Une loi est entrée en vigueur en Ouganda ce dimanche 1er juillet imposant de s’acquitter d’une taxe journalière afin de pouvoir utiliser les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter ou encore WhatsApp, provoquant une polémique auprès des millions de citoyens dont certaines craignent une tentative de suppression de la liberté d’expression, rapportent plusieurs médias.
Le Parlement ougandais a voté une loi introduisant une taxe pour l’usage de plateformes considérées « superflues » offrant des services de messagerie ou d’appels vocaux. Depuis ce dimanche, les utilisateurs devront s’acquitter d’une taxe journalière de 200 shillings (5 centimes de dollar américain) pour accéder à l’une des 60 plateformes jugées « superflues », de Viber à Skype en passant par Telegram, Signal, Google Hangouts, Snapchat, LinkedIn ou encore Instagram.
Pour bénéficier de ces services sur l’ensemble de l’année, les Ougandais devront payer 19 dollars américains, dans un pays ou des millions de citoyens vivent avec moins d’un dollar par jour.
Le gouvernement explique cette mesure par la nécessité de générer des revenus dans les maigres caisses de l’État. Néanmoins, l’organisation Oxfam a indiqué que le gouvernement ougandais peut générer beaucoup plus de revenus s’il mettait fin aux exemptions fiscales dont bénéficient les grosses entreprises et en renforçant la lutte contre la fraude fiscale.
Sans surprise, la loi a déclenché une violente polémique dans le pays où les utilisateurs des réseaux sociaux estiment que l’impôt viole leur liberté d’expression.
« Cette loi est un non-sens et un effort à peine voilé pour pénaliser les utilisateurs des réseaux sociaux », a affirmé Maria Burnett, directrice de l’ONG Human Rights Watch, citée par Bloomberg. « La taxe sur les réseaux sociaux fait partie d’une tentative plus globale de réduire la liberté d’expression », a dénoncé Rosebell Kagumire, responsable de l’ONG Kweta, citée par Aljazeera.
« La loi va réduire encore plus l’espace civique et les hommes et les femmes vulnérables ne pourront pas accéder à l’information », a dénoncé Sophie Kyagulanyi, responsable au sein d’Oxfam citée par Aljazeera. « Plus personne ne sera en mesure de remettre en cause le gouvernement ou d’apporter son opinion personnelle. La loi est destinée à nous bâillonner tous », dénonce-t-elle.
Le président ougandais Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 32 ans, avait déjà bénéficié d’une coupure générale d’Internet et des réseaux sociaux lors des dernières élections présidentielles de 2016 ayant permis son maintien. Les opposants ont affirmé que la coupure avait empêché la possibilité de signaler les fraudes et de s’assurer de la transparence du scrutin.
Les citoyens ougandais ont pour leur part d’ores et déjà commencé à s’adapter en ayant recours à l’utilisation des VPN, les réseaux privés virtuels permettant d’accéder par Internet à partir de serveurs situés dans un autre pays, rapporte la BBC. Une application VPN en particulier facile à utiliser, BestVPN, a noté une augmentation de son utilisation de 1600% en quelques jours depuis l’Ouganda.
L’activiste pour les droits de l’Homme ougandaise Juliet Nanfuka a quant à elle fait part de son inquiétude vis-à-vis du risque de voir la mesure copiée ailleurs. « Lorsqu’un pays fait quelque chose, les autres pays emboitent le pas », prévient-elle.