Des dizaines d’activistes, condamnés ou en détention provisoire, ont été simultanément remis en liberté provisoire dans la journée de mercredi 30 mars.
Les libérations se sont poursuivies ce jeudi. Selon un décompte fait à la mi-journée par le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), 54 détenus ont retrouvé la liberté depuis mercredi, dont seulement 3 ont purgé leur peine. Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), parle d’une soixantaine de détenus libérés.
Ces libérations n’ont pas fait l’objet de communication officielle du ministère de la Justice. Les avocats et les organisations des droits de l’homme qui les rapportent ne font pas état de grâce ou d’extinction des poursuites, évoquant seulement des remises en liberté provisoire. Parmi les détenus libérés figurent des activistes connus, comme Brahim Laalami, Fayçal Drid, Lazhar Zouaimia, le lanceur d’alerte Zaki Hannache ou le journaliste Abdelkrim Zeghileche.
On ne sait pas à ce stade jusqu’où ira cette vague de libérations et si elle touchera l’ensemble des détenus d’opinion, au nombre de 300 (avant les libérations de mercredi et jeudi), selon des estimations concordantes.
Saïd Salhi estime que cette libération « restera toujours incomplète, tant que les lois liberticides ne sont pas abrogées, la répression n’est pas levée, les libertés démocratiques et les droits humains ne sont pas effectifs, la justice n’est pas indépendante ». « Tant que la liberté d’opinion n’est pas respectée, il y aura toujours des détenus d’opinion », relève-t-il.
« Bien que ce soit une libération souhaitée et demandée depuis des mois par les défenseurs des droits de l’homme, des familles et des militants de tous bords, il s’agit d’une libération surprise accueillie positivement par l’opinion », a-t-il poursuivi.
Quelle est l’explication à ces libérations ? « Jusque-là, il n’y a aucune communication au sujet de cette décision et aussi par rapport à la suite, c’est-à-dire le sort du reste des détenus. Pour le moment, la liste compte une soixantaine de détenus d’opinion sur une liste qui dépasse quand même 300 », avance M. Salhi.
Il relève un point : « Ce qui est à souligner c’est que parmi ces détenus libérés, il y a ceux qui sont poursuivis dans le cadre de l’article 87-bis et donc accusés de terrorisme. Ils sont remis en liberté provisoire dans l’attente de leurs procès ».
Le vice-président de la LADDH exhorte le gouvernement « à encore aller vers d’autres gestes et l’élargissement de l’ensemble des détenus d’opinion ». Surtout, ajoute-t-il, l’abrogation de l’article 87-bis « qui est aujourd’hui l’objet de plusieurs critiques et de réserves, notamment à l’ONU ».
« Il faut quand même rappeler les communications qui ont été envoyées par les rapporteurs spéciaux de l’ONU ou bien du Conseil des droits de l’homme. Je rappelle la déclaration du haut-commissaire des droits de l’homme de l’ONU, Mme Michelle Bachelet, lors de la 49e session du Conseil des droits de l’homme à Genève. Elle a demandé au gouvernement de changer de cap sur la situation des droits humains », a ajouté Saïd Salhi.
« Ne pas reproduire le scénario de janvier 2020 et de juillet 2021 »
« Nous souhaitons en tout cas qu’il s’agisse d’un nouveau cap vers l’ouverture et l’apaisement et le règlement définitif de ce dossier épineux, qui mine la situation et qui rend toute évolution de la situation politique presque compromise », a-t-il dit.
« Des familles ont veillé hier très tard dans la nuit devant les prisons dans l’attente de la libération des leurs, à travers toutes les wilayas. Nous souhaitons la libération des autres détenus, et surtout, je tiens à le souligner, il ne faut pas reproduire le scénario de janvier 2020 et de juillet 2021 », a ajouté le vice-président de la LADDH.
Said Salhi rappelle que « nous avons alors assisté à la libération de détenus d’opinion, que nous avons applaudie et saluée. Malheureusement, quelques jours sinon quelques mois après, on a assisté à une escalade de la répression et l’on s’est retrouvé avec des chiffres de détenus jamais enregistrés depuis le Hirak. Nous souhaitons aussi que ces libérations n’ouvrent pas la voie à d’autres répressions et arrestations. »
En plus de ces libérations, il faut noter aussi les relaxés et condamnations à des peines de sursis prononcées depuis quelques jours et qui ont évité la prison à de nombreuses personnes poursuivies. Des peines sévères continuent néanmoins à être infligées. Le CNLD rapporte par exemple la condamnation ce jeudi à Tissemsilt du détenu Lahcen Kaid à 3 ans de prison ferme.