A l’approche de la journée internationale de la liberté de la presse, le 3 mai, de nombreuses ONG dénoncent les pressions et entraves que subissent les journalistes et les médias en Algérie ainsi que les atteintes aux libertés.
Amnesty International s’est intéressée au cas du journaliste Khaled Drareni, appelant les autorités algériennes « à mettre fin aux poursuites illégales » à son encontre. « L’appel s’inscrit dans le cadre d’une campagne plus large lancée le 3 mai par l’organisation pour demander aux sympathisants et aux journalistes du monde entier de faire preuve de solidarité et appeler les autorités à mettre fin aux restrictions injustifiées imposées aux journalistes et aux médias indépendants en Algérie », écrit Amnesty.
« Au plus fort de la pandémie de COVID-19, la Journée mondiale de la liberté de la presse devrait rappeler de façon pressante aux autorités que le journalisme, la liberté d’expression et la liberté de réunion pacifique doivent être respectés en tout temps », ajoute l’organisation.
Outre le cas Drareni, Amnesty rappelle que « le 15 avril, le ministre de la Communication, Ammar Belhimer, a admis que les autorités, sans notification préalable, avaient bloqué deux médias indépendants en ligne, Maghreb Emergent et Radiompost, dans l’attente de ‘nouvelles poursuites’ contre son directeur pour ‘diffamation et insulte’ contre le président Abdelmadjid Tebboune ». « Le site d’information Interlignes affirme qu’il a également été censuré », indique AI.
« Amnesty International a récemment appelé les autorités à mettre fin aux poursuites contre les militants, manifestants et journalistes du Hirak détenus uniquement pour avoir exprimé leur point de vue en ligne et hors ligne et/ou appelé à un changement démocratique. L’organisation a averti qu’en arrêtant et en emprisonnant les militants, les autorités mettaient également en danger leur santé étant donné les risques d’une épidémie de Covid-19 dans les prisons et les lieux de détention », conclut l’organisation.
« Selon toute apparence, les autorités algériennes profitent de la crise de Covid-19 pour tenter d’étouffer définitivement les manifestations pro-démocratie », écrit de son côté Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch (HRW).
« Etre journaliste n’est pas un crime »
« En février, un an après le déclenchement du Hirak, des dizaines de militants pacifiques étaient toujours derrière les barreaux, et 173 en jugement. Aucun n’a bénéficié de la grâce présidentielle accordée le même mois à 9 765 détenus (…) Sans doute enhardies par le confinement qui compliquait grandement les manifestations de masse, les autorités ont alors intensifié leur répression du Hirak », estime l’organisation.
HRW rappelle la condamnation de Karim Tabbou et de Abdelouahab Farsaoui, l’emprisonnement de Khaled Drareni, le blocage de sites web et l’arrestation « des jeunes comme Walid Kechida qui avaient poursuivi le Hirak, pacifiquement, sur Internet ».
HRW retient aussi qu’« une autre grâce a été accordée le 1er avril à 5 037 prisonniers, en vue de réduire la surpopulation carcérale à l’heure de la pandémie. Mais une fois de plus, aucun détenu du Hirak ne figurait parmi eux ».
« Être un journaliste n’est pas un crime. La liberté d’expression et la liberté de la presse sont des droits garantis par l’article 41 de la Constitution algérienne. Nous exhortons les autorités à libérer les journalistes Khaled Drareni, Sofiane Merakchi et le blogueur Walid Kechida, et à mettre fin au blocage des sites d’information en Algérie », a déclaré pour sa part le président d’EuroMed Droits, Wadih Al-Asmar, à l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse.
« Ce 3 mai 2020, la Journée mondiale de la liberté de la presse restera sûrement lettre morte en Algérie… Journalistes emprisonnés et fermeture des sites d’informations en ligne, les entraves à cette liberté restent nombreuses en Algérie », déplore EuroMed Droits.
« Des sites d’information comme Maghreb Émergent, Radio M, Interlignes, Tout Sur l’Algérie (TSA) et DzVid demeurent bloqués. Faute de promulgation de la loi organique de 2016 censée leur apporter un cadre juridique, les médias en ligne n’ont toujours pas d’existence légale en Algérie », ajoute l’organisation qui souligne en outre que de nombreux observateurs craignent que l’amendement du Code pénal « ait pour objectif de restreindre considérablement la liberté d’expression ».