Les perturbations dans l’approvisionnement en médicaments des pharmacies d’officine et des établissements de santé se poursuivent et la liste des médicaments peu disponibles ou totalement absents dans les réseaux de distribution s’allonge un peu plus chaque semaine.
Plus de 240 médicaments devenus rares ou inexistants
A la mi-août, le Syndicat national des pharmaciens d’officine (Snapo) avait estimé à 150 le nombre de médicaments en rupture de stock et à la mi-septembre, Lotfi Benbahmed, président du Conseil national de l’ordre des pharmaciens avait avancé le chiffre de 240 médicaments.
« Beaucoup plus !» affirme un pharmacien à Alger-Centre. « Il y a les médicaments qui sont en rupture de stock, qu’on ne voit plus dans les listes des distributeurs et il y a d’autres qui sont livrés au compte-gouttes. Pour la Ventoline par exemple, on recevait dix boîtes une ou deux fois par mois à condition d’acheter chez le même distributeur une certaine quantité d’autres médicaments », explique-t-il.
Pénurie généralisée
Toutes les classes de médicaments sont touchées par la pénurie. Dans la liste, on retrouve des antibiotiques importants comme Amoxypen, Flagyl, Ospexin, ou la Gentamycine, des anti-inflammatoires largement prescrits comme le Clofenal ou le Fradene ou encore, des médicaments d’hématologie comme Lovenox et Riabal.
Parmi les médicaments rares ou introuvables, certains sont inscrits sur la liste des médicaments essentiels de l’OMS. Le Gardénal (Phénobarbital), un antiépileptique important dans le traitement des patients au long cours ou dans les cas d’urgences était sous tension depuis des mois, avant de disparaître des étals des pharmacie, selon des médecins et pharmaciens.
La Ventoline (Salbutamol en suspension pour inhalation) que les asthmatiques se procurent avec beaucoup de difficulté depuis la fin 2017 reste rare dans les officines et les malades n’ont souvent d’autre espoir de s’en procurer que de solliciter la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH) située à Oued Smar, à l’est d’Alger.
Patients et médecins dans l’embarras
Les médecins sont mis dans l’embarras par cette pénurie qui perdure depuis plus de dix mois et à cause de laquelle de nombreux cas qui se présentent aux urgences ne sont pas pris en charge, selon des médecins du secteur public.
« Lorsque le patient fait le tour des pharmacies avec son ordonnance et qu’il revient chez le médecin prescripteur en lui disant que 50% des produits ne sont pas disponibles, le praticien se retrouve obligé chercher des produits de substitution et s’éloigne alors des schémas thérapeutiques recommandés », explique le Dr Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP). « Cette solution n’est pas idéale mais les médecins n’ont pas le choix », ajoute-t-il.
Les pénuries ne concernent pas uniquement les médicaments. « On manque de spéculums pour examiner et de champs stériles pour les tables d’opération, ce qui dégrade les conditions d’hygiène », explique une gynécologue du secteur public à Tizi-Ouzou.
Les acteurs de la santé et du médicament se renvoient la balle
Pour le Dr Merabet, « il y a un dysfonctionnement dans le circuit de distribution des médicaments ». Un avis partagé par la plupart des acteurs de la santé et du médicament qui n’arrivent toutefois pas à se mettre d’accord sur l’élément de ce circuit où se situe exactement le problème.
Le 9 juillet dernier, le ministre de la Santé, Mokhtar Hasbellaoui, avait accusé les grossistes répartiteurs en produits pharmaceutiques de pratiquer la rétention de produits et la vente concomitante.
Le ministre avait instruit les Directeurs de la Santé et de la Population (DSP) des wilayas d’inspecter les grossistes et de retirer l’agrément à ceux qui s’avéraient coupables de ces pratiques illégales afin de « mettre fin à la tension que connaissent certains produits dans certaines wilayas du pays », pouvait-on lire dans le communiqué publié alors par son département.
Pour le ministre, le problème ne se situait pas au niveau de son département parce que, selon lui, « les quantités distribuées et celles encore en stock couvrent largement la demande ».
Le 18 juillet dernier, la Fédération algérienne du médicament (FAM) avait expliqué, que le déficit en médicaments était dû aux « restrictions appliquées en amont sur les autorisations d’importation des médicaments finis » et à « l’absence marquée de procédures claires, précises et cohérentes permettant d’administrer avec efficacité l’interdiction des importations de produits fabriqués localement ».
En clair, pour la FAM, les médicaments en rupture de stock ou devenus rares sont importés à des quantités insuffisantes à cause des quotas imposés par le ministère de la Santé mais aussi en raison de l’arrêt de l’importation de certains médicaments pour protéger les producteurs locaux alors que les volumes qu’ils produisent ne couvrent pas encore les besoins de l’Algérie.
Beaucoup des médicaments introuvables en officine et dans les hôpitaux sont en effet fabriqués en Algérie. Leur rareté est expliquée par des retards ou des limitations dans l’accord d’autorisations pour l’importation de matières premières, soumises à la même réglementation que les médicaments finis, selon une source proche du dossier.