TRIBUNE. La guerre étant la continuation de la politique par d’autres moyens, encore faut-il avoir les moyens de sa politique !
Les sanctions décidées par les Etats-Unis et l’Union européenne et quelques autres alliés à l’encontre de la Russie, portent sur tout et n’importe quoi sauf sur ce qui est essentiel pour eux, à savoir les matières premières, notamment le gaz et les céréales.
Comme quoi les grands principes affirmés avec grandiloquence ont des limites, celles des intérêts bien compris.
C’est la raison pour laquelle ces pays, surtout les européens, particulièrement touchés par les effets de cette guerre et des sanctions qu’ils ont eux-mêmes décidées, ont, dès le début du conflit, protesté contre l’arrêt des livraisons de gaz par la Russie et se sont employés, récemment, à débloquer les exportations de matières premières alimentaires de l’Ukraine et de Russie.
En réalité, ils savaient dès le départ qu’ils ne pourraient pas assumer les conséquences liées à leurs sanctions qui se traduisent, au mieux, par un renchérissement important du coût de ces matières premières essentielles, et au pire par leur indisponibilité sur le marché.
Il faut dire que la riposte occidentale était basée sur un faux calcul : le boycott généralisé, tant économique, financier, politique et même culturel et sportif, allait d’un coup entrainer l’effondrement du régime Poutine dans le sillage d’une dévaluation drastique du rouble, des pénuries et de la paralysie du pays.
Peine perdue ! La Russie a pu résister à cette attaque, en contournant d’abord les circuits financiers du swift désormais interdit pour ses transactions internationales et en vendant son pétrole sur les marchés asiatiques, chinois et indien.
La guerre elle-même puis les sanctions prises ont mécaniquement fait grimper les prix de ces matières essentielles, sources de revenus et d’influence en général pour tous les pays qui les détiennent et en particulier pour la Russie dont le territoire en regorge !
La guerre a un prix et les Européens qui soutiennent l’un des belligérants le payent amplement. Ils payent les matières premières au prix fort et se retrouvent à devoir supporter l’effort de guerre de l’Ukraine, et en quelque sorte à financer celui de la Russie qu’ils cherchaient pourtant à endiguer, à défaut de pouvoir la neutraliser.
Les Etats-Unis qui n’ont besoin ni du gaz russe ni des céréales ukrainiennes se sont préservés tout en profitant du conflit meurtrier pour vendre toutes sortes d’armes à l’Ukraine et incidemment aux pays européens qui se sentent désormais menacés par la Russie.
En parallèle, ils accentuent la pression sur les pays de l’UE pour qu’ils demeurent impliqués, d’une manière ou d’une autre, dans ce bras de fer qu’ils parrainent pour affaiblir leur ennemi de toujours, tout en se concentrant davantage sur la Chine.
L’accord signé le 22 juillet dernier entre les Russes et les Ukrainiens sous l’égide de l’ONU et de la Turquie (elle-même dépendante en matières premières énergétiques et alimentaires), lève officiellement les restrictions aux exportations de céréales des premiers en contrepartie du déblocage des exportations de blé des seconds.
Non seulement cet accord conforte le rôle de la Russie comme leader mondial en matière d’approvisionnement en céréales mais lui fournit également des ressources financières supplémentaires.
Drôle de guerre et drôles de sanctions !
Ceux qui ont mis en place ces sanctions contre la Russie souhaitaient en fait la poursuite des affaires tout en provoquant l’effondrement ce pays!
Cette contradiction met au final en péril toute l’architecture économique de l’Europe qui, pauvre en ressources naturelles et dépendante en énergie, vivait par la grâce des approvisionnements russes !
Le résultat aujourd’hui est que les Etats-Unis et les Européens encouragent la guerre par leurs aides (en partie à titre onéreux) en matériels militaires auprès de l’Ukraine, qui s’endette auprès d’eux (sans compter les aides de toutes sortes apportées aux populations civiles victimes du conflit), pendant que la Russie, et c’est de bonne guerre, fait payer au prix fort ses matières premières et en profite pour briser l’embargo sur les exportations de ses matières premières alimentaires dont tout le monde a besoin.
Dès lors, on peut légitimement s’interroger sur l’utilité et l’efficacité des sanctions que les Européens se sont précipités à prononcer contre la Russie sous la pression des Etats-Unis.
Des sanctions qui finalement pèsent bien plus sur les Européens eux-mêmes que sur ceux qui les poussent de loin à la rupture vis-à-vis de leur grand voisin de l’est, qui, à l’évidence, ne déménagera pas et qui a un rôle incontestable, et souhaitable, à jouer dans l’équilibre du monde avec les acteurs historiques et les puissances régionales émergeantes.
* Vice-président de Jil Jadid et président de Jil Jadid Monde
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