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Panel de dialogue : petits acquis et gros boulets

Panel de dialogue : petits acquis et gros boulets

En deux semaines, Karim Younès et son panel de dialogue et de médiation ont rencontré du monde, mais essuyé beaucoup de refus aussi. Le dernier en date est celui signifié par l’infatigable Ali Yahia Abdenour qui a certes accepté de recevoir l’ancien président de l’APN, mais c’était pour lui indiquer, du haut de ses 98 ans et de sa longue expérience, qu’il n’avait pas arpenté, lui et le pouvoir, la bonne voie qui mène vers la fin de la crise.

Mis à part Ali Benflis qui s’est, dès le début, montré chaud au projet confié à un de ses anciens hommes de confiance, et Sofiane Djilali – qui a tenu à poser des conditions -, la quasi-totalité des poids lourds de l’opposition a dit non au dialogue tel qu’il est conçu par le pouvoir, dans sa forme, ses objectifs et les conditions dans lesquelles il est appelé à se tenir.

La classe politique diverge sur les priorités, avec une partie qui refuse même le principe d’une présidentielle sans période de transition et un bloc qui estime porteur de dangers un processus constituant dans les conditions actuelles, mais tout le monde est d’accord sur le fait que rien ne peut se faire dans un climat d’atteinte aux libertés et de fermeture des champ politique et médiatique.

Les fameux préalables posés par l’opposition et, à un moment donné, par le coordinateur du panel lui-même, semblent être le principal facteur de blocage qui empêche le dialogue d’avancer. Au lendemain même de l’installation de la commission, le 25 juillet, Karim Younès avait bruyamment menacé de jeter l’éponge si le pouvoir revient sur son engagement de décréter des mesures d’apaisement.

Benflis critiqué

Mais depuis, il semble s’être contenté des maigres acquis arrachés comme la libération d’un détenu du drapeau à Annaba, insistant seulement sur le départ du gouvernement actuel, même s’il ne désespère pas de voir tous les détenus d’opinion libérés et les médias publics ouverts aux avis opposés.

Benflis aussi a mis de côté les questions qui fâchent et compte depuis quelques semaines, au nom de l’intérêt national, parmi les défenseurs les plus déterminés de la présidentielle. Un positionnement qu’il risque de payer cher : hier, vendredi, son nom a été ajouté à la longue liste des personnalités contestées par le hirak.

C’est indéniable, le panel a convaincu certaines personnalités et organisations de poids de discuter, à l’image du colonel Youcef Khatib, de la wilaya IV historique, ainsi que le SG de la puissante organisation des moudjahidines. Sans dire à M. Younès qu’il n’était pas sur la bonne voie, les deux anciens lui ont néanmoins rappelé l’impératif d’apaiser la situation pour parler d’un processus politique sérieux.

Il ne pouvait en être autrement quand on sait que parmi le lot de détenus dont la rue réclame la libération, figure le commandant Lakhdar Bouregaâ qui a servi sous les ordres du même Youcef Khatib pendant la guerre de Libération. C’est d’ailleurs ce dernier qui a rétabli les choses à leur endroit lorsque, le jour de l’arrestation du moudjahid, l’ENTV et certaines chaînes privées avaient entrepris de porter atteinte à son passé.

En attendant le hirak…

C’est dire si la partie est loin d’être gagnée pour Karim Younès et son panel. Même ceux qui ne rejettent pas le dialogue ne sont pas disposés à y prendre part à n’importe quel prix. La commission peut toujours se targuer de n’avoir pas « chômé » depuis son installation, parvenant à rencontrer une kyrielle d’organisations et de personnalités et à renforcer sa composante en se dotant d’une commission de sages, mais le gros de ses soutiens est plus un boulet qu’un atout, en ce sens qu’ils sont presque tous connus pour être des partisans de l’ancien président, donc rejetés par la rue qu’on tente de convaincre de la nécessité d’aller aux urnes. Un boulet qui s’ajoute à la grande gêne induite par le désaveu que constitue le refus du pouvoir de lâcher un minimum de concessions.

L’irruption d’un groupe d’étudiants en pleine réunion du panel samedi dernier est venue rappeler à tout le monde qu’il y a un avant et un après 22 février et que, depuis cette date, il est difficile pour le pouvoir de recourir à l’illusion de la représentativité, quand bien même il a la mainmise sur les médias lourds publics et privés. Les étudiants, toujours eux, ont été nombreux à marcher ce mardi 20 août, laissant penser que le hirak est en train de retrouver sa vigueur après un été particulièrement chaud, en attendant de renouer peut-être avec les démonstrations de force dès la rentrée.

On n’en est pas encore là et nul ne peut prédire ce que seront les marches hebdomadaires en septembre, mais on sait au moins que c’est de la mobilisation ou de la désaffection des Algériens que dépendra le devenir même du panel et de tout le processus politique en cours. Car plus que sur l’action de Karim Younès et de ses compagnons, le pouvoir mise surtout sur l’affaiblissement puis la fin du hirak.

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