Écouter du Idir chanté par Souad Massi. Être transcendé par la finesse de la calligraphie d’El Seed. Admirer les jeux de jambes de Karim Benzema et entrer en transe sur les sons de zurna en regardant le clip de DJ Snake. Plumm c’est ça.
La rencontre vibrante et inspirante des talents nés ou liés au bassin méditerranéen. Plumm propose un billet ouvert sur des vols entre Marseille, Alger, Tunis, Casablanca, Nice et plus encore ! Plumm ou Plateforme Union Média Méditerranée est le prochain média qui veut sublimer la culture méditerranéenne. Après une première naissance – presque surprise – en 2020, lors de la pandémie, Plumm veut devenir une plateforme de référence pour la jeunesse du bassin méditerranéen.
Derrière ce projet média, on retrouve Rachid Arhab, l’ex-présentateur du 13 h sur France 2 et ancien membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel français (CSA). Le journaliste franco-algérien a longtemps rêvé de faire naître un média fait pour et par les pays des deux rives de la Méditerranée.
Pour concrétiser ce projet, il s’est entouré de Pascal Josèphe, ancien dirigeant des principales chaînes de télévision française (TF1, France 2, France 3) et de Guillaume Pfister, ancien conseiller au ministère de la culture et ex-directeur marketing de Deezer. Cette fine équipe a imaginé un espace où se croiseront l’imaginaire et la production des différentes cultures de la Méditerranée.
Ce projet est la grande fierté de Rachid Arhab. Il se fait la promesse de réinventer ou plutôt de régénérer la culture pop et urbaine, en s’inspirant de la Méditerranée.
En 2015, dans une interview accordée à TSA, Rachid Arhab nous confiait vouloir créer un Arte franco-algérien. À l’époque, le journaliste avait alors multiplié les allers-retours et les échanges entre les acteurs des deux pays. Mais son approfondissement du projet l’a poussé à le revisiter. Il a accepté de parler des prochaines étapes de Plumm, qui devrait officiellement être lancée en juillet 2022.
Le confinement méditerranéen : une naissance spontanée
Plumm a concrètement démarré avec son "confinement méditerranéen". Au moment où le monde s’enferme pour lutter contre la covid-19, Rachid Arhab a une idée qui lui vient naturellement. Et si on en profitait pour faire un premier rapprochement artistique dans un contexte où l’éloignement est de rigueur ?
"Durant la pandémie on a décidé de lancer une série de vidéos. L’idée était de rapprocher les artistes qui étaient isolés par la covid. Au mois d’avril 2020, on a proposé à un groupe de musiciens de jouer ensemble. On a proposé au chanteur Sofiane Saidi qui était à Sidi Bel Abbes de jouer avec son guitariste Rodolphe Burger, qui lui était en Bretagne. Et enfin à Mehdi Haddab (célèbre joueur de oud) qui se trouvait en Alsace de produire un concert« , explique Rachid Arhab. Les trois artistes acceptent et produisent le titre »Mademoiselle« dans une vidéo montée et diffusée par Plumm. Le projet est nommé »confinement méditerranéen".
"Après 24 heures de diffusion on avait plus de 200 000 vues ! À partir de là on s’est dit que l’on pouvait déjà produire quelque chose. Je crois qu’à ce moment-là les gens étaient comme sidérés par la covid et avaient besoin de vivre un rapprochement", estime Rachid Arhab.
Finalement c’est le contexte qui va presque, comme par magie, propulser la naissance de Plumm. Le génie créateur s’immisce au sein de Plumm et l’équipe poursuit la production de plusieurs concepts vidéo. Au fil des mois, on voit apparaître des capsules vidéo dévoilant notamment des jeunes algériens qui partagent leurs passions, leur culture mais aussi leurs impressions sur le monde qui vit au rythme de la covid-19.
L’Algérie, premier pays à adhérer à Plumm
Cette première proposition est un test en temps réel pour Plumm qui sent qu’un désir est né, notamment du côté du Maghreb et surtout de l’Algérie. « Ce qui m’intéressait c’est que ça prenait bien de l’autre côté de la Méditerranée. Nos vidéos étaient vues majoritairement là-bas « , explique Rachid Arhab.
