Sur le fond, aucune formation politique ou animateur du mouvement populaire n’est foncièrement contre le règlement de la crise par la voie du dialogue. Mais il subsiste comme un gros problème de confiance chez une partie de ceux qui ont eu à s’exprimer sur la suggestion du chef d’état-major de l’ANP, faite lundi dernier à partir de Tamanrasset.
À défaut de permettre une décantation de la situation, l’appel, le deuxième du genre après celui du 30 avril, fait se dessiner avec plus ou moins de précision la carte de ce que sera le positionnement des uns et des autres lors de la période cruciale à venir.
Trois grosses tendances se dégagent : ceux qui applaudissent les yeux fermés, ceux qui refusent la feuille de route du pouvoir telle qu’ils ont pu la déduire à travers les déclarations de Gaïd Salah et enfin ceux qui se disent prêts à dialoguer mais qui conditionnent leur participation par des préalables.
C’est sans surprise qu’on retrouve dans la première catégorie ceux qui ont l’habitude de soutenir toute initiative pour peu qu’elle émane des tenants du pouvoir du moment. Le RND a exprimé son plein soutien à la proposition de dialogue, convaincu que “l’Algérie a besoin de préserver sa stabilité et son unité à travers la contribution de tous les nationalistes jaloux de leur patrie”.
Le MPA aussi affiche sa « pleine adhésion ». Le parti d’Amara Benyounès ne se gêne pas et paraphrase presque Gaïd Salah : « L’option du dialogue est la seule voie à même d’aboutir à des solutions consensuelles pour le règlement des problèmes nationaux par voie politique et pacifique ».
« Une opportunité précieuse et importante », juge pour sa part TAJ d’Amar Ghoul. Le FLN ne se contente pas d’applaudir, mais appelle les autres à le faire. « Nous appelons l’ensemble des forces vives du pays à prêter une oreille attentive à l’appel au dialogue lancé par l’état-major de l’ANP », a déclaré son secrétaire général Mohamed Djemiai.
Talai El Hourriet d’Ali Benflis a aussi favorablement accueilli le discours du chef d’état-major, estimant que « de par sa tonalité comme par son contenu », il « pose des jalons importants sur la voie de la recherche d’un règlement à la grave crise … ».
Dans la voie du milieu, certains partis islamistes, le MSP, le FJD pour ne citer que les formations de poids. Le parti d’Abderrzak Makri s’est dit prêt à participer au dialogue, mais pas avec les deux ‘B’ Bensalah et Bedoui aux commandes, tandis qu’Abdallah Djaballah a lui aussi posé sa petite condition, appelant l’armée à ” cautionner des personnes n’ayant pas fait partie du cercle de Bouteflika ou participé à sa gouvernance”.
Dans le camp des contres, au moins deux partis : le RCD et le FFS. Pour le premier cité, « l’entêtement du chef de l’état-major de l’armée à aller à une présidentielle sans passer par une période de transition constituante doit être dénoncé et stoppé », tandis que le second « rejette ce dialogue dans le fond comme dans la forme, car il ne vise qu’à pérenniser le système actuel ».
Du côté des personnalités non partisanes, l’ancien chef du gouvernement, Ahmed Benbitour, a estimé que « nous ne sommes plus dans l’étape du dialogue mais celle de la négociation pour le changement de tout le système ». « Oui pour le dialogue en tant que valeur civilisationnelle et un moyen pour régler les problèmes. Non aux élections du 4 juillet et non au dialogue avec les têtes du gang », a résumé pour sa part Me Mustapha Bouchachi.
En lançant son appel au dialogue, le chef d’état-major avait réitéré son refus de passer par une période de transition. Sur ce point, et mis à part les partis de l’ex-Alliance présidentielle, le reste de la classe politique est unanime à dire son désaccord.
Aller à l’élection sans une période de transition, c’est confier aux actuels responsables la charge de son organisation et de sa supervision. Le front du refus d’une telle option s’élargit pour atteindre certaines organisations sur lesquelles le pouvoir a toujours compté. Dimanche dernier, la puissante organisation des moudjahidines a appelé clairement à une période de transition « d’une durée maximale d’une année » et on ne sait toujours pas si le remplacement, annoncé le lendemain, de son secrétaire général a un lien ou pas avec cette bravade. En fin de semaine, c’est un groupe d’Oulémas, à leur tête Mohamed Tahar Ait Aldjat qui a surpris par son alignement sur la revendication de la rue et de l’opposition en appelant elle aussi à une période de transition.
Quant à l’avis qui compte le plus, on l’a entendu à l’occasion des marches du 15e vendredi. La rue a encore dit non au maintien au pouvoir des responsables actuels, dit oui au dialogue, mais pas avec les 2B (Bensalah et Bedoui) dont elle réclame le départ. Le pouvoir est plus que jamais acculé et le soutien des ex-partisans de Bouteflika ne risque pas de faire pencher la balance.