Ouvrier, aide-soignante, militante anticapitaliste, retraitée : vêtus de l’emblématique gilet jaune fluorescent, ils sont venus samedi clamer dans la rue leur colère. Les profils sont différents mais leurs revendications, centrées autour d’une plus grande justice sociale, se ressemblent.
Lydie Bailly, 48 ans, aide-soignante
Venue de Vierzon (centre) en voiture avec deux amis, Lydie Bailly se demande si elle peut laisser sans risque sa voiture dans une rue proche de la gare Saint-Lazare. Ces trois gilets jaunes souhaitent rejoindre les Champs-Elysées mais les policiers leur ont confisqué tout leur attirail de protection : « masques de papier, lunettes, ils nous ont tout pris. Ils nous ont dit que c’était pour distinguer les manifestants des casseurs », soupire Lydie.
« Samedi dernier, je ne pouvais pas être là, je bossais, mais je suis mobilisée depuis le début » du mouvement, depuis trois semaines, dit cette femme aux cheveux courts.
« Je suis aide-soignante en gériatrie depuis 15 ans. Quand on est absente on n’est pas remplacée. On n’a pas eu d’augmentation de salaire depuis dix ans, c’est juste révoltant ».
« On n’y arrive pas, ce n’est plus possible ».
Le problème « ce n’est pas particulièrement Macron », estime Lydie, « mais il envenime les choses ». « Il faut qu’il prenne la parole et qu’il mette des choses concrètes sur la table ».
« On ne demande pas à vivre richement, juste dignement ».
Alice T. 31 ans, militante anticapitaliste
« Paris suinte la misère… La mode est aux conseils de guerre », chante à plein poumons Alice T., accompagnée par les cuivres d’une Fanfare de « citoyens musiciens ». Devant, flotte le drapeau rouge et noir de l’anarcho-syndicalisme mêlé à une bannière jaune.
Cette militante anticapitaliste de 31 ans, venue de l’Aveyron (sud) pour participer avec son compagnon à une manifestation parisienne, connaît par coeur les paroles de « La semaine sanglante », chant révolutionnaire de la Commune de Paris (1871).
Anticapitalistes, syndicalistes du mouvement « Solidaires », antifascistes, communistes, ils défilent dans un quartier de l’Opéra aux boutiques barricadées et bouclé par les policiers, derrière une large banderole « Justice sociale ou guerre totale ».
« Ce n’est pas un problème de gouvernement, c’est un problème de logique politique, capitaliste et libérale », estime Alice, coordinatrice de colonies de vacances.
La diversité politique du mouvement, qui couvre tout l’échiquier politique de l’extrême gauche à l’extrême droite, ne lui pose pas de problème.
« On s’en fout qu’on soit de gauche ou de droite. D’abord, ils dégagent tous, après on verra », ajoute-t-elle. « La question c’est comment en faire un mouvement politique et citoyen pour tous (..) il faut que les syndicats appellent à la grève générale ».
Tony Vella, 32 ans, maçon
Ce maçon intérimaire qui vit à Poissy, en région parisienne, est arrivé dès 05H30 GMT à la gare Saint-Lazare dans l’espoir de rejoindre les manifestants sur les Champs-Elysées. Mais il s’est très vite heurté à l’un des points de contrôle policier mis en place dans tout le centre de la capitale.
« J’ai été interpellé place Saint Augustin, j’avais un masque à gaz et un joint. On nous a fait asseoir par terre sur le trottoir, on était six, dont une dame âgée. Ils m’ont attaché les poignets derrière le cou avec un serre flex. On est restés là de 7h à 9h30. Ils viennent de me laisser partir », affirme-t-il à l’AFP, en montrant la trace rouge des entraves encore visible sur ses poignets.
« J’ai deux enfants. Je me bats pour eux et juste vivre convenablement », explique ce jeune homme à la courte barbe brune.
« Macron, c’est un dictateur », lance-t-il avant d’égrener les revendications qui lui semblent les plus urgentes: « baisser les taxes, diminuer le nombre de députés et de sénateurs et faire des référendums pour qu’on ait notre mot à dire ».
« Ces gens là sont déconnectés », ajoute Tony, qui gagne 1.800 euros bruts par mois et n’a pas voté l’an dernier.
« Dites bien qu’on ne va pas lâcher l’affaire », lance-t-il avant de tenter de rejoindre d’autres manifestants.
Sylvia Paloma, 70 ans, retraitée:
A Marseille, grande ville du sud-est de la France, Sylvia a défilé dans le calme, aux côtés d’une dizaine d’ambulanciers qui ont rejoint le mouvement avec leurs véhicules, gyrophares allumés. Elle est venue défendre ses droits de retraitée, un gilet jaune siglé « Macron, démissionne, fais pas le con » sur le dos et un bonnet phrygien sur la tête.
Les retraités représentent une part non négligeable du mouvement des « gilets jaunes », excédés par la récente augmentation de leurs impôts.
« Arriver à notre âge et demander l’aumône c’est pas possible ! Il faut que Macron, au lieu de se cacher, parle ouvertement. Qu’il dise +je vous entends, je vous ai compris, d’abord la France les autres après! », lance-t-elle. « Je touche 1.248 euros de retraite et c’est mes quatre enfants qui doivent m’aider », explique cette ancienne fonctionnaire territoriale.