En Algérie, l’été est synonyme de vacances, plage, piscine, farniente et villégiature, mais au moins trois comportements exaspèrent les estivants.
Pour de nombreuses familles algériennes, une sortie à la plage reste l’unique possibilité pour décompresser et rompre avec la routine quotidienne.
Mais, encore faut-il avoir un portefeuille bien garni, une santé de fer et un moral d’acier.
Certaines plages algériennes sont transformées en dépotoirs. Eaux polluées, racket des gardiens de parking autoproclamés, parasols et chaises imposés à des prix exorbitants, musique poussée à fond… Profiter de quelques heures de détente à la plage est devenu une gageure.
1-Cuisiner sur le sable
« Je suis parti dimanche dernier à la plage de Zéralda. La mer était un peu agitée. Il y a des enfants qui nageaient au bord de la plage. L’eau était très sale. Il y avait des bouteilles en plastique, des sachets en plastique, de la paille, des algues. Sur le sable, le spectacle donnait de la nausée, avec des détritus un peu partout, des gens qui préparaient du thé, etc », raconte un citoyen.
La clochardisation de plages algériennes s’aggrave d’année en année. Le maillot de bain a été rangé au placard et les ‘baigneurs’ barbotent dans leur tenue de ville.
Sur les plages, il n’est pas rare de voir des mères de familles s’affairer derrière leur ‘tabouna’ (réchaud à gaz) pour préparer des plats en sauce puis faire la vaisselle, en plongeant carrément marmites et assiettes dans l’eau de mer. À la fin de la journée, épluchures de pastèque, canettes, sachets en plastique et autres déchets sont abandonnés sur place.
Contacté par TSA, Hadj Bekkouche Habib Merouane, chargé des relations publiques de l’Organisation algérienne de la protection du consommateur (Apoce) reconnaît que la clochardisation des plages et la pollution qui en découle sont des problèmes majeures qui affectent non seulement les estivants mais également l’environnement et la santé publique.
« Nous partageons les préoccupations des vacanciers concernant l’utilisation d’ustensiles dangereux, tels que des barbecues et des réchauds à gaz sur les plages. Ces pratiques, en plus de présenter des risques de sécurité contribuent également à la dégradation de nos plages par le biais de déchets et de résidus de cuisson », s’inquiète-t-il.
Depuis quelques jours, des rumeurs insistantes sur des cas de gastro-entérites et autres maladies, notamment chez l’enfant, inquiètent les estivants. Certains ont renoncé à fréquenter ces lieux de plaisance pour se prémunir d’éventuelles contaminations dues aux eaux polluées.
Selon notre interlocuteur, avocat de son état, consultant et formateur en management, « nous ne pouvons pas nous prononcer actuellement sur la cause exacte des épidémies signalées, tant qu’il n’y a pas de communication officielle sur ce sujet. Il est important d’attendre que les autorités compétentes mènent leurs enquêtes pour déterminer la source exacte de ces problèmes de santé ».
Et de souligner : « Nous faisons face depuis des années à de nombreuses maladies, telles que les gastro-entérites, qui sont souvent due au manque d’hygiène. L’exposition d’aliments en plein soleil ainsi que les préparations culinaires dont la provenance est inconnue sont des facteurs de risque majeurs ».
2-Le diktat des gardiens de parkings et des loueurs de parasols
Avant d’étendre sa serviette sur la plage, il faut d’abord mettre la main à la poche. De nos jours, se payer une journée de plage est devenu un petit luxe pour le citoyen lambda.
Les gardiens de parking vous assaillent. Puis, c’est autour des ‘concessionnaires’ autoproclamés qui vous imposent parasols, chaises et tables à des prix frisant l’indécence.
Pourtant, l’accès à la plage est supposé être gratuit comme le stipule la loi. Le représentant de l’Apoce reconnaît : « Ce fléau est malheureusement répandu sur tout le territoire national. Nous constatons la présence active de la gendarmerie sur les plages pour stopper ces abus, mais il est également de notre devoir en tant que citoyen, d’alerter les autorités lorsque nous observons des dérapages. Il est crucial que nous comprenions que les plages soient des espaces publics et que personne ne peut se les approprier. La loi stipule clairement que les plages doivent être gratuites et accessibles à tous ».
Imposer un droit de stationnement aux estivants ne cessent d’être dénoncés et pourtant des énergumènes, souvent armés de gourdins, imposent leur loi et leur tarif sur certaines plages.
« Il serait pertinent de trouver des solutions pour assainir et organiser ces parkings. L’instauration de système de péage pourrait mettre fin à ces pratiques abusives et assurer un service sécurisé pour les visiteurs », propose-t-il.
3- Des jet-skis au milieu des baigneurs
Autre élément nuisible et risqué qui perturbe la sécurité des baigneurs : la présence de jet-skis se rapprochant dangereusement des rivages.
« Cette situation pose un risque significatif non seulement pour les nageurs, mais aussi pour les conducteurs de jets-skis eux-mêmes à proximité des zones de baignade. Des zones spécifiques devraient être désignées loin des espaces réservés aux nageurs. De plus, des panneaux de signalisation clairs et des bouées de délimitation doivent être installés pour marquer ces zones. Nous appelons également les autorités compétentes à renforcer la surveillance et à appliquer des sanctions en cas de non-respect des règles », poursuit le représentant de l’Apoce.
Les prix exorbitants affichés par les hôtels découragent les vacanciers. Un budget astronomique est nécessaire pour passer quelques jours de vacances en Algérie.
« Nous appelons les opérateurs économiques à diversifier leurs offres en proposant des services adaptés à tous les budgets. En offrant une gamme de prix plus large, il serait possible de rendre l’hébergement accessible à un plus grand nombre de clients », suggère Hadj Bekkouche.
Finalement, à quoi les estivants doivent-ils s’attendre cet été sur les plages algériennes ? La situation a-t-elle des chances de connaître une amélioration ? Hadj Bekkouche se montre plutôt sceptique : « Il est peu probable qu’il y ait des changements significatifs en termes de gestion de la pollution et des comportements inappropriés. Les mesures ne peuvent pas être prises à chaud. Il est important de comprendre que des solutions durables nécessitent du temps et une planification minutieuse ».
Selon notre interlocuteur, « il est essentiel de sensibiliser les estivants à l’importance de préserver l’environnement et de respecter les lieux publics sans les détériorer ».
Le mal doit être attaqué à la racine, et cela passe par la sensibilisation dès l’école. « L’Algérie, qui souhaite développer son secteur touristique, doit prendre en compte tous ces défis non pas comme une fatalité, mais comme des signaux d’alerte, nous incitant à prendre conscience des enjeux et à agir en conséquence. Avec un engagement collectif, nous pouvons restaurer et renforcer la culture de la plage tout en garantissant sa durabilité pour les générations futures ».
En attendant, les plaisirs de la mer s’éloignent pour les citoyens lambda, condamnés à rechercher d’autres loisirs loin de la grande bleue, devenue impraticable ! Il ne reste que les plages et les piscines privées où les prix sont exorbitants pour se baigner tranquillement.