Pressenti depuis qu’il a été intronisé récemment à la tête de l’union de la wilaya d’Alger, Amar Takjout a été plébiscité ce dimanche comme nouveau secrétaire général de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA).
Son élection par les 800 congressistes lors du congrès extraordinaire tenu sur la côte ouest d’Alger, devrait mettre un terme aux errements d’un syndicat, qualifié par certains de « syndicat-maison », englué dans des luttes intestines depuis plusieurs années.
Comme beaucoup d’organisations et partis politiques qui ont accompagné l’ancien régime du défunt Abdelaziz Bouteflika, l’UGTA a subi de plein fouet les contrecoups de la contestation populaire de février 2019.
Eclaboussée par l’emprisonnement de son ancien secrétaire général, Abdelmadjid Sidi Said (1997-2019) qui a été condamné en 2022 à huit ans de prison ferme pour des « affaires de corruption », en proie à des dissensions internes et confrontée à l’émergence des syndicats autonomes, l’UGTA a éprouvé toutes les peines du monde ces dernières années pour s’afficher et se positionner sur les questions qui agitent la scène nationale, notamment l’érosion du pouvoir d’achat des Algériens.
Entre la poursuite de la politique de conciliation avec l’Exécutif et le désir de s’affranchir en écoutant une base bouillante, attachée à défendre les acquis des travailleurs, la centrale syndicale ne savait plus sur quel pied danser.
Signe de cette difficulté : le successeur de Sidi Saïd, Salim Labatcha, informaticien de formation, a dû jeter l’éponge en mars dernier. Officiellement, il a démissionné pour des « raisons de santé », mais pour certains, il a été poussé à la porte de sortie en raison de sa position exprimée en janvier et rejetant les deux projets de Lois relatifs à l’exercice syndical et au droit de grève.
En effet, l’UGTA avait joint sa voix aux autres syndicats autonomes pour contester les projets de Loi que le Parlement s’apprêtait à voter et qui limitent drastiquement, selon les contestataires, le recours à la grève et exigeant l’adhésion de 30 % des travailleurs pour la création d’un syndicat.
UGTA : pourquoi la mission d’Amar Takjout est difficile
Des dispositions interdisent même la grève dans de nombreux secteurs classés « sensibles » et l’activité politique aux syndicalistes. Au même titre que les autres syndicats, l’UGTA, qui n’a pas été consultée pour l’élaboration des textes, a dû céder à la pression de sa base.
En s’opposant à ces projets de Lois, jugés « non conformes aux droits civiques contenus dans la Constitution et aux conventions internationales signées par l’Algérie », Salim Labatcha a dû probablement s’exposer à des pressions, connaissant les mécanismes de fonctionnement de l’UGTA, née dans le feu de la Guerre de libération.
Dans ce contexte, conjugué à l’érosion du pouvoir d’achat des Algériens et le défi de la remise sur les rails du plus grand syndicat du pays, la mission de Amar Takjout s’annonce laborieuse. Issu de la fédération du textile et ancien cadre du Parti des travailleurs (PT), Amar Takjout, partisan de « l’autonomie du syndicat », aura la lourde mission de remettre de l’ordre à l’UGTA qui s’est compromise ces dernières années et qui pour certains était devenue une « source d’enrichissement ».
« Ce congrès extraordinaire est nécessaire d’abord sur le plan organique pour la refonte du schéma organisationnel de cette organisation. Il y a également la nouvelle loi sur le droit à l’exercice syndical à laquelle il faudra se conformer à travers notamment la révision des structures de l’organisation à tous les niveaux. (…) l’UGTA a ainsi besoin de réajustements. Outre les aspects relatifs à la nouvelle loi, l’UGTA a également besoin d’une réorganisation afin qu’elle s’adapte à la nouvelle conjoncture et faire face aux nombreux défis qui l’attendent. Elle a besoin d’un nouveau souffle », disait-il dans un entretien accordé à El Watan, la veille du congrès. Mais au-delà de ces aspects, il sera assurément attendu sur le terrain des luttes syndicales. Une perspective loin d’être aisée.