La pièce de rechange automobile devient rare et excessivement chère en Algérie. En cause, les restrictions sur les importations et la fermeture des services après-vente des anciens concessionnaires et représentants des constructeurs étrangers qui, pendant les deux dernières décennies, avaient écoulé des centaines de milliers de véhicules sur le marché algérien.
Particuliers et entreprises sont touchés de plein fouet par la pénurie. Car même quand on a la chance de trouver la pièce recherchée, il faut débourser une grosse somme pour l’acquérir.
L’arrêt des importations de véhicules neufs en 2017 et la fermeture des usines d’assemblage en 2019 et 2020 ont fait que le parc automobile algérien ne se soit pas renouvelé pendant au moins trois ou quatre ans.
En 2021, l’Algérie accusait un manque de 1,2 million de véhicules neufs, selon le PDG d’Alliance Assurances, Hassen Khelifati. Or, un parc plus vieux signifie des pannes plus récurrentes et plus lourdes. C’est pourquoi il fallait peut-être mettre de la souplesse dans la restriction des importations de pièces de rechange. La facture s’est élevée en 2021 à 1,2 milliard de dollars.
Le gérant d’une petite entreprise privée nous a fait part du casse-tête chinois auquel il fait face. Pour les besoins de l’activité de sa société, il a acquis en 2016 des véhicules de la marque allemande Volkswagen, à l’époque représentée en Algérie par le concessionnaire Sovac.
Très sollicité, l’un de ces véhicules, une Polo, est tombé en panne il y a quelques mois. Il lui faut une boîte de vitesses automatique et il n’y a aucun moyen de l’acquérir sur le marché algérien. Sovac a fermé en 2020 et Volkswagen n’a plus de représentant en Algérie.
Faute de trouver la pièce en question, la voiture est immobilisée et le chauffeur risque son emploi.
Pièce de rechange en Algérie : pénurie, informel et système D
Sur le marché local, le neuf est introuvable, mais il y a l’occasion. À la casse, une boîte de vitesses qui a roulé plus de 200 000 kilomètres coûte entre 350 000 et 400 000 dinars, voire jusqu’à 500 000 dinars pour celles qui n’ont pas un kilométrage très élevé. En plus, ce genre de pièces est introuvable.
Et quand elle est disponible, la vente se fait sans facture, avec donc aucune possibilité de justifier la dépense dans le bilan comptable, mais aussi les revendeurs n’offrent aucune garantie quant à l’état réel de la pièce et sa qualité.
Devant l’absence de concessionnaires et d’importation légale, c’est l’informel et le système D qui ont pris le relais. Le chef d’entreprise s’est vu proposer de prendre son véhicule en Tunisie où il pourra payer moins cher la réparation, mais la voiture n’est pas en état de marche pour rouler jusqu’au pays voisin.
Il reste une idée qui lui a été suggérée, mais il hésite en l’absence de garantie : reconvertir carrément le système de transmission en remplaçant la boîte de vitesses automatique par une boîte manuelle. On lui a indiqué qu’il y a un mécanicien qui le fait à l’est du pays.
Avant cette grosse panne, c’est l’entretien qui posait problème avec la pénurie et la cherté des huiles et des filtres adaptés.
Combien sont-ils à se retrouver dans cette situation, quand on sait que des centaines de milliers de véhicules ont été commercialisés en Algérie par des marques qui n’y sont plus représentées ?
Sovac, par exemple, écoulait chaque année jusqu’à 65 000 véhicules des marques Volkswagen, Seat et Skoda. Beaucoup d’autres marques ne sont plus représentées en Algérie et beaucoup de ceux qui ont acquis leurs véhicules sont sans doute contraints aujourd’hui de recourir à l’informel pour les entretenir ou les réparer, avec le risque de tomber sur des pièces contrefaites, donc dangereuses.
Cette situation ne fait pas que pénaliser le citoyen et l’entreprise, mais elle participe à compliquer le climat des affaires en Algérie.
“Au lieu de m’occuper du développement de mon entreprise, je me retrouve à courir dans tous les sens pour faire rouler une voiture”, résume le même chef d’entreprise, estimant que le climat des affaires, ce n’est pas qu’une question de législation, mais c’est aussi ce genre de détails.
Cette pénurie de pièces de rechange a aussi des conséquences sur la sécurité routière. Un véhicule qui roule avec des pièces de rechange qui doivent être remplacées ou avec des pièces provenant de la contrebande constitue un danger sur les routes.
Les véhicules du groupe Volkswagen ne sont pas les seuls touchés par cette pénurie. Les voitures des marques dont les concessionnaires ont fermé comme Mercedes, Kia, Hyundai, Mazda, et autres souffrent et aucune solution ne pointe à l’horizon.
Se pose alors la question d’une partie du parc automobile algérien composé des véhicules dont les marques ne disposent pas de concessionnaires agréés en Algérie.