Face au succès des premières vidéos en Algérie, Plumm continue de publier des contenus tournés au smartphone, mais très efficaces sur Youtube. "On a fait des tests en donnant la parole à des jeunes avec des formats simples, seulement en s’amusant. Personnellement j’ai découvert des témoignages bourrés de fraîcheur, de positivité alors qu’on était en plein covid. Il y avait une grosse envie de s’exprimer, de partager. Il fallait travailler dessus. Les réseaux sociaux ne sont pas seulement là pour mettre en avant les polémiques ou faire du buzz. Ils servent à ça aussi", se souvient Rachid Arhab.
Le journaliste et ses associés creusent l’idée de média. Ils utilisent leur ressenti, les audiences des vidéos et décident d’auditer leur projet. Ils lancent une étude de marché menée par le très renommé cabinet Ernst & Young. « Elle nous a montré que la consommation de contenus se fait via les plateformes web et les réseaux sociaux", explique Rachid Arhab.
Il est notamment interpellé par les chiffres concernant l’Algérie. Les connexions, le nombre de profils sur les réseaux sociaux en Algérie montre un pays qui vit sur le web. Il est l’un des plus actifs d’Afrique. "Un média traditionnel n’était plus adapté. Passer par le web a plus de sens, c’est un dispositif moins lourd qui offre plus de liberté", précise le journaliste franco-algérien.
Le démarrage se fait avec l’Algérie, l’autre pays de Rachid Arhab. C’est aussi le pays où Plumm a construit un premier réseau de vidéastes et d’acteurs culturels. L’histoire particulière entre la France et l’Algérie a amené la réflexion autour d’un média commun.
Impossible de ne pas penser à la diaspora algérienne en France qui est conséquente. La francophonie est utilisée pour lier ces pays qui se partagent la Méditerranée.
Plumm a lancé une campagne de crowdfunding qui se termine dans quelques jours. Un moyen de récolter des fonds mais surtout pour fédérer une première communauté autour de Plumm.
En parallèle, les fondateurs du média en ligne tentent de convaincre des investisseurs des deux côtés de la Méditerranée, avec l’objectif de lever 1,5 million d’euros. L’idée est ensuite de monter un réseau à travers d’abord, la France, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, en faisant travailler des créateurs de contenus locaux. Le média sera quant à lui gratuit et accessible à tous.
Idir, la première inspiration et succès
Avant de se lancer dans la recherche de fonds, Plumm a continué ses essais en ligne, sans véritable stratégie mais plutôt à l’instinct. Un nouveau déclic se déclenche dans l’esprit de Rachid Arhab au moment du décès du chanteur Idir le 2 mai 2020.
Le journaliste franco-algérien est bouleversé par cette disparition. « Le décès d’Idir m’a marqué, j’en ai pleuré durant trois heures, je le connaissais bien, ma mère était une amie à lui. Après avoir repris mes esprits, je me suis dis, bon Rachid il faut faire quelque chose. J’appelle mes associés Pascal Josèphe et Guillaume Pfister et je leur dis, un monument a disparu, on doit faire quelque chose. »
Le journaliste a l’idée de contacter des artistes qui ont collaboré avec Idir pour lui rendre un hommage. Il pense à Maxime Le Forestier, qui avait chanté en kabyle avec le chanteur.
Il contacte le chanteur français et lors de leur entretien, spontanément il lui propose de reprendre des titres d’Idir avec d’autres artistes. « Maxime Leforestier me dit oui mais à une seule condition que tout le monde chante en kabyle. » C’est ainsi que né « Tizi Idir », une myriade de chanteurs talentueux se prêtent au jeu. Souad Massi, Francis Cabrel, Maxime Leforestier, Amel Zen, l’Algerino, Chemsou Freeklane et Taous Arhab chantent en l’honneur d’Idir. En parallèle de nombreuses personnalités partagent quelques mots pour le chanteur disparu.
