Après la tempête soulevée par le rapport de la Banque mondiale sur sa situation économique, voilà une évaluation qui devrait être plus favorablement accueillie par l’Algérie.
Elle est établie par le Fonds monétaire international (FMI) à l’issue de ses consultations avec les autorités algériennes au titre du chapitre IV de ses statuts, qui ont pris fin en novembre dernier.
Comme celui rendu public début décembre, le nouveau rapport du FMI fait une évaluation globalement positive de la situation économique et des actions gouvernementales engagées ou envisagées.
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Il juge néanmoins les perspectives à moyen terme « difficiles » à cause des impondérables liés aux prix des hydrocarbures sur les marchés internationaux. Le point de désaccord entre l’Algérie et le FMI se situe justement au niveau des perspectives.
Le FMI souligne que l’Algérie se remet de deux chocs qui l’ont frappée en 2020 : la pandémie de covid-19 et la forte baisse des prix du pétrole qui ont fait chuter lourdement ses exportations d’hydrocarbures de 40 % à 20 milliards de dollars.
Le rapport note que la pandémie a « exacerbé les facteurs de vulnérabilité économique préexistants en Algérie, qui résultent d’une succession de chocs survenus depuis 2014 », rappelant que le budget et la balance extérieure accusent d’importants déficits depuis plusieurs années, augmentant la dette publique, diminuant les réserves de change et réduisant la marge de manœuvre de l’action publique.
En outre, l’augmentation des prix internationaux des denrées alimentaires et une période de sécheresse en Algérie ont induit la hausse de l’inflation qui érode le pouvoir d’achat des ménages.
Néanmoins, « la riposte rapide des autorités a permis d’atténuer les répercussions sanitaires et sociales de la crise ». Ce n’est pas là l’unique bon point que le conseil d’administration du Fonds attribue aux autorités algériennes.
Le FMI salue également « les réformes prévues pour renforcer l’indépendance de la banque centrale », « la stratégie des autorités pour relancer la croissance et réduire la dépendance de l’économie aux hydrocarbures », « l’orientation du nouveau Plan d’action du gouvernement » et « appuie les réformes prioritaires identifiées par le Plan pour faciliter la transition du pays vers un modèle de croissance plus inclusif et plus durable ».
L’économie algérienne commence à se rétablir après le double choc de 2020, constate le FMI. Après une contraction de 4,9 % en 2020, le PIB réel a enregistré une croissance de 2,3 % en glissement annuel au premier trimestre 2021, sous l’effet du redressement des cours, de la production d’hydrocarbures et de l’assouplissement des mesures de confinement.
Autre amélioration notable au premier semestre 2021, « après une détérioration significative en 2020 », celle du solde des transactions courantes de la balance des paiements.
Le financement par la banque centrale déconseillé
Côté perspectives, le FMI prévoit une reprise modérée en 2021 (le rapport a été rédigé en novembre) avec une croissance réelle de 3,2, tirée par un rebond de la production et des prix des hydrocarbures ainsi que par la poursuite de la campagne de vaccination.
La position extérieure devrait aussi s’améliorer nettement et le déficit du compte des transactions courantes devrait être ramené à 4,9 % du PIB, sous l’effet d’une reprise des exportations d’hydrocarbures et hors hydrocarbures, ainsi qu’une hausse « modérée » des importations.
C’est sur le moyen terme en revanche que les perspectives se présentent moins bonnes, selon le rapport. « Les services du FMI prévoient que la croissance devrait se tasser et la production stagner à moyen terme, sous l’effet à la fois d’une baisse de la production d’hydrocarbures à cause de contraintes de capacités et de la transition mondiale vers les énergies vertes », lit-on dans le rapport.
Le FMI note le recul du solde des transactions courantes (-8,2 milliards de dollars en 2021 contre -18,7 en 2020). La tendance devrait se poursuivre en 2022, pour se creuser de nouveau à partir de 2024.
