« Les réseaux sociaux numériques comme transistors de médias. Quand l’écosystème du journalisme algérien est sous l’emprise de la numérisation ! », était le thème choisi pour une journée d’étude, organisée mercredi 30 janvier, par l’Ecole nationale supérieure de journalisme et des sciences de l’information d’Alger (ENSJSI).
Cette journée, à laquelle TSA a été convié, a été préparée par le Laboratoire Médias, usages sociaux et communication (Musc) que dirige le Pr Belkacem Mostefaoui.
Plusieurs enseignants ont intervenu en présence d’étudiants et de spécialistes du domaine. Fella Bourenane est revenue sur « les humanités numériques » alors que Hadjer Kouidri a évoqué le Webdoc qui est un documentaire interactif diffusé sur Internet utilisant le texte, l’animation, la photo, la vidéo, les diaporamas, etc.
Le Webdoc, qui n’a pas de sujets définis, n’est pas encore développé en Algérie. Selon l’enseignante, il n’y a pas encore de modèle économique à cette forme de narration visuelle qui rassemble art et journalisme et qui permet une consultation non linéaire pour l’internaute.
Fatiha Chara, journaliste à la radio et doctorante, a analysé « l’avidité » des réseaux sociaux en information et le manque de « l’information officielle » en face. Lors des débats, la question de la faiblesse de « la communication institutionnelle » a été abordée avec des exemples de l’actualité récente.
« On a inventé la vérification de l’information après sa diffusion »
Amel Hadji, doctorante, s’est interrogée sur l’application de l’éthique journalistique « à l’ère des nouveaux médias ». Elle a notamment parlé de la non-citation des sources, du plagiat, du non-respect de la vie privée, des fausses informations, du non-respect de la présomption d’innocence et de « la course au scoop qui fait oublier la nécessité de respecter les règles du métier ».
« On a inventé la vérification de l’information après sa diffusion (…) Le journaliste doit se conformer aux règles professionnelles y compris sur les réseaux sociaux. Il ne peut pas faire ce qu’il veut », a-t-elle relevé.
Yousra Boutera a mené une enquête auprès des étudiants d’ENSJSI sur « l’exposition à Facebook » et sur « l’apprentissage dans l’écosystème informationnel interactif ». « Tous les étudiants ont un compte Facebook depuis plus de quatre ans. L’activité principale pour eux est de publier des commentaires dans les postes de leurs amis, ensuite de partager des contenus », a-t-elle noté. Selon elle, 65% des étudiants s’informent à travers les médias interactifs (sites électroniques et autres). Yousra Boutera a souhaité l’élaboration d’études plus poussées sur les contenus des comptes et pages Facebook en Algérie.
Absence de données précises sur les utilisateurs de Facebook
Amira Bensenouci, doctorante, s’est intéressé à Intymag, webzine féminin collaboratif sur les réseaux sociaux. La page Facebook de Intymag a récolté 36.000 j’aime.
Amira Bensenouci a regretté l’absence de données précises sur le nombre d’utilisateurs de Facebook et de Twitter en Algérie. Un nombre qui varie entre 19 et 24 millions pour Facebook.
Samir Ardjoun, enseignant à ENSJSI, est intervenu sur le marketing digital des médias et le modèle économique des médias électroniques. Il a évoqué le modèle « hybride » appelé Freemium utilisés par certains médias internationaux pour attirer le public en offrant partiellement un accès libre aux contenus.
« Ce qui bloque le développement de ce modèle en Algérie est la difficulté de réaliser des transactions commerciale online », a-t-il noté.
Abdelwahab Boukrouh, journaliste et fondateur du site Eljazairelyoum, a parlé du statut vulnérable des sites d’information électroniques en Algérie en raison de la non-promulgation des textes en application de la loi de 2012 relative à l’information.
Le système d’abonnement peine à se développer
« L’Anep ne donne de la pub qu’aux journaux agréés. Il y a de 60 à 70 sites web en Algérie qui n’ont pas été agréés par les pouvoirs publics. La publicité privée reste tributaire de la situation économique globale du pays. Et la réclame publique s’est affaiblie en raison de la réduction de la commande liée à l’équipement public suite aux contraintes budgétaires de l’Etat. S’ajoute à cela le fait que les annonceurs préfèrent s’adresser aux chaînes télé », a souligné Abdelwahab Boukrouh.
Selon lui, le système de l’abonnement peine à se développer en Algérie. D’autres intervenants ont estimé que les chaînes de télévision privées sont dans la même situation de fragilité des sites électroniques faute de l’application des lois et en absence d’une politique claire de l’Etat en matière de communication.