De nouveau, les partis de l’Alliance présidentielle se murent dans le silence, avec eux tout ce que le pouvoir compte comme organisations satellitaires.
Ils s’éclipsent au moment où ils devaient logiquement occuper le terrain car, ne l’oublions pas, Bouteflika est officiellement candidat à l’élection présidentielle depuis dimanche 3 mars. Ils lui avaient apporté leur caution tout aussi officiellement et l’avaient même présenté comme « leur » candidat lors d’une cérémonie pompeuse tenue le 2 février au siège du FLN.
Où sont Amar Ghoul, Mouad Bouchareb, Ahmed Ouyahia et Amara Benyounès maintenant que Bouteflika, contesté par la rue, a le plus besoin de leur soutien ?
Dire qu’ils ont complètement disparu n’est pas exact, puisque trois d’entre eux, le FLN, le RND et TAJ ont réagi à la lettre rendue publique par le président le jour du dépôt de son dossier de candidature. Mais sans plus.
Le MPA de Benyounes n’a même pas commenté la nouvelle feuille de route présidentielle, présentée pourtant comme porteuse d’une « révolution ». Amara Benyounes, en plus de diriger un parti membre de l’Alliance, est aussi Directeur de la communication du candidat Bouteflika.
Absence d’instruction ou cause indéfendable ? Il y a sans doute un peu des deux. Les quatre partis et une quinzaine d’autres formations politiques microscopiques n’ont jamais eu ces dernières années à débattre d’une position à prendre vis-à-vis d’une question cruciale. Leur rôle a été réduit à suivre à la lettre les instructions et à exécuter des décisions prises en « haut lieu ».
On a vu comment, dans les derniers mois de l’année 2018 lorsque la candidature de Bouteflika n’était pas encore actée, ils se taisaient d’un coup pour sortir du silence simultanément et développer des éléments de langage identiques et qui trahissaient une matrice commune. Cette nouvelle et curieuse manière de faire de la politique n’est pas sans conséquences sur les partis eux-mêmes. Accessoirement, on se chamaillait en interne pour des places de choix sur les listes de candidature pour les communales ou les législatives, mais pour le reste, l’essentiel, ces partis n’ont existé, pendant des années, que par et pour Bouteflika et son fameux « programme ».
Les ressorts qui font fonctionner un parti n’ont jamais été sollicités et semblent aujourd’hui rouillés. Plus clairement, leurs appareils n’ont pas appris à produire un discours politique, à trancher une position sur une question d’importance.
La révolte populaire arrive au plus mauvais moment pour eux. Ils n’ont rien vu venir et les « décideurs » non plus, semble-t-il. Depuis la grande démonstration de force de la population le 22 février, ils donnent l’impression de ne savoir quoi faire. Mouad Bouchareb s’en va provoquer les manifestants, Ghoul et Benyounes tentent d’amadouer la rue en louant le pacifisme des marches. Au lendemain du deuxième vendredi de colère, le 1er mars, tout ce monde s’est tu, si l’on excepte les réactions à la feuille de route du président.
Même sur les plateaux de télévision, ils sont invisibles, préférant déléguer des seconds couteaux développer un discours incohérent, à la limite ridicule. Hier sur Echorouk News, Hamraoui Habib Chawki, membre de la direction de campagne, a avoué soutenir le président Bouteflika par « fidélité, et non par conviction ». Sur les réseaux sociaux, cette déclaration a provoqué des commentaires moqueurs.
La cause de Bouteflika est certes devenue indéfendable au vu de l’ampleur de la défiance populaire, mais quand bien même elle le serait encore, le FLN, le RND, le MPA, TAJ, l’UGTA, l’UNPA, l’UNFA, l’ONM et les autres ne peuvent faire de bons avocats.
Les noms de leurs dirigeants figurent juste derrière celui de Bouteflika dans la liste des personnalités dont la rue exige le départ. La révolte populaire a mis au jour une amère vérité : les partis de l’Alliance ne sont d’aucune utilité pour Bouteflika.
Au contraire, ils constituent pour lui un boulet supplémentaire. C’est le pouvoir qui les a soutenus et non le contraire. Il leur a tout donné, à commencer par la majorité des sièges dans toutes les assemblées élues, mais ils n’ont rien à lui rendre en retour aujourd’hui.
L’illusion de la représentativité de ces partis et de ces organisations a volé en éclats et on se demande quel sera leur avenir même dans le cas où le système parviendrait par miracle à sauver sa tête. D’autant plus que, l’opportunisme aidant, les premières fissures commencent à lézarder les murs de leurs bâtisses.