Confrontée à des difficultés économiques en raison de la baisse des cours du brut, l’Arabie saoudite se prépare à de nouvelles réductions de sa production avant la vente de parts du géant pétrolier Aramco, selon des analystes.
Ces réductions visent, selon des analystes, à rééquilibrer le marché après la perte de centaines de milliards de dollars de revenus par ce poids lourd de l’Opep, qui affiche d’énormes déficits budgétaires depuis l’effondrement des cours du pétrole en 2014.
L’un des facteurs qui influencent la nouvelle politique du royaume saoudien, premier exportateur mondial de brut, est la vente prévue de 5% des parts d’Aramco via une introduction en Bourse en 2018.
Cette introduction, présentée comme la plus importante de l’histoire, fait partie d’un vaste programme de réformes visant à réduire la dépendance du royaume à l’égard du pétrole.
Une hausse potentielle des prix du pétrole d’ici là devrait valoriser les actions d’Aramco, même si le niveau de cette valorisation divise les analystes.
Pour Jean-François Seznec, expert associé à l’Atlantic Council’s Global Energy Center, la hausse des prix sera probablement marginale mais pourrait faire grimper la valeur d’Aramco.
« Le marché ne fixera pas le prix des actions sur la base de fluctuations à court terme, mais plutôt sur la base d’anticipations à long terme », souligne-t-il.
La semaine dernière, l’Arabie saoudite a annoncé qu’elle réduirait sa production de 560.000 barils par jour à partir de novembre, la plus forte baisse depuis l’accord historique entre pays membres et non-membres de l’Opep pour réduire la production de 1,8 million de barils par jour.
L’accord, conclu en novembre 2016, est intervenu deux ans après que l’Arabie saoudite a défendu sa stratégie initiale de conserver ses parts de marché coûte que coûte.
« Sans cette réduction (décidée en 2016), les prix auraient pu être aujourd’hui inférieurs à 30 dollars par baril », a affirmé Ibrahim Muhanna, conseiller de l’ex-ministre saoudien du Pétrole Ali al-Naïmi.
« L’Opep, grâce à son alliance avec des producteurs clés non-membres de l’Opep, a récemment créé un nouveau paradigme pour la gestion des marchés », a-t-il déclaré lors d’une conférence de l’Arab Gulf States Institute à Washington le mois dernier.
L’Arabie saoudite, membre du G20, est la première économie du monde arabe. Elle est soumise à une pression budgétaire extrême depuis l’effondrement du marché pétrolier, avec des déficits de 200 milliards de dollars ces trois dernières années, des prélèvements de 245 milliards de dollars dans ses réserves et un recours à des emprunts internationaux.
Le royaume a également annoncé des hausses de prix, imposé des taxes aux expatriés et il se prépare à introduire la TVA en 2018.
– « morte et enterrée » –
Les prix du pétrole, et par ricochet les revenus, ont augmenté après l’accord Opep/non-Opep qui a duré six mois et a été prolongé de neuf mois jusqu’en mars.
L’Arabie et ses partenaires espèrent maintenant le prolonger encore et sont prêts à des réductions encore plus importantes, oubliant la politique de défense des parts de marché.
« La protection des parts de marché ne fonctionne pas vraiment », estime M. Seznec. « Les Saoudiens cherchent maintenant (…) un arrangement avec la Russie pour avoir un certain contrôle sur les prix », dit-il à l’AFP.
Les exportations saoudiennes envisagées de 7,2 millions de barils par jour en novembre seraient les plus basses en cinq ans et la preuve d’une renonciation à la politique des parts de marché.
« Cette politique est morte et enterrée », affirme à l’AFP Kamel al-Harami, spécialiste koweïtien du pétrole. « Nous assistons aujourd’hui à une nouvelle ère basée sur une nouvelle relation entre l’Opep et les non-membres de l’Opep articulée autour d’une entente saoudo-russe ».
Selon des analystes, Ryad table sur un prix d’environ 60 dollars le baril. « Nous pourrions atteindre 60 dollars le baril avant la fin de cette année ou le début de l’année prochaine », a déclaré M. Muhanna.
Les prix ont enregistré des gains ces dernières semaines, dépassant les 56 dollars le baril, largement au-dessus du niveau de début 2017.
Des analystes affirment que les réductions ont réussi à rééquilibrer le marché et M. Harami prédit une pénurie d’ici fin 2018 ou début 2019.
Elle serait causée en partie par la baisse des investissements pour développer la production. Selon cet analyste, quelque 1.000 milliards de dollars n’ont pas été injectés ces trois dernières années dans ce secteur.