Sur un vaste champ jaunâtre en ces derniers jours de printemps, une moissonneuse batteuse avance et fauche du blé. La scène diffusée sur la chaîne Youtube de la Chambre nationale de l’agriculture « El Fellah », se déroule à Ouargla, dans le sud de l’Algérie.
Cette région, mondialement réputée pour abriter le plus grand puits de pétrole d’Afrique, Hassi Messaoud, peut aussi devenir un grand pôle céréalier en Algérie qui cherche à réduire sa facture des importations de blé afin d’assurer sa souveraineté alimentaire.
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Les perspectives sont optimistes. « Pour cette année, nous avons 3 300 ha destinés aux céréales. Avec les investissements pour l’électrification, nous nous attendons à ce que le chiffre bondisse durant l’exercice prochain, à 6 000 ha destinés aux céréales », a déclaré à la chaîne de la Chambre nationale de l’agriculture « El Fellah », le président de la Chambre d’agriculture de la wilaya d’Ouargla.
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« D’ici trois ans, nous prévoyons de passer de 6 000 à 15 000 ha pour les céréales », a ajouté Moussa Hamani. D’autant plus que le potentiel agricole de Ouargla reste encore sous exploité, dit-il.
« Nous n’avons pas encore exploité 10 % de nos terres. Il existe des espaces relevant de l’Office pour le développement de l’agriculture saharienne : à Gassi Touil, Hassi Lahdjar. Nous avons une réserve d’eau et des terrains à perte de vue », a-t-il développé, optimiste.
L’évolution de la production de blé dans cette région est allée en augmentant. Badis Kabouya, ingénieur agronome, dirige une exploitation du groupe public Agrodive. Il évoque son expérience qui s’étale sur 25 ans.
« Au début, la production ne dépassait pas 25 quintaux par hectare. Avec le temps, quand on a pu maîtriser l’itinéraire technique et le pilotage de l’eau d’irrigation, et avec la compétence, nous sommes optimistes quant à atteindre une moyenne de 60 quintaux par hectare », ambitionne-t-il. « Cette année, nous avons cultivé 280 hectares. L’année prochaine, nous amènerons la superficie à 600 ha ».
La wilaya de Ouargla est-elle en passe de devenir un grand pôle céréalier en Algérie ? « On parle de 3 300 ha en 2022, puis de 6 000 en 2023 et 15 000 dans trois ans. Il est sûr que si la cadence des réalisations des investissements structurants (électricité, désenclavement…), la célérité dans l’étude des dossiers et l’établissement des autorisations nécessaires venaient à s’accélérer, l’objectif serait à portée de main. Pas uniquement à Ouargla, mais dans toutes les wilayas du sud. Il suffit que la mécanique mise en place par les pouvoirs publics à travers l’ODAS soit bien huilée pour que ces régions pèsent de tout leur poids dans l’effort national de production », analyse l’agronome Ali Kader, interrogé par TSA.
Choisir entre la pastèque et les céréales…
Selon lui, l’axe Ouargla, El-Goléa, Adrar et Timimoune est véritablement prometteur. « Le seul facteur limitant, hélas, il faut encore le rappeler, n’est pas le sol, mais l’eau. La culture de la pastèque, vorace en cet élément, est en train de prendre des proportions alarmantes au détriment des blés, fourrages, palmiers dattiers, vignes, primeurs et autres. Il suffit de se rendre du côté de Hassi F’hel dans la toute nouvelle wilaya d’El-Goléa pour mesurer l’étendue des dégâts », précise M. Kader.
Auteur du livre « Agriculture algérienne : entre progrès et regrets » paru aux éditions El-Imal en 2021, M. Kader recommande : « Il n’est jamais bon d’interdire quoi que ce soit, mais les pouvoirs publics doivent prendre des mesures pour endiguer ce phénomène qui grève les surfaces dédiées aux cultures stratégiques que l’État subventionne ».
Mais alors, que faut-il faire pour que la céréaliculture soit plus productive et que l’Algérie arrive à des niveaux intéressants de production ?
« Les pouvoirs publics ont lancé à travers l’ODAS (Office de Développement de l’Agriculture industrielle en terres sahariennes), un programme de production de céréales dans les régions du sud qui peuvent combler à moyen et long termes les déficits en céréales. Mais pas toutes les céréales. Le blé tendre, donc le produit le plus importé (plus de 6 millions de tonnes en 2021) et le plus consommé, est une culture localisée assez capricieuse, alors que le blé dur et l’orge sont un peu moins exigeants. À moins de changer nos habitudes alimentaires, il serait vain de chercher à produire quoi qu’il en coûte du blé tendre », développe Ali Kader.
Il estime intéressant de se focaliser sur la façon d’améliorer la productivité des autres cultures. « Il n’est pas nécessaire de se lancer dans des productions aléatoires qui au final ne régleront rien, il suffit de s’orienter vers ce que l’on sait le plus produire et l’améliorer. C’est à ce prix que s’acquiert la sécurité alimentaire », observe-t-il.