En pleine impasse politique, l’Algérie ne se porte pas mieux sur le plan économique. Quelques jours seulement après l’annonce officielle de l’abandon du recours à la planche à billet, le gouvernement a rendu publiques les données chiffrées de l’exécution du budget de l’Etat durant les trois premiers mois de l’année, faisant ressortir, sans surprise, le maintien du déficit budgétaire à des niveaux élevés, à près de 1000 milliards de dinars.
Que pourra-t-il faire une fois épuisés les montants déjà décaissés par la Banque d’Algérie ? L’option la plus facile, la moins risquée sur le plan social et la plus souhaitable sans doute pour les autorités algériennes c’est une remontée immédiate des prix du brut.
Mais pour cela, le baril devra être valorisé de bien plus que les quelques dollars qu’il prend ou perd ces derniers mois. 116 dollars, c’est le seuil chimérique que le FMI vient de fixer pour que l’Algérie puisse équilibrer son budget sans autre forme d’effort.
Sauf que rien dans les données actuelles liées aux principaux facteurs déterminants du marché pétrolier, soit la croissance de l’économie mondiale, la géostratégie internationale et le schiste américain, ne permet un tel optimisme. Les cours tournent depuis quelques semaines autour de 65 dollars le baril, soit un peu plus de la moitié de ce que l’institution internationale a fixé comme « prix d’équilibre budgétaire » pour l’Algérie.
Le gouvernement devra trouver autre chose dès le deuxième trimestre de l’année en cours et les spécialistes jugent inévitable le retour à la vieille habitude de dévaluer la monnaie nationale chaque fois que les dollars du pétrole ne suffisent pas à satisfaire toute la demande en salaires ou transferts sociaux, exprimée en dinars.
Le stratagème a bien fonctionné par le passé, calmant les ardeurs des travailleurs et de leurs syndicats par l’illusion de meilleurs salaires concédés, mais sans incidence bénéfique sur la valeur réelle des revenus, donc sur le pouvoir d’achat. La logique économique étant partout la même, rien n’a pu empêcher le taux d’inflation de suivre la courbe de la valeur des monnaies étrangères.
D’où l’interrogation légitime sur l’opportunité de recourir de nouveau à la dévaluation pour remplacer la planche à billets. Essayer en moins de deux ans deux mesures qu’on sait aux mêmes effets, c’est prendre le risque de tourner en rond.
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Si le « financement non conventionnel de l’économie » fut unanimement décrié et a fini par être abandonné, c’est exclusivement à cause des risques inflationnistes qu’il fait encourir à l’économie nationale et le spectre de dégringolade qu’il fait planer sur le pouvoir d’achat du citoyen. 55 milliards de dollars ont été émis dans le cadre de la planche à billets, rendue possible par la révision de la loi sur la monnaie et le crédit à l’automne 2017.
Une masse équivalente à 32% du PIB a été imprimée et les autorités ont jugé qu’elles ne peuvent pas aller au-delà sans créer une fièvre inflationniste sans précédent. Mais la dévaluation de la monnaie nationale n’est pas moins porteuse de tels risques, estime-t-on avant même que le gouvernement n’opte officiellement pour cette démarche, à la différence près que les effets de la dépréciation sur le pouvoir d’achat peuvent être approximativement calculés, donc anticipés.
Si telle sera l’option retenue, les autorités auront une fois de plus choisi la voie de la facilité, remettant encore à plus tard les réformes structurelles de l’économie, certes douloureuses mais qui ont une chance d’être efficaces.
Il est vrai que le hirak en cours ne permet pas de faire passer des mesures impopulaires, mais entre la paix sociale et l’équilibre budgétaire, le gouvernement devra choisir. A moins d’une miraculeuse relance immédiate de la machine économique, hélas inenvisageable tant que le pays n’aura pas recouvré la stabilité politique et la légitimité des institutions.