Nouvelle victoire de l’Algérie face aux tentatives marocaines de lui contester son patrimoine. L’Unesco vient d’inscrire le dossier de l’Algérie “Costume féminin de cérémonie dans le Grand Est algérien: Savoirs et savoir-faire liés à la confection et à la création de bijoux -Gandoura et Melehfa” à sa liste de patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Une décision que certains du côté du Maroc semblent avoir du mal à digérer.
“La Gandoura et la Melehfa sont des tenues traditionnelles portées par les femmes dans le Grand Est de l’Algérie à l’occasion de fêtes telles que les mariages, les cérémonies et les festivités nationales et religieuses”, a expliqué l’agence onusienne dans sa décision.
Sur son site, l’agence onusienne a illustré la photo de la Gandoura avec la mention : caftan brodé au “mejboud” avec motifs floraux et animaliers. Le caftan algérien a été bien inscrit sur la liste de l’Unesco.
Une décision survenue contre l’avis du Maroc dont les autorités officielles ont déposé une plainte auprès de l’Unesco pour bloquer la demande d’inscription de ce patrimoine introduite par l’Algérie en 2023.
Dans sa requête, le Maroc s’est plaint de la présence d’un caftan de « Ntaâ de Fès » dans le dossier algérien.
En mai 2024, des jeunes Marocains ont tenté de faire retirer des caftans exposés à la Foire de Paris 2024 par la jeune couturière algérienne Lina Boussahi.
En octobre dernier, le caftan a fait l’objet d’un atelier organisé à Fès par le ministère marocain du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Economie sociale et solidaire.
L’objectif de l’atelier était “l’examen et l’élaboration du cahier des charges et du règlement d’usage pour la création d’un label et d’une marque collective de certification du caftan marocain”.
Un haut responsable du même ministère avait alors fait savoir que ses services avaient “lancé un projet de labellisation du caftan marocain”face à ce qu’il a qualifié de “concurrence déloyale croissante”, dans une allusion claire à l’Algérie.
Cette dernière était toutefois sûre de sa démarche. En juin dernier, Saïd Hamoudi, conseiller de la ministre de la Culture, a déclaré à TSA que dans le cas où il y aurait une procédure à l’Unesco, “l’Algérie disposera des dossiers et des arguments solides pour répondre”.
Et c’est finalement l’Algérie qui a eu le dernier mot avec la décision que vient d’annoncer l’UNESCO concernant les deux types de caftan algérien, la Gandoura et la Melehfa. Il faut dire que la plainte des Marocains ne reposait sur rien de solide. Ils ont seulement signalé que l’Algérie a inclus dans son dossier une image qui est, selon eux, d’un caftan marocain.
Le verdict rendu n’est pas digéré au Maroc où on tente de le faire passer pour une “victoire”. Les titres de la presse locale se sont donné le mot pour présenter cette cuisante défaite comme un succès. “Appropriation culturelle du patrimoine : le Maroc déjoue une nouvelle tentative algérienne”, titre Hespress. “L’Algérie subit un cuisant revers”, ose même écrire le 360.ma.
“Cette décision est considérée comme une victoire significative pour le Maroc dans sa lutte pour protéger son patrimoine culturel immatériel contre les tentatives de spoliation répétées de l’Algérie”, renchérit H24 info.ma.
Ce qui est présenté au Maroc comme une victoire, c’est ce même média qui l’écrit : la commission de l’Unesco “a accepté l’objection officielle du Maroc et a décidé de retirer l’image du caftan marocain du dossier algérien”.
Caftan : les Marocains tentent de faire passer leur cuisante défaite en victoire
On occulte néanmoins l’essentiel, soit la défaite réellement cuisante du Maroc puisque les deux caftans présentés ont été officiellement reconnus comme faisant partie du patrimoine algérien.
Sans faire de bruit, l’Algérie défend son patrimoine et a jusque-là réussi toutes les démarches qu’elle a engagées. Avant le Caftan, elle avait réussi à inscrire la musique Rai que les Marocains lui contestaient aussi. Le dossier déposé en avril dernier pour le zellige devrait connaître le même succès.
Cette faïence qui orne les palais de Tlemcen, à l’extrême ouest de l’Algérie, avait fait l’objet d’une contestation du Maroc lorsque l’équipementier Adidas s’en est inspiré pour confectionner une tenue de parade de l’équipe d’Algérie de football, en octobre 2022.
Le dépôt d’un dossier pour l’inscription du zellige au nom de l’Algérie en avril 2024 a été suivi du déplacement à Genève du ministre marocain de la Culture, Mehdi Ben Saïd, pour rencontrer le directeur général de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).
La contestation du patrimoine algérien entre dans le cadre global de la stratégie de la tension permanente avec l’Algérie. Plusieurs éléments communs sont systématiquement réclamés comme étant exclusivement marocains.
Même des éléments que tout le monde reconnaît comme algériens font l’objet de tentatives d’appropriation par les Marocains, comme les bijoux d’argent de Kabylie ou la musique Rai.
En novembre 2022, le roi Mohamed VI s’est impliqué en personne dans cette campagne. Saisissant l’occasion de la tenue d’une session de l’Unesco au Maroc sous la présidence de la directrice générale de l’organisation onusienne, Audrey Azoulay, fille du conseiller royal André Azoulay, le roi avait appelé à « contrecarrer » les « tentatives de détournement et d’accaparement » du patrimoine marocain.
Les agissements marocains ne passent pas parfois sans dégâts pour le patrimoine de tout le Maghreb.
En février 2024, les Galeries Lafayette ont carrément fermé à Paris le stand “Village oriental” dédié aux spécialités maghrébines. Cette décision extrême a été provoquée par une campagne d’insultes et de menaces menée par les Marocains suite à la présentation par la cheffe algérienne Shérazade Laoudedj, du Sellou, un plat commun entre l’Algérie et le Maroc.