Sale temps pour l’homme du sale boulot. Ahmed Ouyahia qui rêvait de rencontrer un destin de président va rentrer dans l’histoire par un trou de souris, où il s’est faufilé pour répondre à une convocation des juges pour des faits de corruption. Celui qui a toujours laissé croire qu’il était le « premier de la classe » a enfin mérité. Il est le premier de la classe des Premiers ministres à être traîné devant les tribunaux.
Sa convocation a fait l’objet d’une publicité inédite depuis la levée de cette vague contre ceux qui se sont enrichis à l’ombre d’un président qui a fait de la corruption son principal mode de gestion – sur les réseaux sociaux, Bouteflika est désormais considéré comme le « fondateur de la République de la corruption.
C’est l’ENTV qui a été chargée, dans le très officiel JT de 20 heures, d’annoncer la nouvelle à un peuple qui n’aura sans doute pas une larme pour un dirigeant politique de morve gonflé. Celui qui trouve luxueux de le voir manger des yaourts alors qu’il n’avait pas hésité à le frapper à la poche quand il eut du mal à régler les salaires d’employés dont il avait conduit les entreprises à la faillite.
Celui qui était encore Premier ministre il y a deux mois est entendu dans le cadre d’enquête concernant des faits de « dilapidation de deniers publics et d’octroi d’avantages illégaux ». Pour l’instant, il n’y a pas de détails sur les affaires ayant soulevé ces soupçons mais le Premier ministre est doté de tels pouvoirs économiques, qui plus est en l’absence réelle du chef de l’Etat, qu’il peut s’autoriser tous les égarements.
Au premier chef, il est concerné par la décision de recourir au financement « non conventionnel » de l’économie, c’est-à-dire par la mise en branle de la planche à billets. La démarche suggérée par des experts chuchotant à l’oreille de M. Ouyahia n’avait pas obtenu l’assentiment de la Banque d’Algérie, a-t-elle précisé récemment. C’est ce qui explique peut-être et en partie la convocation du nouveau ministre des Finances et ex-gouverneur de l’institution qui aurait préféré des solutions alternatives.
Ouyahia a fait imprimer 6.500 milliards de dinars, soit plus de 55 milliards de dollars, nourrissant ainsi l’inflation avec des effets sur le pouvoir d’achat des citoyens appelés à se priver de yaourt. On le soupçonne d’avoir utilisé une partie des sommes pour régler les factures d’entreprises appartenant à de puissants hommes d’affaires alors que d’autres sommes ont servi à lancer des projets non prioritaires, toujours avec le même objectif : servir des hommes influents.
Autre fait visé : octroi d’avantages illégaux. On peut imaginer qu’il s’agit de faveurs accordées aux « amis » du FCE avec lesquels le Premier ministre ne cachait pas sa proximité alors que ses fonctions doivent l’inciter à se tenir à distance des intérêts privés et à préserver l’intérêt public. Mais par le biais de son fils et de son épouse, il est totalement immergé dans le monde de business.
Au fil de ces dernières années, la surfacturation des produits importés est apparue comme le principal vecteur de la fuite de devises. Quand on connait la gamme de produits concernés par les importations allant de simples produits alimentaires aux usines de montage, on imagine la facture. Le volume es tel qu’il est impossible pour les douanes de vérifier les montants réels, confie un responsable de cette institution.
Même quand la volonté existe, elle est tributaire de la coopération du pays d’origine à condition qu’il y ait des accords avec lui. Mais aucune autorité douanière ne souhaite coopérer s’il s’agit de nuire aux exportations de son pays. Ajoutons à cela que le phénomène de la surfacturation a aussi conduit de nombreux hommes d’affaires algériens à créer, grâce à l’argent transféré, leurs propres sociétés d’export à l’étranger. Ils sont donc leurs propres fournisseurs.
Devant le tribunal ce dimanche, des citoyens « armés » de pots de yaourt sont venus soutenir l’action engagée contre l’ex-Premier ministre qui fait face par ailleurs à une révolte a sein du parti menée par celui qui était son plus fidèle obligé, Seddik Chihab.
Comme devant le tribunal, le siège du RND a été « bombardé » de pots de yaourts destinés à la face d’Ahmed Ouyahia dont on ne se prive plus de dénoncer l’incompétence. Pourtant, il en a fait la démonstration à plusieurs reprises. Ce fut notamment le cas avec la gestion du dossier Djezzy qu’il s’est obstiné à nationaliser à l’encontre de tout bon sens. Finalement, l’Algérie a payé le prix fort pour ne prendre que la majorité du capital, en laissant la gestion au partenaire étranger. Aujourd’hui, au regard des résultats, il est presque impossible de rentabiliser l’investissement. Récemment, un avocat a appelé à rouvrir le dossier.
Il y a fort à dire aussi sur ce partage 51/49 qui s’est révélé un frein à l’investissement étranger mais qui a permis aux réseaux d’imposer leurs partenaires algériens dans les cas aboutis. C’est surtout le cas dans le domaine de l’industrie automobile ou même dans de petits projets.
Après vingt cinq ans de carrière politique au premier plan, Ouyahia s’abîme sans honneur et sans gloire.