Les exportations ont atteint en 2021 les 37,1 milliards (32,6 pour les hydrocarbures et 4,5 milliards hors hydrocarbures). Les exportations d’hydrocarbures commenceront à baisser à partir de 2023 pour atteindre 28,9 milliards en 2026.
Les perspectives pour le prix du pétrole algérien ne sont pas très optimistes. Vendu en moyenne à 66,6 dollars le baril en 2021, le brut algérien descendra légèrement dans les années à venir pour se situer en 2026 à 58 dollars.
Les exportations hors hydrocarbures poursuivront leur dynamique actuelle pour atteindre 5,4 milliards la même année.
Au total, les importations ont atteint 46,3 milliards de dollars (38,2 milliards de biens et 8,1 milliards de services). Pour les deux segments, les mêmes niveaux devraient se maintenir pendant les prochaines années, avec de légères variations.
Quant aux réserves de change, elles se sont situées à 43,6 milliards de dollars en 2021 (11 mois d’importations), contre 48,2 milliards en 2020. Elles étaient de 114 milliards de dollars en 2016. Elles devraient continuer à chuter jusqu’à atteindre 12,3 milliards de dollars en 2026, soit seulement 3 mois d’importations, selon les prévisions du FMI.
Aussi, « avec le dosage actuel de politiques macroéconomiques », l’inflation (prévision de 6,5 % pour 2021, 9,2 % en octobre selon la Banque d’Algérie) « devrait continuer de progresser et les réserves internationales chuter à moyen terme, l’espace budgétaire se réduirait encore et la dette publique augmenterait, ce qui poserait un risque pour sa viabilité ».
Bien que le FMI ne prédit à aucun moment de « séisme économique » comme l’a fait récemment la Banque mondiale, les autorités algériennes « ont jugé pessimistes les projections de référence des services du FMI », note ce dernier dans son rapport.
Le point de vue des autorités
« Les perspectives de reprise dépendent de l’évolution des cours du pétrole, de la pandémie et de la situation sociale et géopolitique », résume en outre le Fonds.
Concernant les recommandations, le FMI préconise de « recalibrer le dosage de politiques afin de renforcer la reprise post-covid en corrigeant les déséquilibres macroéconomiques tels que les déficits budgétaires élevés », et de diversifier l’économie « de façon à réduire sa dépendance aux hydrocarbures ».
Il faudra pour cela assainir progressivement les finances publiques et mettre en place une plus grande flexibilité du taux de change et un resserrement de la politique monétaire, tout en prévoyant des mesures pour atténuer les conséquences de l’ajustement budgétaire sur les groupes vulnérables.
Le FMI préconise aussi des réformes structurelles pour faciliter la transition vers un nouveau modèle de croissance et une plus grande flexibilité du taux de change et appelle à éviter le financement de l’État par la banque centrale afin de préserver la stabilité macroéconomique.
Selon le rapport, les autorités algériennes ont « jugé pessimistes les projections de référence des services du FMI. Elles ont considéré que la reprise de la croissance et les économies réalisées grâce aux réformes budgétaires réduiront considérablement les besoins de financement du budget à moyen terme ».
Toujours selon le rapport, les autorités ont « en outre estimé que l’évaluation par les services du FMI des risques que présente le plan spécial de refinancement est exagérée compte tenu de la taille limitée du PSR. Elles ne prévoient aucune nécessité de renouveler ce plan. Elles ont indiqué que les mesures de régulation ont contribué à réduire sensiblement la facture des importations, notamment en prévenant la surfacturation et la fraude, sans avoir d’effets négatifs sur l’offre et les prix ».
Sur le taux de change, les autorités algériennes ont “mis l’accent sur la dépréciation considérable du dinar depuis 2013. Celui-ci a reculé de 45 % par rapport au dollar tandis que le taux de change effectif réel s’est déprécié de 15 %“, selon le rapport.
Les autorités algériennes ont “considéré que le taux sur le marché parallèle ne constitue pas un point de référence approprié compte tenu du volume et du type de transactions sur ce marché“, ajoute le FMI.