Et ce qui devait arriver arriva. L’Algérie est au bord de la catastrophe sanitaire du fait d’une explosion exponentielle des contaminations au covid-19.
1350 cas ont été officiellement recensés en 24 heures, selon le bilan quotidien de ce vendredi 23 juillet.
Le chiffre est inquiétant pour au moins deux raisons. D’abord, parce qu’il ne reflète pas la réalité.
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Les spécialistes sont maintenant unanimes à trouver les bilans quotidiens du ministère de la Santé loin de traduire ce qui se passe sur le terrain, du fait que seule une partie des dépistages est prise en compte.
Une déduction largement confortée par la situation dans les hôpitaux du pays, pour la plupart submergés par le flux de malades et incapables parfois de sauver des vies, faute de moyens, comme l’oxygène dont la pénurie est en train de virer au drame.
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Dans certaines régions, on compte les morts par dizaines. C’est le cas notamment à Sétif où on parle d’une vingtaine de décès dans un seul hôpital et rien que pour la journée de ce vendredi 23 juillet.
Une rupture du stock d’oxygène serait derrière cette hécatombe, assurent de nombreuses sources médicales et médiatiques locales.
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Ce samedi, le directeur du CHU de Sétif a démenti sur Radio Sétif toute rupture dans l’approvisionnement de l’oxygène, tout en reconnaissant des perturbations. Pour les 19 morts annoncés par différentes sources, il n’a pas donné de chiffre.
Il s’est contenté de dire que le nombre de décès enregistré vendredi était supérieur à la normale. Mais la nuit a été longue pour les Algériens qui s’interrogeaient sur les réseaux sociaux sur ce qui se passait à Sétif, sans trouver de réponses claires.
Des situations tendues sont signalées ailleurs, y compris au CHU Mustapha-Bacha d’Alger. Le professeur Rachid Belhadj, responsable des activités médicales du plus grand hôpital civil du pays, a lancé un appel émouvant à la population au nom des personnels de santé, décrivant une situation à la limite du gérable.
Le niveau actuel de propagation de la pandémie inquiète aussi par le fait qu’il ne constitue peut-être que le début de quelque chose de plus dramatique. La tendance à la hausse se poursuit depuis plusieurs semaines et rien ne permet d’entrevoir une accalmie notable dans l’immédiat.
Le variant actuel, le Delta, est plus virulent et contagieux que le précédent et touche désormais la frange jeune de la population et non plus que les catégories vulnérables sur lesquelles étaient jusque-là concentrés les efforts de protection.
Plus inquiétant, les seules armes capables de freiner la propagation du virus ne sont pas suffisamment déployées. On pense aux mesures-barrières qui ne sont pas partout respectées, aux comportements irresponsables qui continuent à être observés, au peu d’empressement des autorités à décréter des mesures à la hauteur de la gravité de la situation et à la faible cadence de la vaccination.
Même si un certain engouement est constaté depuis quelques jours et la pénurie de vaccins n’est nulle part signalée, il reste qu’on ne connait rien du nombre de doses administrées ni des catégories qui ont été vaccinées. On ne comprend d’ailleurs pas pourquoi le gouvernement ne communique pas assez sur cet aspect.
Des mesures draconiennes s’imposent
Plusieurs facteurs se sont conjugués pour faire de la situation sanitaire en Algérie ce qu’elle est en ce mitan de l’été : relâchement, manque de fermeté et d’anticipation des autorités, faible cadence et retard dans la vaccination, virulence du variant Delta et précarité du système de santé.
Tout au long de ces derniers mois, des comportements irresponsables ont été dénoncés par les spécialistes comme annonciateurs d’une catastrophe sanitaire.
Plages, marchés et autres lieux publics bondés de monde, organisation de fêtes familiales, tenue de meetings électoraux, poursuite des marches, disparition presque totale du masque de protection de l’espace public…
Les autorités n’ont pas seulement failli en laissant faire, mais elles ont fait preuve d’un manque flagrant d’anticipation, comme le montre cette histoire du manque d’oxygène qui est en train de transformer les hôpitaux algériens en mouroirs.
Le problème, ainsi que tous les autres aspects liés à la gestion de la pandémie, ont été soulevés pendant les premiers mois de la crise sanitaire. Le gouvernement pouvait mettre à profit la longue période d’accalmie pour les prendre en charge mais, semble-t-il, il n’a pas agi en conséquence, du moins concernant la dotation des hôpitaux en matériel d’oxygénothérapie et de structures de stockage de ce produit vital.
Les officiels assurent que la production nationale est suffisante et que le problème se pose au niveau de la logistique et de l’organisation.
Des défaillances qui n’ont pas été levées dans le confort de l’accalmie, lorsque les hôpitaux étaient presque vides de malades covid, risquent de s’avérer difficiles à prendre en charge dans cette situation d’urgence et de débordement des structures hospitalières.
Les autorités sont appelées à décréter dès maintenant des mesures draconiennes. Une réunion du Conseil des ministres est prévue demain dimanche, avec au menu la lutte anti-covid. Le président Tebboune pourrait annoncer de nouvelles mesures pour faire face à l’avancée de la pandémie dans le pays.
Les autorités ne doivent pas perdre de vue que la situation risque d’engendrer un autre facteur qui la rendrait ingérable. Il s’agit de l’exténuation du personnel soignant, dont une partie a déjà été neutralisée par le virus. L’Algérie est plus que jamais au bord de la catastrophe.