Les présidentielles sont-elles possibles avant la fin de l’année, politiquement et techniquement ?
Mokhtar Saïd Mediouni, ancien officier supérieur à la retraite. Depuis le début, on a tablé sur des élections présidentielles avant la fin de l’année. Peut-on laisser encore l’État algérien en difficulté sur les plans économique, politique et sécuritaire, et la nation en péril ?
Dès le départ, il a été dit qu’on allait prendre le temps de discuter mais qu’on devait arriver avant la fin de l’année à dégager une date pour les présidentielles. Je pense que les délais sont raisonnables. Le dialogue a été amorcé, il y a des personnes qui se sont jointes et il y a toujours les mêmes personnes qui rejettent les propositions quelles qu’elles soient, sans même discuter. Pensez-vous qu’on doit rester éternellement dans cette crise politique pour attendre que ces gens-là se décident ? Je crois qu’il faudrait faire passer l’intérêt de l’Algérie au-dessus de tout le monde. Actuellement, les pères et les mères de familles ont en marre de cette situation et voudraient aller vers les élections.
Quelle sera la prochaine démarche ?
Je pense que prochainement, on devrait aller vers la finalisation de la composante de la commission indépendante pour les élections. Je pense que cette commission reste la pierre angulaire de tout ce processus. Comme l’a souligné le chef d’État, Abdelkader Bensalah, dans l’un de ses discours, les membres de cette instance ne seront pas des personnes qui ont appartenu à l’ancien système ou qui auraient eu des responsabilités dans les anciens gouvernements depuis 1962. Et enfin qui n’auraient pas de liens partisans, ce qui pourrait fausser la transparence des élections.
Il faudra peut-être, comme cela a été suggéré par le chef d’état-major de l’ANP, procéder à de petits rectificatifs à apporter à la loi électorale pour donner plus de crédibilité et de transparence, ainsi qu’à la révision des listes électorales. Je pense que si le corps électoral est convoqué le 15 septembre, nous serons dans les délais.
Pourquoi c’est le chef d’état-major qui propose la date de la convocation du corps électoral et non pas le chef de l’État ?
Le chef d’état-major de l’ANP est en charge, dans ce pays, conformément à la Constitution, de la sécurité de la nation et du territoire national. Pensez-vous que le chef d’état-major est venu comme ça dire « tenez, vous faites élections, commencez à vous préparer » ? Il y a une situation sécuritaire et des bilans journaliers sur la situation en Algérie sur tous les plans qui sont sur le bureau du chef d’état-major. Depuis les cinq derniers Hiraks les choses ont commencé à déraper. Quand vous entendez M. Karim Younès déclarer que certains membres du Panel reçoivent des menaces de mort, je crois qu’il y a un grave dérapage. Où allons-nous mener l’Algérie de cette façon ? Je crois que la suggestion d’aller vers des élections le plus tôt possible est une question de sécurité nationale. Il n’y a plus moyen de tergiverser sinon on va mettre en péril l’existence même de la nation algérienne.
Les Algériens qui manifestent chaque vendredi sont-ils prêts à aller voter en l’absence des mesures d’apaisement dont le départ du gouvernement Bedoui ?
Je suis très optimiste. Aujourd’hui la vérité est tout autre : on a demandé que l’ex-président ne fasse plus partie de la vie des Algériens, ça a été obtenu. On a demandé des garanties avant d’aller vers des élections et on les a obtenues. Il faut savoir que la garantie c’est le peuple. C’est la mobilisation du Hirak qui va surveiller chaque geste de chaque élément devant les urnes. C’est cela la garantie la plus importante. Et ce sera la Commission indépendante qui annoncera les résultats. Je pense que les garanties sont là.
Mais peut-on réellement parler de garanties au moment où les médias – dont TSA – sont censurés ?
Un média doit être une tribune où tout le monde peut s’exprimer de façon tout à fait libre. Pour moi, la liberté d’expression doit être consacrée. Hier, le chef d’état-major a dit que l’armée n’était pas contre la liberté d’expression. Mais certains médias n’ont pas cessé de déverser leur venin contre l’institution militaire et l’état-major.
Force est de dire par ailleurs que c’est le Hirak qui est devenu le dictateur aujourd’hui puisqu’il interdit à des médias algériens, publics ou privés, de faire leur travail tandis qu’il laisse une chaîne étrangère comme Al Magharibia faire même des reportages lors des manifestations du Hirak. Celui-ci a-t-il le droit de pourchasser des journalistes ? On a même vu des journalistes se faire agresser !
Maintenant, s’il y a des difficultés que vivent certains médias, je pense que d’ici le début de la campagne électorale les restrictions vont être levées, car chaque candidat a le droit de s’exprimer pour mener sa campagne.