La situation peut paraître paradoxale. Au moment où les Tunisiens, peuple et officiels, expriment leur gratitude à l’Algérie pour avoir évité l’asphyxie à leur pays en expédiant des caravanes de camions chargés d’oxygène, les hôpitaux du pays crient au manque de ce produit vital pour les malades du covid.
Depuis quelques jours, on parle de pénurie d’oxygène dans les établissements de santé algériens. Le Pr Salah Lellou de l’EHU d’Oran affirme que des malades sont morts, faute d’oxygène.
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Le problème est allé en s’aggravant parallèlement à la dégradation de la situation sanitaire due au covid-19.
Ces derniers jours, les échos qui parviennent des hôpitaux, via les médias et surtout les réseaux sociaux, laissent penser que la situation est grave. Certaines vidéos sont devenues virales, comme celle montrant une ambulance arrivant en catastrophe dans un hôpital, transportant les précieuses bouteilles qui vont sauver des vies.
La crise est telle qu’elle donne des idées à des opportunistes qui en ont fait un moyen de s’enrichir. Les bouteilles et les concentrateurs ont vu leur prix doubler en quelques jours.
« Ce qu’il se passe est une catastrophe », confirme le Dr Yousfi, de l’hôpital de Boufarik (Blida).
Suivant les chiffres communiqués déjà au début de la pandémie, l’oxygène ne devait en aucun cas manquer, l’Algérie disposant de plusieurs unités opérationnelles et produisant des quantités jugées suffisantes. Les chiffres liés à la production nationale viennent d’être réitérés par le ministre de la Production pharmaceutique, Lotfi Benbahmed.
430 000 litres d’oxygène liquide sont produites quotidiennement, soit l’équivalent de 400 millions de litres d’oxygène gazeux, de quoi prendre en charge des dizaines de milliers de malades.
Les quantités disponibles sont donc toujours suffisantes. Malgré la flambée du nombre de contaminations quotidiennes (plus de 1.200 cas par jour), l’Algérie ne compte pas des dizaines de milliers de malades nécessitant une assistance respiratoire. Le gouvernement n’a pas communiqué le chiffre des patients covid-19 hospitalisés et nécessitant un apport en oxygène.
Mais le problème a fini par se poser, et de façon très aiguë. « Il ne s’agit pas simplement de produire cet oxygène, mais aussi de le transporter, avec un pays continent, et de contenter tout le monde », explique le même ministre. Voilà donc où se situe l’insuffisance, dans les moyens d’acheminement du produit et la planification de la distribution.
Une situation qui ne peut s’accommoder des demi-mesures
« Le problème qu’on a, et pour lequel nous sommes tous mobilisés, c’est le problème de l’oxygène. Notre production était suffisante, mais ce n’est plus le cas. Avec la hausse surprise des contaminations, dans tous les pays, la production est devenue insuffisante », a indiqué hier mercredi pour sa part le ministre de la Santé, Abderrahmane Benbouzid.
« On savait très bien que l’épidémie n’était pas terminée, qu’il fallait revoir surtout le circuit d’approvisionnement et de distribution de l’oxygène. D’autant qu’en ce moment, tous les hôpitaux ont besoin en même temps de quantités importantes d’oxygène. De leur côté, les fournisseurs n’arrivent pas à suivre en matière de distribution », explique le même Dr Yousfi.
Commander c’est prévoir, dit-on. Ce qui était largement suffisant lorsque le pays connaissait l’une des situations les plus stables au monde ne peut l’être avec l’explosion exponentielle des contaminations.
Et encore, toujours de l’avis des spécialistes, les bilans annoncés par le ministère de la Santé ne reflètent pas la réalité, étant donné que seuls les cas dépistés par PCR dans les établissements de santé sont pris en compte.
Il faut dire que la vague actuelle n’a jamais été exclue par les spécialistes qui n’ont eu de cesse de mettre en garde contre le relâchement dans le respect des mesures-barrières.
Le gouvernement a décidé d’agir en catastrophe et une cellule a été installée au niveau du Premier ministère afin de coordonner les efforts de tous les départements et services concernés afin de mutualiser et réquisitionner les moyens de production et d’acheminement du produit vital.
Sur le terrain, la situation est alarmante. Les hôpitaux ne manquent pas seulement d’oxygène, mais aussi de lits pour recevoir tous les malades qui affluent.
De nombreux services sont exclusivement dédiés au traitement du covid, les personnels sont exténués, et si les contaminations ne baissent pas au plus vite, il faudra s’attendre à une situation plus compliquée, voire ingérable.
Cette pénurie d’oxygène et la saturation des hôpitaux doivent frapper les esprits et susciter une réaction à la mesure de la gravité de la situation, une réaction en tout cas plus ferme que les dernières demi-mesures annoncées par le gouvernement.
En dépit de la hausse des cas de contamination et de la saturation des hôpitaux, les Algériens continuent à aller à la plage, dans les cafés, les restaurants, à assister aux enterrements et aux mariages, sans aucun respect des mesures barrières.