Toutes ces vidéos cumulent des millions de vues sur le web. Rachid Arhab et ses associés ont trouvé le premier lien fédérateur. L’amour pour le chanteur est en réalité un respect profond de la création algérienne et par extension du Maghreb. Si le projet « Tizi Idir » a si bien fonctionné, c’est la preuve que Plumm a une raison d’être.
Apaiser la jeunesse des deux rives
Après le succès rencontré durant les premiers confinements, Plumm marque un temps d’arrêt ou plutôt de réflexion. Depuis deux ans, le média est resté silencieux mais a conservé une communauté d’abonnés sur les réseaux sociaux.
Il n’a pas disparu mais a plutôt médité sur ses aspirations. Comment créer un média à l’image des populations méditerranéennes et surtout qui soit pérenne ? C’était l’urgence. « Je voulais créer un média qui tienne sur la durée », affirme Rachid Arhab.
L’ancien présentateur du JT de France 2 confie y avoir « passé des nuits blanches. C’était du 23 du 24h », mais il est mu par une mission intime. Celle d’offrir enfin un média qui soit à l’image de la jeunesse méditerranéenne. L’autre objectif de Rachid Arhab à travers Plumm est de redonner un moyen à cette jeunesse d’avoir des modèles, d’être fière. « Les jeunes d’ici n’attendent que ça, un miroir, qu’on leur renvoie une image réelle d’eux-mêmes », estime Rachid Arhab.
Le journaliste pense beaucoup aux communautés maghrébines installées en France. Leur position entre deux pays crée parfois le sentiment de n’appartenir à aucune nation ou culture. D’autant plus dans un contexte français où les discours politiques, en particulier cette année, ont dévalorisé ce type de métissage, au nom d’une exigence d’assimilation.
Mais à côté de cette jeunesse en proie à des doutes, « il y a également beaucoup de gens biens apaisés qui ont envie de vivre, de réussir, personnellement et économiquement. Et d’ailleurs c’est aussi l’objectif de Plumm. Nous tenons absolument à faire travailler des gens de l’autre côté. Il est indispensable de leur offrir une ressource financière, de les aider à changer d’objectif », précise Rachid Arhab. « Après tout, ce sont les personnes qui vivent sur place qui vous raconteront le mieux cette culture », précise-t-il.
Transmettre, découvrir, propulser
Ce rêve longtemps caressé par Rachid Arhab est aussi un moyen pour lui de participer à l’histoire de ses deux pays. L’Algérie et la France, qui sont indissociables de sa vie personnelle. « Ma génération a besoin de jouer un rôle de transmission », estime-t-il.
« J’ai regardé la production audiovisuelle pour les 60 ans de la fin de la guerre d’Algérie. J’ai vu des choses très intéressantes et très bien faites. Mais je n’ai entendu que des récits nostalgiques. On regarde constamment en arrière », commente l’ex-visage de France 2. « Plumm a l’envie de regarder devant, de se concentrer sur ce qui a été fait après cet événement », promet Rachid Arhab.
Pour ce faire, l’équipe de Plumm travaille sur l’élaboration d’une trentaine de formats. « On devrait en dévoiler quelques-uns cet été ». Les contenus seront variés et donneront la parole à tous types de profils. Des artistes, dans un premier temps, mais aussi des créateurs de contenus, des acteurs de l’écologie, des personnalités atypiques, des entrepreneurs, etc. Plumm veut dénicher tous les talents du bassin méditerranéen.
C’est un fait, la Méditerranée est partout. Le rap français a de grandes inspirations maghrébines, le cinéma des deux rives s’entremêlent. Le dernier clip vidéo de DJ Snake au cœur de l’Algérie profonde, a tout simplement enflammé cette région du monde lors de sa sortie, pour une raison bien précise. Tous les regards sont tournés vers la Méditerranée, assurent les créateurs de Plumm.
Dans leur présentation de Plumm, le trio derrière le projet ne cesse de marteler que la « nouvelle pop-culture (…) est sous l’influence d’inspirations méditerranéennes ». Il est donc temps de révéler cette influence qui »touche toute la planète".