La machine judiciaire semble décidée à n’épargner aucun des politiques connus pour leur proximité avec le pouvoir de Bouteflika ces dernières années. La défunte alliance présidentielle est tout simplement décimée.
Ahmed Ouyahia, secrétaire général du RND, est depuis mercredi placé en détention provisoire à la prison d’El Harrach. Amara Benyounès, président du MPA l’a été dans l’après-midi de ce jeudi et Amar Ghoul de TAJ pourrait connaître le même sort dans les jours à venir. Son dossier a été transféré à la Cour suprême dans le cadre des mêmes enquêtes et une demande de levée de son immunité parlementaire introduite auprès du Conseil de la nation où il est sénateur du tiers présidentiel.
Des quatre gros personnages qui avaient appelé le président Bouteflika à se représenter le 2 février dernier lors d’une cérémonie pompeuse au siège du FLN, seul Mouad Bouachreb, débarqué depuis de la direction du vieux parti mais toujours président de l’APN, échappe pour le moment aux poursuites judiciaires.
Abdelmalek Sellal, ex-directeur de campagne du candidat Bouteflika, tient compagnie depuis ce jeudi à la prison d’el Harrach à son prédécesseur et successeur au poste de Premier ministre. Djamel Ould Abbès, secrétaire général du même parti entre 2016 et 2018 et zélateur à l’excès du président Bouteflika, est lui aussi rattrapé par son passé. Il vient de renoncer à son immunité parlementaire pour se mettre à la disposition de la justice.
Alors que l’opération est loin de toucher à sa fin, une bonne partie du personnel politique clé qui a marqué la vie nationale ces dernières années peut déjà dire adieu à la politique. Toutes les personnes appréhendées ont certes la présomption d’innocence de leur côté jusqu’à leur procès, mais il est certain qu’un retour en politique semble désormais impossible pour eux.
L’effet des images qui tournent en boucle depuis mercredi sur les chaînes de télévision, montrant d’anciens dignitaires du régime transportés dans les paniers à salade de la police en direction de la prison d’El Harrach, est irréversible : la politique est bien finie pour Abdelmalek Sellal, Ahmed Ouyahia, Amara Benyounès et sans doute pour beaucoup d’autres.
Cela augure au moins d’une reconfiguration imminente de la carte politique nationale. Car leur partis aussi ne sont pas assurés d’un repositionnement comme si de rien n’était. Le FLN s’est choisi à la hâte un nouveau secrétaire général tout en essayant de tout mettre sur le dos d’une seule personne, Moad Bouchareb, pressé depuis de remettre aussi les clés de l’APN. Mais personne n’est dupe. Bouchareb n’a dirigé le parti qu’éphémèrement et celui qui l’a remplacé n’est pas moins coupable du moins en matière de zèle envers l’ancien président.
Au « FLN dégage » scandé par le peuple dans la rue chaque vendredi, vient s’ajouter une autre sommation du genre, émanant des vrais fondateurs du parti, les moudjahidine. L’ONM a en effet appelé mardi dernier à « rendre le FLN aux Algériens » et à le mettre « au musée ». Un tel sort pour le vieux parti n’est pas une vue de l’esprit, car on le voit mal rebondir et jouer les premiers rôles.
Le RND est quasiment dans la même situation. Ahmed Ouyahia ne s’est pas gêné pour lâcher le président Bouteflika alors que celui-ci n’était pas complètement tombé, mais c’était insuffisant pour espérer rebondir après des décennies de compromission. Son ex-bras droit, Seddik Chihab est en train de tenter le même exercice et on sait au moins qu’il lui sera difficile d’avoir plus de succès.
Pendant des années, en sa qualité de porte-parole du parti, il était plus présent qu’Ouyahia sur les médias pour encenser Bouteflika et ses choix, y compris le cinquième mandat qu’il a continué à défendre alors que le peuple était déjà dans la rue pour le rejeter. Quand bien même l’intention du pouvoir actuel serait de s’accrocher et de tenir encore, il est évident qu’il devra se chercher d’autres béquilles. Tout le monde a vu où le soutien du FLN, du RND, de TAJ et du MPA a mené Bouteflika, ses frères et tout son entourage.