à l’importance du diagnostic précoce et de lancer de nouvelles campagnes de dépistage, notamment dans les zones rurales », a déclaré ce mardi à TSA Hamida Kettab.
Avant de souligner que « la mammobile (cabinet de radiologie mobile) de l’association prendra prochainement la route sur la wilaya d’El-Goléa afin de dépister le maximum de femmes dans ces régions. »
« Donner un accès au dépistage aux femmes qui résident dans les zones rurales est une façon d’assurer une égalité à l’accès au dépistage. L’association El Amel travaille pour que la population ait un accès équitable à l’information, au dépistage, au diagnostic, et surtout au traitement et à l’innovation », a indiqué Mme Kettab.
« L’un des principaux thèmes que nous aborderons lors de cette campagne est l’égalité dans l’accès aux soins et aux traitements pour toutes les femmes, partout en Algérie, mais aussi le droit à la prévention comme partie prenante de la lutte contre le cancer du sein. Nous mettrons également l’accent sur l’importance de la mammographie pour toutes les femmes », a-t-elle fait savoir également.
Pour la secrétaire générale de l’association El Amel, « il est important de faire de la mammographie un examen gratuit, à la portée de toutes les femmes algériennes ».
En Algérie, « la réalité du terrain n’est pas rose »
Pour Hamida Kettab, bien qu’Octobre Rose soit « un mois d’espoir », la réalité du terrain en Algérie est « loin d’être rose. »
Pour elle, il faudrait se poser la question de la réalité de la prise en charge des femmes atteintes de cancer en Algérie. « Sur le terrain, ce n’est pas du tout rose malheureusement, mais plutôt noir », a-t-elle dit.
Elle s’explique : « Plus de 80 % des bilans qui se font dans le cadre du diagnostic du cancer ont lieu dans le secteur privé malheureusement. La plupart des prestations ne sont pas remboursées par la CNAS. A cela s’ajoute cette rupture cyclique des médicaments anticancéreux que nous enregistrons et qui a fait que de nombreux patients n’ont pas pu se faire traiter convenablement et dans les règles de l’art. »
« Il y a des arrêts de traitements, des changements de protocole et autres qui ont compliqué la situation de certaines patientes »,a-t-elle déploré.
« Pour ce qui est de la radiothérapie, c’est la catastrophe. La plupart des machines sont en panne. Certains centres sont incapables de prendre en charge de nouveaux malades. D’autres souffrent pour garantir un traitement à celles qui ont déjà commencé à se faire traiter »,a regretté la secrétaire générale de l’association El Amel.
« Nous avons 50 accélérateurs (machines de radiothérapies), mais nous vivons une situation chaotique. C’est désolant. On sensibilise les femmes pour avoir un diagnostic précoce et pour avoir un traitement conservateur, qui permet de conserver le sein, mais faute de radiothérapie, nous sommes obligés de faire des mastectomies totales », a-t-elle à nouveau déploré, avant d’appeler à trouver « rapidement » des solutions aux pannes qui affectent les appareils de radiothérapie en Algérie.
Pour la secrétaire générale de l’association El Amel, pour régler la problématique de la prise en charge des femmes atteintes de cancer du sein en Algérie, il faudrait, entre autres, « faire des conventions avec le secteur privé. »
« Ça, c’est le rôle de la CNAS, des ministères du Travail et de la Solidarité nationale. Ce sont eux les responsables de la prise en charge de la femme atteinte de cancer du sein, et ce en attendant de régler à moyen et long terme le problème de maintenance des appareils et le renforcement et renouvellement du parc des accélérateurs », a-t-elle dit .
Avant d’ajouter : « Le cancer n’attend pas. Le président de la République l’a d’ailleurs répété à plusieurs reprises, le cancer est une priorité nationale. La santé de nos patientes n’a pas de prix. J’espère donc en tant que représentante des patientes atteintes de cancer que les nouveaux ministres prendront en charge cette problématique et débloqueront rapidement la situation pour permettre un accès équitable aux traitements à toutes les femmes atteintes de cancer, et pour que toutes les femmes, qu’elles soient à Adrar, Tamanrasset, Tlemcen, Alger, Oran ou Tébessa puissent avoir le même protocole, le même traitement et la même prise en charge. C’est très important qu’elles se fassent toutes traiter de la même façon. »
La secrétaire générale de l’association El Amel termine avec un message d’espoir: « On peut parler de guérison dans le cancer du sein. C’est extraordinaire. Il faut tout faire pour donner cette chance aux femmes algériennes. Elles le méritent. »